La littérature jeunesse

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Comme nous avons, lors de billets précédents, exploré les différents moyens de mettre en scène des enfants ou des thèmes liés à l’enfance dans un roman, et que nous avons enchaîné avec des conseils pour écrire des personnages d’enfants et d’adolescents, il ne nous reste plus qu’à boucler la boucle et à nous intéresser aux livres destinés à être lus par de jeunes lecteurs.

Qu’on ne s’y trompe pas : le thème mériterait qu’on lui consacre un blog tout entier, avec des articles hebdomadaires destinés à en explorer les différents aspects. Ce billet est donc nécessairement incomplet : c’est une invitation à explorer davantage ces thèmes, si cela vous intéresse.

La littérature pour la jeunesse se caractérise par le public qu’elle vise, pas nécessairement par le public qui la lit. Il est ainsi tout aussi possible pour un adulte de lire un roman de la collection « Chair de poule » de R.L. Stine, comme il est possible pour un adolescent de se perdre dans la lecture du dernier roman de Michel Houellebecq. Certains ouvrages transcendent les limites d’âge qui sont artificiellement érigées par les maisons d’éditions pour des raisons promotionnelles, et deviennent des classiques qui peuvent être appréciés à tout âge, comme « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles », « Le Petit Prince » ou « L’Attrape-Cœur. »

Néanmoins, ce public-cible dont l’existence est fréquemment supposée dans ce type d’ouvrages conditionne en grande partie la forme, les thèmes, les personnages et tous les autres aspects des romans de littérature jeunesse, jusqu’à donner à celle-ci, par certains aspects, les caractéristiques d’un genre littéraire à part, régi par toutes sortes de règles spécifiques.

Traditionnellement, la littérature jeunesse est divisée en deux grandes catégories : la littérature pour enfants et la littérature pour adolescents. Sont venus s’y ajouter, ces dernières années, deux autres catégories : le Young Adult et le New Adult.

Littérature pour enfants

La littérature pour enfants est sans doute, de toutes celles qui sont examinées dans ce billet, celle qui présente la plus grande diversité formelle et stylistique. On parle ici d’une littérature dont tout un segment est constitué de livres illustrés, destinés à un public de lecteurs qui ne savent pas lire par eux-mêmes, et à qui on doit raconter les histoires ; il y a aussi des livres de contes, eux aussi enrichis d’images, qui revisitent les classiques ou inventent de nouvelles histoires faits pour être dites à voix haute ; des livres pour les très jeunes lecteurs, destinés à leur donner le goût de la lecture ; des ouvrages thématiques de nature éducative, destinés à sensibiliser les jeunes à des thèmes de la vie de tous les jours, dont certains sont graves (deuil, divorce, violence).

Malgré cette diversité, les livres pour enfants ont un certain nombre de points communs. Premièrement, les protagonistes sont le plus souvent eux-mêmes des enfants, ou des créatures (animaux, peluches, extraterrestres) qui se comportent comme des enfants, qui ont des problèmes d’enfants et des réflexions d’enfants. Deuxièmement, ces ouvrages sont courts et écrits gros, afin de satisfaire un public qui n’a pas beaucoup de patience, ni beaucoup de pratique de la lecture. Le vocabulaire utilisé est simple, faisant grand usage des répétitions (cela n’interdit pas une certaine ambition, comme en témoignent les livres pleins de jeux de mots de Pef). Surtout, tout est basé sur des concepts simples et originaux, qui rendent chaque livre ou chaque série instantanément identifiable.

De tous les secteurs de l’édition, celui des livres pour enfants est peut-être celui dont le niveau de qualité moyen est constamment le plus élevé, avec des textes inventifs et de haute qualité, une recherche du ton juste, souvent assisté par des professionnels de l’enfance, et des illustrateurs qui font partie des meilleurs du marché. Il n’est pas particulièrement aisé d’y faire sa place.

Littérature pour adolescents

Ce qu’on appelle aujourd’hui la « littérature pour adolescents » a subi ces dernières années une sorte de réajustement, causée par l’apparition de nouvelles catégories et d’une nouvelle dynamique venue du monde anglo-saxon où ce segment de l’édition a toujours été vivace. Autrefois, on l’aurait défini comme l’ensemble des publications visant un public de 13-18 ans, et on aurait pensé en premier lieu à quelques séries populaires comme « Le Club des Cinq » ou « Alice » (« Nancy Drew »), auxquels on aurait ajouté quelques classiques tels que les romans de Jules Verne.

Aujourd’hui, la littérature pour adolescents proprement dite s’est retranchée sur des âges plus précoces. On la conseillerait plutôt aux lecteurs de 10-15 ans. C’est devenu un segment de l’édition très actif, et surtout varié.

Dans cette tranche d’âge, on trouve des romans dans tous les genres : de l’aventure, du polar, de la fantasy, mais aussi de l’horreur ou du thriller. Il y a également pas mal de romans écrits dans une veine réaliste, qui permettent au lectorat jeune de découvrir de l’intérieur des situations sociales contemporaines (la drogue, la sexualité, l’argent, le succès) présentées de manière simple et accessible, voir le quotidien de jeunes qui vivent, dans des pays lointains, des situations très différentes des jeunes d’ici. En réalité, en germe, on trouve absolument tous le panorama de la littérature contemporaine, ce qui permet au jeune lecteur curieux de forger ses goûts.

Il y a tout de même des constantes. Les protagonistes des romans de littérature pour adolescents sont eux-mêmes des adolescents. Le langage est simple, avec parfois une intention didactique d’expliquer certains termes, les livres ne sont pas bien épais et les plus populaires peuvent se décliner en séries au très long cours, empruntant parfois les codes de la catégorie supérieure.

Young Adult

Le terme « Young Adult » est apparu dans le sillage du succès sidérant de la saga Harry Potter, lorsque des hordes de jeunes ont découvert le plaisir de lire et que le secteur de l’édition a cherché à satisfaire à leur demande, en produisant des romans susceptibles d’aborder les thèmes et les ambiances qui leurs sont chers.

Le résultat est une catégorie un peu hybride. On présente souvent les livres « Young Adult » comme étant ceux qui s’adressent à un public présentant des âges compris entre 15 et 30 ans, soit les lecteurs qui commencent à se lasser de la littérature pour adolescents classique, auxquels on ajoute les lecteurs qui ne trouvent pas de satisfaction dans les romans destinés au lectorat adulte, et qui préfèrent prolonger les plaisirs de lecture développés pendant leurs jeunes années.

En réalité, c’est un peu plus compliqué que ça, car le Young Adult est à la fois une catégorie d’âge, et, d’une certaine manière, un genre. Ou en tout cas, un ensemble de genres qui ont des points communs entre eux – tous les types de littérature ne sont généralement pas considérés comme Young Adult. Les romans réalistes ou éducatifs évoqués ci-dessus n’ont que rarement leur place dans les rayons estampillés « YA », au bénéfice de toutes sortes de romans dont le point commun est la volonté d’évasion (l’« escapism » anglo-saxon), le suspense, les sensations fortes et le divertissement.

Rien n’empêche d’aborder des tons graves, mais dans son ensemble, la littérature Young Adult privilégie les littératures de l’imaginaire – fantasy, urban fantasy, bit lit et compagnie. Même si les définitions n’ont rien d’officielles et sont très fluctuantes selon la personne que l’on interroge, le polar pour adolescent, par exemple, n’est généralement pas considérée comme faisant partie de cette catégorie.

Quel que soit leur âge, les lecteurs de littérature Young Adult sont de gros consommateurs de livres, mais aussi d’autres formes de divertissement, tels que séries télé ou jeux vidéo. Ils sont exigeants mais fidèles, et, lorsqu’ils ont découvert un certain type de romans ou d’auteurs qui leur plaît, ils ont tendance à chercher à multiplier cette sensation à l’infini.

C’est d’ailleurs ce qui leur vaut une partie de leur mauvaise réputation : la qualité moyenne des œuvres estampillées Young Adult n’est pas à mettre en cause, mais elles favorisent la fidélité de leurs lecteurs, dont certains finissent par manquer de curiosité et à lire encore et encore le même type de livres. On peut se réjouir de voir des jeunes qui lisent et applaudir le succès de ce segment du marché, mais le fait de chercher à satisfaire à des désirs très spécifiques se fait parfois au détriment de l’ambition littéraire et de la personnalité des œuvres.

D’ailleurs, un auteur qui souhaiterait œuvrer dans le domaine Young Adult se rendrait rapidement compte que pour s’y illustrer, il doit produire des œuvres très formatées, et que chaque pas de côté, chaque originalité, risque de l’en éloigner.

New Adult

Apparu ces dernières années, le segment « New Adult » a d’abord été présenté comme le prolongement naturel de la catégorie précédente. En deux mots, on aurait tout simplement affaire à une nouvelle catégorie de transition, qui serait donc réservée aux lecteurs amateurs de Young Adult qui, décidément, ne souhaiteraient pas laisser derrière eux ce type de littérature en gagnant en âge.

Donc à la base, le New Adult, c’est supposé être des romans destinés aux 18-30 ans, avec le même accent mis sur l’évasion que dans le Young Adult, le tout rehaussé d’une touche de maturité en plus. « Twilight », mais avec davantage de scènes de sexe. Le New Adult met généralement en scène – on l’aura deviné – des jeunes adultes, qui font face à des difficultés existentielles ou qui se trouvent à un tournant de leur vie. Ces romans sont souvent écrits à la première personne et comportent des éléments de soap opera dans leur style, ainsi, bien souvent qu’une certaine fascination pour tout ce qui provient de l’aire culturelle anglo-saxonne.

En réalité, même si certains adhèrent toujours à cette définition, le New Adult ne s’est pas tout à fait développé de cette manière. Il est rapidement devenu une catégorie presque exclusivement destinée aux lectrices, et fortement teintée de romance, ce qui fait qu’aujourd’hui, une partie des ouvrages qui sont vendus avec cette estampille sont presque impossibles à distinguer des romances traditionnelles.

⏩ La semaine prochaine: Éléments de décor – le sexe

3 réflexions sur “La littérature jeunesse

  1. Salut 🙂 J’ai lu ton article avec intérêt car je suis une lectrice de YA, qui a justement évolué vers d’autres genres après une certaine lassitude…
    A propos des sous catégories,je dirais que le NewAdult et la New Romance sont consacrés uniquement à la romance (avec érotisme et/ou sexe) et sont souvent les romans de piètre qualité … alors que le YA contient surtout des Dystopies, de la SF et de la fantasy !
    J’ai adoré tous les « classiques » YA dystopiques qui ont fondé le genre : Divergente, HungerGames, PercyJackson, The Mortal Instruments (et Harry Potter bien sûr).
    Ce sont eux les piliers du YA et de cette génération de lecteur ^^

    Aimé par 1 personne

    • Merci de ton commentaire. J’ai sondé les avis tous azimuts et j’ai trouvé, à ma grande surprise, des définitions très variables de ces catégories, c’est pourquoi j’ai fourni ces définitions qui ne conviennent probablement pas à tout le monde. C’est un compromis 😉

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