La technique du livre de démarrage

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J’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer : il ne faut jamais attendre l’inspiration pour se mettre à écrire. Écrivons d’abord, et si l’inspiration s’en mêle, tant mieux, mais sinon, il sera toujours temps plus tard de relire, raturer et modifier le résultat pour en faire quelque chose de satisfaisant.

Si cette approche est pragmatique, elle peut malgré tout générer beaucoup de souffrance chez l’auteur : personne n’aime, en toute conscience, écrire quelque chose qu’il juge médiocre.

Heureusement, il existe plusieurs méthodes pour se mettre en train, éveiller son esprit créatif, en clair : établir les conditions qui vont permettre d’écrire avec plaisir et appétit, afin de produire un résultat qui nous satisfasse. C’est une de ces techniques que je souhaite vous présenter ici.

Si vous sentez que vous êtes dans un de ces jours où les mots ne viennent pas, où tout ce qui sort de votre plume est laid, où vos muses ne font que vous suggérer des images éculées et des tournures de phrases plates, c’est qu’il est temps d’agir. Rendez-vous dans votre bibliothèque et attrapez un roman.

Toutes ces bribes de style, nourrissez-vous en et mettez-vous à écrire votre propre texte

Cela peut être n’importe quel livre, mais de préférence, quelque chose que vous avez apprécié, et, en particulier, que vous jugez bien écrit du point de vue du style. C’est bon ? Vous l’avez ? Bien. Maintenant, ouvrez-le et prenez une page au hasard.

Mettez-vous à lire, quelques phrases, pas plus d’une demi-page. Prêtez attention à ce que fait l’auteur, à ses choix de vocabulaire, à ses tournures de phrases, à la manière dont il construit ses paragraphes. Absorbez tout ça et demandez-vous s’il y a quelque chose à en tirer pour vous. Voyez-vous dans ce texte des choses nouvelles, une approche à laquelle vous n’auriez pas pensé, des mots que vous n’auriez pas songé à utiliser ? C’est probablement le cas : tous les écrivains ont leur propre voix.

Toutes ces bribes de style, nourrissez-vous en et mettez-vous à écrire votre propre texte. Dans la plupart des cas, le fait de vous plonger dans un style différent du votre doit suffire à vous donner une impulsion créatrice décisive. Vous ne vous mettrez pas nécessairement à écrire comme l’auteur que vous avez sélectionné – et tant mieux – mais en vous immergeant dans les mots de quelqu’un d’autre, avec des choix de vocabulaire et des tournures de phrases différentes, cela devrait réveiller votre envie d’écrire.

Bien souvent, la technique du livre de démarrage donne de très bons résultats et permet des déblocages rapides lorsque la plume s’enlise. Si ça ne fonctionne pas, tentez l’expérience d’aller un cran plus loin et de pasticher l’écriture de votre roman de référence. Vous y découvrirez peut-être des choses au sujet de votre propre style que vous ne suspectiez pas.

Votre premier choix n’est pas nécessairement le meilleur

Une autre possibilité, toute simple, est de changer de livre. Votre premier choix n’est pas nécessairement le meilleur. En ce qui me concerne, j’ai changé plusieurs fois de livre de démarrage avant de me mettre à utiliser, presque exclusivement, « Le Hussard sur le toit » de Jean Giono.

D’ailleurs d’après mon expérience, sélectionner un roman du vingtième siècle, de facture classique, au style soigné, est probablement le meilleur choix possible. Par ailleurs, puisque toute l’idée est de profiter de la fraîcheur d’un style différent, mieux vaut éviter de choisir, comme livre de démarrage, votre roman favori, ou même plus généralement un livre qui soit trop proche de vos goûts. Mieux vaut sortir de vos sentiers battus, en l’occurrence.

Si cette technique fonctionne pour vous, il est même possible de la compliquer un peu : un auteur qui y verrait un avantage pourrait très bien sélectionner plusieurs livres de démarrage, qu’il utilise selon les moments, les envies, les besoins présents du projet d’écriture, en fonction de leur ton et de leurs qualités propres. Dans le passé, il m’est arrivé d’utiliser, par exemple, les nouvelles d’Ernest Hemingway quand je ressentais le besoin de simplifier mon écriture, et « Viriconium » de M. John Harrison quand j’avais le besoin inverse.

Atelier : Allez saisir un roman dans votre bibliothèque et lisez-en quelques lignes au hasard. Est-ce que vous sentez l’inspiration vous gagner ? Jugez-vous qu’il pourrait s’agir d’un bon livre de démarrage ? Pour tester l’hypothèse, mettez-vous à écrire, et la prochaine fois, commencez avec un roman différent.

15 réflexions sur “La technique du livre de démarrage

  1. C’est une bonne idée que de choisir un « livre de démarrage ».
    Moi qui écris presque exclusivement de la poésie, j’ai toujours à portée de main un recueil de mes poètes préférés parce que j’aime aussi lire de la poésie, également sur internet via des blogs, et je n’avais pas fait les lien avec l’inspiration puis la mise au travail d’écriture.
    Merci pour ces conseils.

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    • Je pense que c’est aussi une question de parcours: moi qui écris très peu de poésie, si je tentais d’appliquer la technique à ce genre d’écriture, probablement que mes auteurs préférés m’influenceraient trop et que je finirais par donner dans le pastiche.

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  5. Oups, c’est ce que j’ai fait involontairement hier avec Cortazar 🙂 ! je n’arrivais pas à débloquer deux ou trois pistes qui ne voulaient rien savoir, alors j’ai lu un texte court et hop, j’ai fait tout autre chose que prévu. Maintenant que je sais que c’est une technique reconnue, je vais essayer volontairement.

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  7. Je ne suis pas du tout convaincue, pour moi c’est le meilleur moyen de copier le style d’un autre, de faire du plagiat et de trop s’inspirer! J’écris et je ne fais pas du tout ça, je ne lis pas du tout pour « m’imprégner » du style des autres, non j’aime pas ça, je peux lire en étant intéressant à une histoire c’est tout! Et heureusement j’ai pas vraiment la mémoire des mots et phrases comme les citations ça je m’en souviens pas du tout non plus, j’ai plus la mémoire des images! Et tant mieux je ne risque pas de copier des phrases! Quant au 1er conseil je ne suis pas convaincue non plus, euh pour écrire une histoire il faut surtout avoir l’inspiration d’une idée car une histoire naît d’une idée!
    C’est différent par contre si tu écris juste un journal intime là pas besoin d’inspiration, t’écris juste ta vie, ce qui te passe par la tête mais c’est différent d’écrire une histoire fictive!

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    • Oh, à chacun de voir. Cette technique fonctionne pour moi, elle peut fonctionner pour d’autres ou échouer pour certains. Cela dit, nous avons tous des tas de choses à apprendre, et il me semble essentiel pour un auteur d’être capable d’élargir un peu ses horizons et d’apprendre de celles et ceux qui écrivent avec talent.

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      • Soit. A quoi bon visiter un blog qui parle d’écriture, dans ce cas? La raison d’être de ce site, c’est que l’on peut apprendre les uns des autres, que l’on peut s’élever en se hissant sur les épaules de celles et ceux qui nous ont précédés. Pour celui qui pense n’avoir rien à apprendre, ça n’a aucun intérêt.

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