Le pacte de qualité de l’autoédition

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Les romans autoédités ne sont pas de plus mauvaise qualité que ceux qui sont issus des maisons d’édition. Certains d’entre eux sont même meilleurs, écrits avec davantage de soin, relus avec plus d’attention, fignolés dans le moindre détail, alors qu’il arrive que des ouvrages issus des canaux plus officiels soient assemblés à la hâte, sans trop se préoccuper de la qualité du produit fini.

Cela étant dit, l’autoédition traîne une réputation souvent peu élogieuse. Une grande partie du lectorat ignore tout de son existence. Et parmi ceux qui en ont entendu parler, certains refusent de s’approcher d’un roman qui n’aurait pas reçu l’estampille d’une maison d’édition, craignant que ceux-ci soient bâclés, des premiers jets vite pondus, à l’orthographe et à la grammaire approximatifs, au texte jamais relu, à la mise en page repoussante, bref, des livres réalisés sans aucun regard extérieur ni contrôle qualité, quel qu’il soit.

Ce point de vue ne correspond sans doute pas à la réalité, mais il existe, et le monde de l’autoédition aurait selon moi tout à gagner à en tenir compte s’il souhaite continuer à s’étendre. En deux mots : ne pouvant pas compter sur la béquille du contrôle éditorial, la production autopubliée doit asseoir sa légitimité sur d’autres bases. Naturellement, produire un travail de qualité est et restera le meilleur argument qu’un écrivain pourra faire valoir, et le seul qui compte pour une partie de ses lecteurs.

Néanmoins, étant donné l’offre pléthorique de livres, tout ce qui peut aider un auteur à ressortir du lot est à encourager. Lorsque les piles à lire des amateurs de bouquins culminent déjà à des hauteurs dangereuses, alors qu’ils se contentent de puiser dans la production des maisons d’édition, qu’est-ce qui pourrait pousser ces lecteurs à s’aventurer dans la jungle de l’autoédition, s’ils craignent d’avoir une mauvaise expérience ? À l’heure actuelle, ils n’ont pas de point d’entrée, rien qui leur indique qu’un livre qui n’est pas passé par les circuits traditionnels vaut le détour, qu’il a été réalisé avec le même soin et le même souci du détail que s’il était issu des plus grandes maisons.

Le constat que je dresse ici n’est pas nouveau. Depuis des années, le petit monde de la littérature autoéditée planche sur la question, l’envisageant sous tous ses angles. L’idée de créer un label de qualité qui pourrait servir de garantie au lectorat a été envisagée, étudiée, longuement débattue, avant que chaque tentative de construire quelque chose ne sombre dans des querelles sur des points de détail. On ne va pas les blâmer parce qu’en réalité, c’est leur plus grande qualité : les autrices et les auteurs auto-édité-e-s sont farouchement indépendants, ils ont du mal à se plier à ce qu’ils considèrent comme une contrainte extérieure, à plus forte raison s’ils ne sont pas d’accord à 100% avec ce qu’on leur propose. Qui plus est, à quoi bon mettre en place une autorité extérieure qui garantit la qualité d’un ouvrage ? N’est-ce pas réinventer les maisons d’édition ? Personne n’a besoin de ça.

Partant du principe qu’il existe chez les lecteurs un besoin de points de repère face à l’offre pléthorique qui déferle sur le marché, mais que toute contrainte est mal vécue par les auteurs qui sont les principaux intéressés, je propose donc un pacte de qualité pour l’auto-édition.

Il ne s’agit pas d’un label, il ne s’agit pas d’un cahier des charges, personne ne force qui que ce soit à faire quoi que ce soit, lecteurs et écrivains conservent leur entière liberté. Il s’agit d’un acte volontaire, librement consenti et public, de la part d’un auteur auto-édité, de s’engager à produire un livre répondant à des normes minimales de qualité formelle.

En deux mots, il s’agit d’un engagement sur l’honneur à fournir un produit qui correspond à des standards proches de ceux des maisons d’édition, ceux dont les lecteurs ont l’habitude. Le simple fait d’adhérer à ce pacte témoigne d’une volonté de bien faire, d’un aveu que l’édition correspond à une somme de métiers ou d’interventions (relecture, correction, mise en page, illustration, contrôle éditorial, etc…). Si l’auteur qui s’engage possède certaines des compétences requises pour faire le travail lui-même, tant mieux, sinon, il fait appel à des tiers.

Cette exigence, de nombreux auto-édités s’y plient déjà, naturellement. Mais le lecteur n’en est pas toujours informé. Je suggère de rendre cette démarche explicite.

Le pacte qualité des auteurs auto-édités est un engagement qu’un écrivain prend à titre personnel, vis-à-vis de ses lecteurs. Il prend la forme qu’il souhaite, épouse les limites qu’il veut, et est communiqué de la manière dont il a envie. Pour débroussailler le terrain et faciliter les démarches de celles et ceux qui souhaiteraient s’engager dans cette voie, je vous suggère ici une manière de faire, conçue pour être évolutive et paramétrable. À chacune et chacun de voir s’il souhaite la reprendre telle quelle ou la modifier.

Dans la conception du pacte telle que je la propose, l’engagement est imprimé sur le quatrième de couverture, en bas de page, en faisant figurer la phrase suivante : « L’autrice/auteur garantit que ce livre auto-édité a été : »

À la suite de cette phrase, il inclut l’un ou l’autre des quatre pictogrammes suivants, en fonction de sa situation et des limites qu’il souhaite donner à son engagement. Chacun de ces symboles représente une promesse différente. Ensemble, elles assurent une qualité formelle minimale à un ouvrage.

Relu

signalétique relu copie

Le roman a été intégralement relu plusieurs fois par le romancier lui-même, dans l’optique d’en assurer la qualité formelle, traquant les erreurs de grammaire, d’orthographe et de typographie, mais également les répétitions et autres erreurs stylistiques, ainsi que les faiblesses de construction narrative et structurelle. Le pictogramme « Relu » symbolise à lui seul une exigence de qualité de faible niveau, mais assure au lecteur qu’il n’a pas affaire au premier jet d’un texte envoyé à la hâte à la publication.

Corrigé

signalétique corrigé copie

Ce symbole assure que le roman a été entièrement relu et corrigé par une tierce personne, éventuellement par un correcteur professionnel, ou grâce à l’assistance d’une application d’analyse textuel, afin de l’expurger des erreurs en tous genres, telles que celles qui sont mentionnées dans le paragraphe précédent. Pour autant que l’auteur le sache, un texte « Corrigé » est un texte sans fautes.

Mis en page

signalétique mis en page copie

Un document marqué par ce symbole a été mis en page avec soin. L’auteur a fait appel à un maquettiste professionnel, ou, à défaut, a pris sur lui d’observer avec soin les standards les plus exigeants de typographie, de choix de polices, de traitements des images, de formatage des paragraphes, de titrages et autres considérations techniques, afin de garantir une lecture fluide et agréable au lecteur.

Validé

signalétique éditorial copie

Dernière catégorie du pacte, l’estampille « Validé » témoigne que le texte a bénéficié d’un contrôle éditorial par une tierce personne : un éditeur, coach en écriture ou écrivain qui s’est penché sur le texte avec un regard critique, qui a attiré l’attention de l’auteur sur les faiblesses dans le fond et dans la forme, et qui a exploré avec lui les moyens de les surmonter, jusqu’à parvenir à un résultat satisfaisant pour tous les deux. Un roman « Validé » est produit avec la même exigence qu’un texte ayant bénéficié du contrôle éditorial d’une maison d’édition.

Les définitions de ces quatre catégories sont laissées vagues et c’est volontaire. Qu’est-ce qu’une mise en page « agréable », par exemple ? La plupart des romans sont publiés avec des paragraphes justifiés, et il s’agit d’un standard largement reconnu, mais un auteur qui ne souhaite pas s’y plier pourra choisir d’inclure le symbole « Mis en page » malgré tout, s’il juge que le résultat est tout de même esthétiquement cohérent et plaisant.

Au fond, l’avis de l’auteur compte peu : cet engagement est pris vis-à-vis du lecteur et c’est lui qui, en fin de compte, décidera si celui-ci est crédible ou non. Un texte bâclé et truffé d’erreurs dont l’auteur aurait l’audace d’inclure une signalétique comme celle-ci serait ridiculisé par ses lecteurs et risquerait de s’attirer une mauvaise réputation. En réalité, il n’y a rien à gagner à affirmer que l’on se plie à des exigences formelles si ce n’est pas le cas. Les faussaires se font vite débusquer.

Le pacte qualité des auteurs auto-édités est un instrument de marketing destiné à présenter un roman sous un jour plus séduisant, c’est le témoignage d’un souci de bien faire, c’est un instrument destiné à rapprocher les auteurs des lecteurs. C’est surtout une idée faite pour être utilisée dans le monde réel, modifiée, améliorée, débattue. Chacun peut se l’approprier et en offrir une variante personnelle. Au final, le double objectif poursuivi est la satisfaction des lecteurs et la fin des stéréotypes sur l’auto-édition.

Plus encore que d’habitude, je vous encourage donc à débattre de cet article ici, de le partager autour de vous et de poursuivre la discussion sur les réseaux et dans le monde réel, dans l’intérêt des lecteurs comme dans celui des auteurs.

Achever les corrections

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« Par une belle matinée du mois de mai, une élégante amazone parcourait, sur une superbe jument alezane, les allées fleuries du Bois de Boulogne. »

Cette citation apparaîtra comme familière à toutes celles et ceux qui ont eu l’occasion de lire « La Peste » d’Albert Camus. Dans sa fresque humaniste, le romancier met en scène un personnage secondaire, Joseph Grand, qui tente, comme la plupart des autres figures rencontrées dans le livre, d’injecter un peu de sens dans l’absurdité de l’existence. À cette fin, Grand est auteur amateur. Sauf qu’il ne rédige pas un roman, mais une seule et unique phrase, qu’il modifie, un mot à la fois, jusqu’à ce qu’elle lui semble parfaite. Naturellement, il ne réalisera jamais cet objectif hors de son atteinte, et ne laissera derrière lui qu’un gros carnet plein de versions raturées de cette phrase qui, n’aura apporté aucune forme de satisfaction à son auteur.

Voilà une situation qui apparaîtra comme familière à tout écrivain qui se trouve en plein travail de relecture. Modifier son texte dans le but de l’améliorer crée en effet une situation plus épineuse qu’on ne pourrait le penser de prime abord, et qui se résume en une phrase : « Quand est-ce qu’on sait qu’on a terminé » ? En d’autres termes : à quel moment peut-on reposer son manuscrit et le considérer comme achevé ? Quand est-ce que les modifications que l’on peut lui apporter ne l’améliorent plus ?

Comment sait-on qu’on a fini ? Voilà une question cruciale. La réponse, pour une bonne partie des auteurs, c’est « On ne sait pas. »

Voilà pourquoi certains relisent, corrigent et réécrivent leurs textes encore et encore, comme Joseph Grand, en quête d’une perfection que jamais ils ne sauraient atteindre. Si on considère qu’un livre est terminé uniquement quand chaque aspect nous parait impossible à améliorer, on ne va jamais pouvoir l’achever. La relecture peut s’apparenter à un travail de Sisyphe, un cycle impossible à briser.

Il vaut mieux considérer qu’un texte n’est jamais fini

Les bébés, après tout, ne naissent pas parfaits : lorsqu’ils voient le jour, ils ont encore tout à apprendre. Pourtant, pour eux, le moment est venu de quitter le stade de la gestation pour entrer dans celui qu’on appelle la vie. Il en va de même pour les romans. Oui, on pourrait poursuivre leur élaboration indéfiniment. Mais plutôt que procéder de cette manière, il vaut mieux considérer qu’un texte n’est jamais vraiment fini, mais qu’il finit malgré tout par s’échapper de son auteur, de bon ou de mauvais gré.

Parfois, ce sont les contraintes extérieures qui obligent un romancier à déclarer que son œuvre est achevée. Confronté à un délai de parution, celui-ci sera obligé de rendre son manuscrit, même s’il ne le considère pas comme parfait. Cette obligation peut être une bénédiction, puisqu’elle donne un terme naturel au travail de correction, et empêche l’auteur de chercher à viser des objectifs hors d’atteinte. Si le résultat convient à la maison d’édition, pourquoi se torturer davantage ? Un autre travail sur le texte peut commencer ensuite, avec la complicité d’un éditeur.

Il arrive aussi que le travail d’écriture et de relecture arrive à son terme parce que l’auteur sent que c’est le moment. Oui, il se dit bien qu’il pourrait se confronter à son texte encore une ou deux fois, mais à cette idée, il ressent une lassitude proche de la nausée, semblable à celle que l’on peut éprouver en revoyant le même film des dizaines de fois. À force de travailler sur un texte, on atteint un cap où on connait par cœur chaque virgule et où l’on finit par se sentir physiquement révulsé de le relire, ne serait-ce qu’une fois de plus. C’est le signe qu’il est temps de passer à autre chose.

Si votre cerveau tourne à vide, c’est parce que votre bouquin est achevé

La nausée des corrections est un mal très répandu aux symptômes duquel il faut être attentif : lorsque vous en ressentez les effets, vous pouvez en profiter pour reposer votre œuvre et envisager de vous y replonger plus tard, avec un œil neuf. Ou alors, c’est vraiment la preuve qu’il n’y a rien à ajouter à votre roman et qu’il faut arrêter de travailler dessus : si votre cerveau tourne à vide, c’est parce que votre bouquin est achevé, arrêtez donc de vous torturer.

Il existe pourtant des moyens moins désagréables d’appréhender la phase finale des relectures. Au fond, cela dépend de votre état d’esprit. Si vous êtes pragmatique et serein, vous pouvez décider de vous fixer à l’avance des critères clairs qui vous indiquent que votre manuscrit est terminé – par exemple, quelque chose qui ressemble à la checklist que je vous proposais dernièrement. Si vous avez confiance en cette approche et que vous avez fait subir à votre texte tous les examens que vous aviez planifiés, vous pouvez cesser d’y toucher en toute tranquillité et décréter qu’il est terminé. Vous avez accompli tout ce que vous aviez prévu, c’est donc qu’il n’y a rien de supplémentaire à faire.

Une autre manière de considérer les choses est plus philosophique : il s’agit de l’idée qu’un auteur doit savoir se détacher de son texte, lui rendre sa liberté comme on apprend à couper le cordon avec un enfant qui arrive à l’âge adulte. Cette attitude consiste à reconnaître que toute œuvre littéraire est perfectible, mais qu’il vient un moment où elle peut – et doit – être livrée aux lecteurs, qui sont en définitive les seuls dont l’avis importe. Oui, peut-être que vous auriez pu écrire un meilleur roman, mais pourquoi ne pas vous réserver cet objectif pour votre prochain livre ?

Cela dit, avoir du recul sur sa propre œuvre, ça ne se décrète pas. Cela réclame soit de l’expérience, soit de la maturité (un peu d’arrogance peut aider, le cas échéant). Si vous ne parvenez pas à vous décider vous-même, pourquoi ne pas appeler à l’aide ? Bénéficier d’un œil extérieur peut être une aide précieuse lorsqu’il s’agit de déterminer quand il convient de suspendre le travail de relecture. Confiez votre texte à un correcteur ou un beta-lecteur, qui pourra vous faire part de ses suggestions et remarques, ou, pourquoi pas, vous signaler simplement que selon lui, le roman est terminé. Tant mieux : vous aurez ainsi quelqu’un avec qui partager une coupe de champagne pour fêter la conclusion de votre travail d’écriture.

⏩ La semaine prochaine: Le décor

Anatomie d’une scène réécrite

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Cette semaine, je vous propose quelque chose de différent.

Dans le prolongement des réflexions de ces dernières semaines autour des relectures et des corrections, j’ai envie de partager avec vous un exemple issu de mon roman « La Ville des Mystères. » À savoir une scène ratée, réécrite encore et encore jusqu’à ce que j’en sois satisfait.

On dit que, si on aime les saucisses, mieux vaut ne pas trop savoir comment elles sont fabriquées. Ici, je vous propose une expérience similaire dans le domaine de la littérature. En bref : âmes sensibles s’abstenir, je vais vous montrer des exemples bien foireux de mon travail, que j’aurais sans doute mieux fait de conserver dans mes archives. Cela dit, pour illustrer l’utilité de la relecture, c’est quand même plus parlant si on montre des exemples tout pourris. Ici, vous allez voir de manière concrète plusieurs des raisons qui peuvent pousser un auteur à réécrire une scène qui ne fonctionne pas.

La scène

Dès le départ, je me doutais bien que la rédaction du passage dont il est question serait corsée. La scène, située au début du roman, poursuit plusieurs buts qui sont cruciaux pour la compréhension de la suite : il s’agit d’introduire des personnages et des concepts qui vont être présents sur la totalité du texte.

D’une certaine manière, cette scène fait office de gare de triage : c’est un passage obligé, et si le lecteur quitte les rails ici, c’est tout le roman qui risque d’être raté. Bien sûr, l’inconvénient, c’est qu’une gare, c’est rarement très exaltant, donc en plus de tenter de rendre cette scène compréhensible, ma mission était de faire en sorte qu’elle soit digeste.

Dans le roman, à ce stade, Tim Keller, une adolescente de notre monde, vient de se voir propulsée dans une réalité parallèle, après une rencontre avec un poisson parlant. Elle a débarqué en plein milieu d’un camp de travail, et a rapidement été condamnée à passer quelques jours en cellule d’isolement. C’est à la sortie du mitard qu’on la retrouve, alors qu’elle reprend connaissance sur une banquette. La scène introduit deux personnages : Armaga et Drendel Squinn. Par ailleurs, c’est à ce stade que Tim réalise que, depuis qu’elle est arrivée dans ce monde, elle est capable de comprendre toutes les langues, y compris celle des créatures fabuleuses qui y vivent.

J’ai réécrit cette scène de A à Z à trois reprises. Dans sa totalité, elle est un peu longue, aussi je vous propose d’en partager avec vous des extraits, en guise d’illustration.

Rencontre avec Armaga

Premier jet

L’être de pierre semblait trouver mon réveil très divertissant, mais il tentait de rester courtois et il réprima autant que possible le fou rire qui le menaçait. Il ne pouvait pas tout à fait gommer, par contre, cet éclair malicieux que je lisais dans ses yeux. Quand je me suis calmée, il s’est adressé à moi d’une voix profonde comme l’écho d’une montagne : « haha ! Enfin elle se réveille, notre superstar ! J’ai bien cru que tu allais dormir encore deux ou trois jours ».

Superstar ? Jojo l’homme de pierre était à mon chevet en train de me qualifier de superstar ? Je ne voyais pas trop comment tout cela se rattachait à ce que je venais de vivre dans le cachot. Ni, à dire vrai, à quoi que ce soit d’autre en rapport avec moi. Que voulait-il dire ? Parmi les dizaines de questions qui se précipitaient dans ma tête, je lui en ai lancé une petite poignée pour commencer :

— Superstar ? Hein ? Quelle superstar ? Tu es qui ? Tu es quoi exactement ? Je suis où ? Pourquoi tu es en pierre, d’abord ?

— Enchanté, dit-il en serrant ses paumes l’une contre l’autre, Je m’appelle Armaga, je suis originaire d’Octorio, fils de marchands de la République, et euh…

— Ça ne répond pas du tout à la question « Tu es quoi exactement ? »

La scène telle qu’elle était écrite à l’origine comprenait une interminable description d’Armaga, un personnage au corps fait de pierre, ainsi qu’un panorama de la chambre où Tim reprend connaissance après son passage au mitard. Il est vite paru évident que ce passage méritait d’être raccourci. Je n’inclus pas tout ça dans l’extrait, mais il est à noter que le simple fait de réduire ces longueurs a contribué à rendre la scène un peu moins imbuvable.

Cela dit, ici, on saisit tout de suite le problème posé par cette première version de la scène : elle est incompréhensible. Tim rencontre Armaga, qui ne répond à aucune question et se contente d’en rajouter dans le côté mystérieux. Les rares éléments d’information qui y sont contenus n’ont aucune importance du point de vue de l’intrigue (« Je suis originaire d’Octorio »). On ne sait rien sur ce personnage, la première impression qu’on a de lui est confuse et le livre nous bombarde avec des éléments sans importance.

À ce stade, il m’est apparu que le mystère était déjà suffisamment installé dans l’esprit du lecteur : cette scène ne peut pas se payer le luxe de le prolonger encore davantage, il faut commencer à répondre aux questions, de manière simple et directe, et à offrir une image claire de ce nouveau personnage. C’est ce que j’ai essayé de faire dans la deuxième version.

Deuxième version

L’être de pierre s’adressa à moi d’une voix profonde comme l’écho d’une montagne : « Ah, quand même, tu te décides à te réveiller ! J’ai bien cru que tu allais continuer à ronfler pendant deux ou trois jours de plus ! »

— Je ne ronfle pas ! ai-je protesté.

— Tous les Humains ronflent. Toi la première.

— Pas vrai.

— Ouais bon on s’en fiche, en fait. J’étais censé veiller sur toi et te souhaiter la bienvenue au Camp de l’Ataraxie. Donc voilà, c’est fait. A plus tard.

Il faisait mine de s’en aller mais je n’avais pas du tout l’intention de le laisser partir si vite. Il y avait toute une quantité de choses que je ne comprenais pas. Ce type de pierre était la personne la moins hostile que j’avais rencontré jusqu’ici dans ce monde de cinglés, pas question de le laisser partir sans qu’il m’ait fourni quelques explications : « Attends ! », ai-je dit, me redressant dans mon lit et constatant à la dernière minute que j’étais presque nue sous les draps.

— On se connaît à peine, me rappela-t-il. Mais si tu as vraiment envie de me montrer tes seins, ça me va.

La deuxième version est différente de la première : elle ne se consacre qu’à bâtir une première impression d’Armaga, tant pour Tim que pour les lecteurs. Elle est débarrassée des informations inutiles, et comporte des éléments (« au Camp de l’Ataraxie », soit l’endroit où se situe l’action) qui seront au contraire très importants pour la compréhension de la suite de l’histoire.

Le souci, c’est que le personnage d’Armaga tel qu’il est présenté dans cet extrait ne fonctionne pas. J’ai voulu en faire un jeune personnage désabusé, caustique et obsédé sexuel, mais il ne m’a pas fallu attendre longtemps avant de réaliser que ça n’était pas le bon choix, pour des raisons de construction du texte. Dans la première partie du roman, Armaga fonctionne comme le guide de Tim dans ce monde étrange, celui qui lui explique les choses. C’était une erreur d’en faire quelqu’un de difficile – toutes ses apparitions sonnaient faux et étaient impossibles à écrire correctement. Dans la version suivante, il trouve sa personnalité définitive, celle d’un jeune scientifique curieux de tout.

Version publiée

Il s’est mis à rire comme un bossu : ça m’a pris de court. L’être de pierre avait l’air très amusé par ces premiers mots qui étaient sortis de ma bouche.

« Haha ! Je t’aime bien, je m’en doutais » dit-il. « Moi, c’est Armaga. Je sais que tu t’appelles Tim Keller. Alors ? Une histoire contre une histoire ? » Il avait lâché cette phrase singulière comme si j’allais rebondir immédiatement. Mais je ne comprenais même pas la question.

Il a fini par identifier la source de ma confusion : « Tu n’es pas d’Entremer, hein ? J’avais cru, tu parles le baragoual avec l’accent d’ici. Désolé, c’est une coutume locale : quand deux personnes se rencontrent pour la première fois, elles se racontent une histoire personnelle. Alors ? Une histoire contre une histoire ? »

Ici, on évacue toutes les questions sur Armaga lui-même : c’est un type en pierre, voilà tout ce qu’il y a à en savoir, les explications plus complètes seront délivrées ultérieurement. Le dialogue l’établit comme un individu jovial et curieux, deux traits de caractère qui vont continuer d’être associés à lui par la suite. Par ailleurs, j’introduis des notions (« Entremer », la ville où se situe cette partie du roman, et le « baragoual », la langue dans laquelle se tient cette conversation), qui vont être immédiatement nécessaires au lecteur.

C’est un premier contact efficace, qui dit à quel genre de personnage on a affaire, sans ensevelir le moment sous des explications trop lourdes. En plus, la coutume d’Entremer qui consiste à s’échanger des anecdotes lors d’une première rencontre s’est avérée bien pratique pour insérer de l’exposition sans douleur dans le texte, et qui plus est, elle se connecte aux thèmes du roman.

Le langage

Premier jet

— […]comme tu peux le constater, Drend, elle parle couramment le Lithique et l’Axite. Et il paraît qu’elle a parlé en Farda avec les Ogres, l’autre jour, à ce qu’on m’a raconté. Et elle a causé en Haut-Questite avec la Luminar. Du Haut-Questite de Mortebane, bien sûr !

— Je ne comprends rien à ce que tu viens de raconter, ai-je dit.

— Quelle surprise, ma chère ! ironisa-t-il.

Mais mon déni n’était pas tout à fait sincère. C’est vrai, les références culturelles qu’il venait d’utiliser m’échappaient complètement, ce qui ne faisait que confirmer que je me trouvais dans une sorte de monde parallèle. Par contre, comme je n’étais pas complètement abrutie, je comprenais bien qu’il faisait référence à des langages. Il sous-entendait que je parlais toutes sortes de langues. Je supposais même, en tout cas, c’était mon hypothèse, que je parlais automatiquement avec chaque personne sa langue maternelle, un peu comme un autoradio qui se règle de lui-même sur la bonne fréquence. C’était pratique, parce que sans ce petit coup de pouce du destin mon séjour ici aurait été encore plus difficile… Si j’avais dû parier, j’aurais dit que mon soudain talent pour la traduction simultanée devait avoir un rapport avec la toute récente intrusion d’un poisson magique géant au fonds de ma gorge.

Cette partie de la scène sert à expliquer que Tim parle toutes les langues. C’est une catastrophe : on commence par une dialogue incompréhensible pour le lecteur et surchargé en détails indigestes qui, de surcroît, ne joueront aucun rôle dans la suite de l’histoire. Tout cela est suivi par un interminable paragraphe introspectif ou Tim comprend d’elle-même pourquoi et comment elle a reçu ce don des langues. Ça ne fonctionne pas : cela fait sortir le lecteur du roman et paraît excessivement artificiel.

Pas étonnant que, là au milieu, on lise cette phrase : « Je ne comprends rien à ce que tu viens de raconter », qui résume parfaitement la confusion dans laquelle le lecteur est plongé. Rien ne marche dans ce premier jet : tout est à refaire.

Deuxième version

— Au fait, pas la peine de me parler en lithique, je parle couramment baragoual.

J’allais objecter et lui expliquer que « je ne parlais pas lithique », mais là je me suis rendue compte que si, j’étais bel et bien en train de m’exprimer dans une langue dont je ne soupçonnais même pas l’existence il y a cinq minutes, que les sons qui sortaient de ma bouche étaient étranges et inconnus et que malgré tout je les comprenais parfaitement, comme d’ailleurs tout ce que me racontait mon interlocuteur. C’était flippant :

— Je ne fais pas exprès. Je ne sais pas comment arrêter de parler cette langue !

— Tu me fais marcher, non ? Tu parles le lithique sans accent.

— Promis que non. Je ne sais pas ce qui m’arrive. C’est quoi ? C’est de la magie ?

Ici, je tente une autre approche, un peu moins lourde, mais pas beaucoup plus efficace. La prise de conscience de Tim est moins intellectualisée, plus sensorielle et émotionnelle, et surtout plus courte : c’est en parlant qu’elle réalise qu’elle s’exprime dans une langue qui devrait lui être inconnue. En plus, on pose les jalons de la relation entre Tim et Armaga, qui va rapidement être intrigué par cette jeune fille venue d’ailleurs.

Malgré tout, ce passage ressemble quand même toujours beaucoup à de l’exposition pure : on sent que ces deux personnages suspendent ce qu’ils font pour livrer des explications au lecteur. Il s’agit de faire preuve de davantage de légèreté, ce que je vais tenter dans la version finale.

Version publiée

— Attends, attends, je te raconte mon histoire, je te le promets, mais juste avant j’aimerais savoir quelque chose. C’est trop important.

— C’est trop important ? Alors, d’accord.

— Pourquoi est-ce que je te comprends quand tu parles ? Pourquoi est-ce que je comprends tout le monde, ici ? C’est quoi le baragoual ?

Là il a écarquillé ses yeux d’ambre. Son visage disait « Mais à quel genre de timbrée est-ce que j’ai affaire ? », mais sa bouche se contenta de dire « Le baragoual, c’est la langue que tu es en train de parler. Couramment. Comme si tu étais née ici. Ça ne te dit vraiment rien ? »

OK. Méfiez-vous des apparences : je ne suis pas plus cruche que la moyenne. À ce stade, j’avais compris qu’il devait y avoir un sortilège ou un machin-chose qui s’occupait pour moi de la traduction simultanée. Donc d’accord, je parlais la langue de tout le monde.

Cette version se connecte mieux au passage qui précède avec la notion de « une histoire contre une  histoire », une tradition qui pousse les individus à échanger des anecdotes lorsqu’ils font connaissance. La conversation paraît donc plus naturelle, d’autant plus que Tim la fait immédiatement dérailler, en posant une question qui la tarabuste : pourquoi est-ce qu’elle comprend son interlocuteur. Armaga l’ignore, et tous les deux prennent note de cette énigme, qu’ils ne peuvent pas élucider dans l’immédiat.

Cette scène parvient à accomplir ce qui est réellement important à ce stade : faire prendre conscience à Tim qu’elle est capable de comprendre toutes les langues. Le « pourquoi » peut attendre, et le passage, débarrassé des explications et des hypothèses, devient moins lourd. En fait, j’ai réalisé que c’étaient mes tentatives d’explications qui faisaient sombrer ce passage, alors que sa raison d’être consiste simplement à prendre note qu’il y a quelque chose de curieux, sans qu’il soit indispensable d’y apporter une réponse dans l’immédiat.

Drendel Squinn

Premier jet

Un jeune homme venait de rentrer dans l’embrasure de la porte. Un grand blond, plutôt beau gosse, genre surfeur, avec quand même un petit côté Ken, le copain de Barbie. Et surtout, il avait la caractéristique très rassurante d’être humain. En tout cas, il semblait totalement humain. Ce qui était rassurant parce que je ne suis pas du tout raciste, mais je sentais qu’il allait me falloir un petit temps d’adaptation avec les types en pierre et les chiens-plantes et les gnomes monstrueux. Le mec a apostrophé Armaga à travers la pièce :

— Alors ?

— Alors tu vois bien. Elle s’est réveillée.

— Génial.

Il semblait un peu impressionné de me voir mais il s’est approché de mon lit, de l’autre côté, face à mon nouvel ami le « Lithique ». Je ne savais pas trop à quoi était dû son embarras, j’ai supposé qu’il était gêné parce qu’il savait que j’étais à poil sous la couverture. « Drendel », a-t-il dit gauchement en me tendant un paquet de vêtements en lin, du même type que ceux que portaient apparemment tous les esclaves du camp. « Drendel ? », ai-je répété, pas tout à fait certaine de comprendre dans quel genre de rituel je m’embarquais.

— Son nom c’est Drendel Squinn, expliqua Armaga. Il ne parle pas beaucoup. C’est un petit gars de la campagne straazienne, hein, Drend ?

La première apparition de Drend a un gros défaut : elle ne crée pas de première impression. C’est juste un type insipide qui a un physique banal et qui dit des choses sans importance. La curiosité du lecteur n’est pas piquée, et, pour parachever le tout, on termine avec une grosse louche d’exposition qui ne sonne pas naturel du tout et qui répond explicitement à une question qu’absolument aucun lecteur ne se pose.

Dans cette version, cette scène ne sert à rien : il est peu probable que le lecteur en conserve un souvenir. Le seul aspect marquant, en négatif, c’est la phrase « Je ne suis absolument pas raciste », qui, naturellement, installe l’idée inverse dans la tête des lecteurs.

Deuxième version

Un jeune mec venait de rentrer dans la pièce. Un grand blond, plutôt beau gosse, le genre poète maudit, à peu près mon âge. Il semblait totalement humain, ce qui était rassurant parce que je sentais qu’il allait me falloir un petit temps d’adaptation avec les types en pierre. Le mec a apostrophé Armaga à travers le dortoir :

— Alors ?

— Alors tu vois bien. Elle s’est réveillée.

— Ouais, je vois.

Le nouveau venu s’est approché de nous silencieusement, un rouleau de tissu dans la main. Quand il fut plus près, je vis que ses avant-bras étaient striés de cicatrices et de blessures récentes. Automutilation. Ça, c’était quelque chose de familier :

— C’est toi qui t’es fait ça ?

— D’habitude, les gens n’osent pas demander.

— Je sais. Je suis Tim.

— Drendel Squinn.

Drendel est un petit gars du nord, un Axite de la Principauté de Straaz, intervint Armaga. Un chasseur de gibier : autant dire un bouseux !

C’est exactement la même chose, tourné un peu différemment, avec tout de même une grosse différence : là, le texte inclut un aspect de la personnalité de Drendel que le lecteur va trouver mémorable, à savoir son penchant pour l’automutilation. Hélas, cet échange est mal écrit : il communique cette information d’une manière maladroite – personne ne poserait ce genre de question à un parfait inconnu.

C’est un cas de relecture intéressant, parce qu’en voulant corriger le manque de substance de la première version, je suis parti dans l’excès inverse et je me suis créé de nouveaux problèmes. Voilà pourquoi plusieurs relectures sont indispensables : souvent, en retirant un élément problématique, on crée sans le vouloir de nouvelles embûches.

Version publiée

« Alors, Prof ? On en est où ? » fit une voix qui provenait de la porte du dortoir. Un jeune mec venait de rentrer dans la pièce. Un grand blond, beau gosse, genre poète maudit, à peu près mon âge. Il était humain, ce qui avait quelque chose d’apaisant. « Alors tu vois bien. Elle s’est réveillée » dit le Lithique.

Le jeune homme posa un rouleau de linge au pied de ma natte. Il s’agissait d’un paquet de vêtements grossiers en lin, une tenue identique à celles que portaient mes deux nouveaux camarades. « Drendel Squinn » dit l’humain. Ça ressemblait à un nom, j’en ai déduit que c’était ainsi qu’il s’appelait. Ce gars n’était pas du genre causant et il ne donnait pas facilement son regard. « C’est vrai que tu t’appelles Tim Keller ? » demanda-t-il juste avant que le silence devienne embarrassant.

Cette version finale fonctionne mieux. Déjà, elle établit en quelques mots la relation entre Drendel et Armaga, à travers l’usage d’un surnom. On sent une complicité qui n’existait pas dans les versions précédentes.

En plus, Drend, ici, se présente à nous dans l’action : il pose une question, apporte des vêtements, se présente. On a l’impression d’avoir affaire à un individu doté de son propre libre arbitre, pas juste de lire une fiche de personnage.

Enfin, même si je me suis débarrassé de l’horrible mention des traces d’automutilation présente dans la deuxième version, je parviens tout de même à esquisser une impression de ce personnage à travers son attitude fuyante et son goût pour le silence.

Plutôt qu’exposer toute la problématique de Drendel dès la première scène, je réserve cette discussion pour plus tard, mais je pose déjà un premier jalon qui permet de comprendre qu’on est en présence d’un jeune homme taciturne. Par ailleurs, la version finale permet de contraster ces deux compagnons l’un par rapport à l’autre : Armaga, curieux et bavard, et Drendel, silencieux et réservé.

⏩ La semaine prochaine: Achever les corrections

 

Tue tes chouchous

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Chaque composant est à sa place, pourtant l’avion refuse de décoller… Voilà un cauchemar que vivent de nombreux auteurs lors de la phase de relecture d’un roman : ils se retrouvent dans une situation où, au terme des corrections, chaque élément leur parait satisfaisant, de l’intrigue jusqu’aux personnages en passant par leur style, et pourtant, l’ensemble ne fonctionne pas.

Il n’y a rien à y faire : on a beau tout relire, démonter l’avion pièce par pièce et le remonter à nouveau, rien n’y fait. Il y a quelque chose de bancal qui empêche le texte de sonner juste, de prendre sa vraie dimension. Pourtant, cette imperfection, ce caillou dans la chaussure de l’auteur, semble se situer perpétuellement hors de sa portée.

Que se passe-t-il ?

Si vous vous êtes déjà retrouvés dans une situation de ce genre, à rechercher une faille là où vous avez déjà fouillé mille fois, une seule conclusion s’impose : vous ne regardez pas de la bonne manière. Ce qui vous bloque, dans neuf cas sur dix qui se présentent de cette manière, c’est que vous êtes incapables d’identifier les défauts du texte parce qu’à vos yeux, ce sont des qualités.

Un des conseils d’écriture les plus connus

Pour éviter ça, il convient de suivre un des conseils d’écriture les plus connus, plus encore que « Montrer plutôt que raconter », celui que William Faulkner a résumé de la manière suivante : « In writing, you must kill all your darlings. » (« Dans l’écriture, il faut tuer tous ses chouchous. »)

Quels sont ces « chouchous » qu’évoque ici l’auteur de « Absalon ! Absalon ! », et quel rapport peut-il bien y avoir entre ce conseil aux allures homicides et le blocage dans la relecture que j’évoquais ci-dessous ?

C’est simple : un chouchou, dans le contexte de l’écriture, c’est un élément du roman auquel vous, en tant qu’auteur, êtes attachés, mais qui n’a pas sa place dans le texte.

Il peut s’agir de toutes sortes de choses. Un chouchou, ça peut être une phrase particulièrement bien tournée, mais qui fait dérailler le paragraphe où elle est située ; une scène mémorable, mais qui contredit tous les thèmes du roman ; un chapitre intéressant, mais qui n’apporte rien à l’intrigue ; un personnage haut en couleur, mais qui ne contribue en aucune manière au narratif ; une description émouvante, mais qui concerne un élément qui ne joue aucun rôle dans la suite du livre ; une image amusante, mais incompréhensible pour la plupart des lecteurs.

La constante, c’est qu’il s’agit toujours d’une idée qui suscite votre enthousiasme, mais qui n’a rien à faire dans votre livre ; si on l’en retire, celui-ci ne s’en portera que mieux, comme si on lui retirait un corps étranger. Si vous vous faites un piercing et que celui-ci s’infecte, il vaut mieux l’enlever, même s’il est très décoratif.

Le narcissisme de l’écrivain

Au fond, tout cela est une affaire d’égo. L’auteur, heureux de se miroiter dans son propre talent, en oublie d’avoir le recul nécessaire pour faire ce qui est nécessaire pour son œuvre. C’est pour cela que le conseil de Faulkner est si précieux, et c’est pour cela aussi que, lorsque Stephen King s’est mis en tête de le reformuler, il a écrit « Tue tes chouchous, même si ça brise ton petit cœur égocentrique de scribouillard. »

Il ne s’agit pas toujours de fierté mal placée. La vie d’auteur est parfois avare de satisfactions, et se résoudre à couper quelque chose dont on est satisfait est un crève-cœur. Cela dit, le narcissisme de l’écrivain entre bel et bien en jeu dans cette affaire-là. Il suffit pour s’en convaincre d’avoir vécu une situation où un beta-lecteur est celui qui, le premier, émet le conseil de se débarrasser de l’élément en trop : « Ce truc, j’ai pas bien compris. Qu’est-ce que ça fait là exactement ? » dit-il, perlexe. Et vous, vous êtes partagé entre des sentiments d’humiliation, de trahison et de colère.

Pourtant, même si c’est douloureux, il faut écouter ce genre de conseil. Quand un lecteur attentif vous dit qu’il y a quelque chose qui cloche dans votre bouquin, il a généralement raison. Et puis surtout, cela remet au premier plan celui qui devrait toujours avoir la place d’honneur : le lecteur.

En règle générale, si vous êtes auteur, vous pouvez vous dire, si vous en tirez du réconfort, que le premier jet est pour vous. Il vous est destiné, il existe pour vous faire plaisir, vous et personne d’autre. Par contre, toutes les versions qui suivent sont pour les lecteurs : il vous incombe de débarrasser celles-ci de tout ce qui alourdit, obscurcit, toutes les références incompréhensibles, les moments où le narratif quitte les rails, même si, pour cela, vous devez vous faire violence.

Développez assez de recul

Attention : « Tue tes chouchous », ça ne veut pas dire qu’il faille couper tous les moments qui vous plaisent dans votre livre. Il n’y a pas de mal à être content de soi quand on a du talent, ce n’est pas de ça qu’il est question ici. En plus, débarrasser un roman de tout ce qui en fait la qualité serait terriblement contreproductif. Dans votre relecture, développez donc assez de recul pour faire la différence entre les éléments réussis qui servent l’histoire et les éléments qui plombent le roman, même s’ils vous plaisent pour d’autres raisons.

Et après tout, peut-être que ce sont de bonnes raisons. Ces chouchous, coupez-les, oui, mais ne les jetez pas à la poubelle. Peut-être trouveront-ils leur place dans un autre texte. Conservez-les donc dans un fichier à part, et, qui sait, la tournure de phrase qui vous séduit, le personnage qui vous amusait, la scène que vous trouviez fascinante auront une deuxième vie dans un projet futur. Les bonnes idées, ça serait dommage de les gâcher.

Mais il ne faut pas y être trop attaché non plus. Peut-être que ces chouchous ne trouveront jamais une autre utilisation dans un autre roman, finalement. Ça n’est pas grave. Même si certaines de vos idées ont du mal à trouver leur place, cela ne retire rien à leur qualité, ni au fait que vous en soyez l’auteur. Dites-vous que si vous êtes arrivés à écrire ce genre de choses une fois, c’est que vous en êtes capables, et donc que vous y arriverez à nouveau.

⏩ La semaine prochaine: Anatomie d’une scène réécrite

Corrections: la checklist

blog corrections checklist

Dans la chronique précédente, j’ai relevé que pour corriger un roman, il faut le relire intégralement un grand nombre de fois. Ce n’est pas une mince affaire : pour passer en revue un texte aussi long, l’absorber dans ses moindres détails, prendre la mesure de sa construction, détecter ses points faibles, cela requiert une grande capacité de concentration, un esprit méticuleux, ou, à défaut, une méthode efficace.

Ci-dessous, je vous propose un plan de relecture schématique, qui peut s’appliquer à la plupart des romans et qui est destiné à vous aider au cours de cette phase délicate. Gardez à l’esprit que chaque projet est différent et que le schéma que je propose ici n’est qu’un point de repère pour bâtir votre propre programme de corrections. Imaginez que je sois votre coach sportif et que ceci soit la formule de base de votre club de sport.

Jetez un coup d’œil à cette checklist, essayez la méthode, gardez ce qui fonctionne pour vous et pour votre projet, et abandonnez ce qui ne donne pas de bons résultats.

Un roman long, qui compte de nombreux personnages, des thèmes et des décors divers, va réclamer des corrections plus nombreuses et plus fastidieuses qu’une brève tranche de vie. La nature de la relecture va également être influencée par le type de récit que vous êtes en train de rédiger. Ainsi, un thriller en huis-clos sera un texte assez court, vite relu, mais qui va réclamer des réglages de haute précision dans chaque scène pour parvenir à une intensité dramatique maximale ; un roman d’aventure picaresque nécessitera une relecture serrée afin de supprimer les temps morts ; une saga de fantasy qui prend pied dans un univers baroque impliquera que l’on s’assure que le décor soit compréhensible pour les lecteurs, sans que les explications n’ensevelissent l’intrigue.

Le plan que je vous propose est constitué de cinq relectures. C’est beaucoup. Pour un roman court, rien ne vous empêche d’en regrouper quelques-unes.

Relecture 1 : coupe, coupe, coupe

Le premier jet d’un roman est toujours trop long. Toujours. La formule choisie par Stephen King pour donner corps à ce principe, c’est que la deuxième version d’un roman, c’est « la première version, moins 10%. » Donc si votre premier jet fait 200 pages, attendez-vous à ce que votre version révisée fasse 180 pages. Attention, ce n’est pas du tout un objectif à atteindre : la nouvelle version peut faire 150 pages, 100 pages ou 195 pages. Mais il est probable qu’elle soit plus courte que l’original.

Pourquoi ? Parce que lorsqu’on écrit un premier jet, on s’autorise des fantaisies, des digressions et des excès qui nous paraissent justes sur le moment, mais qui, en réalité, ne servent pas le roman : on met en scène des personnages qui n’ont pas de rôle à jouer ; on inclut des scènes qui ne font pas progresser l’intrigue ; on abuse des enjoliveurs de phrase. Toutes ces petites choses sont souvent agréables à écrire, mais la raison d’être de la première relecture, c’est de les couper. Et cela, en version d’un principe impitoyable : dans un roman, tout ce qui n’est pas indispensable est superflu.

Lors de cette première phase de correction, je vous suggère de ne rien ajouter du tout. Votre but, c’est de prendre le texte que vous avez pondu et d’en retirer tout ce qui est en trop. Soyez impitoyables, soyez méthodiques.

Les coupes peuvent s’opérer à tous les niveaux. Dans une phrase, coupez tous les mots qui ne servent pas, débarrassez-vous des répétitions et des adverbes. Dans les paragraphes, coupez les phrases qui n’amènent rien. Comme l’a écrit Kurt Vonnegut, « Si une phrase, même excellente, n’apporte rien de nouveau ou d’utile à votre sujet, supprimez-là. »

Des séquences entières peuvent disparaître lors de cette phase. Avec lucidité, vous pouvez réaliser qu’un long dialogue entre deux personnages n’apporte rien. Si c’est le cas, ne tentez pas de le sauver en le réécrivant : coupez-le, ça sera salutaire pour votre roman. De même, la longue description de la cabane de plage ou votre protagoniste passe ses vacances, celle où vous précisez la couleur des murs, les dimensions du patio et le style des chaises-longues, à moins qu’elle ne joue un rôle plus tard, débarrassez-vous-en. C’est une cabane de plage : vos lecteurs sont parfaitement capables de l’imaginer eux-mêmes.

Au cours de cette relecture féroce, vous pouvez même couper un chapitre entier, si nécessaire. Tout à coup, vous réalisez par exemple que votre histoire commence pour de vrai au chapitre 2, et que le premier chapitre n’était qu’une mise en train qui n’apporte rien de décisif à l’intrigue : coupez-le, il n’a rien à faire là. Et surtout, ne vous en voulez pas d’avoir pris le temps de l’écrire : lors du premier jet, il est souvent difficile d’avoir conscience de ce genre de chose.

En principe, au terme de cette phase douloureuse mais nécessaire, il ne devrait rien rester dans votre roman qui n’ait rien à y faire. Mais votre travail est loin d’être terminé.

Relecture 2 : on joue au charpentier

Ce n’est pas parce que vous avez pris le temps de retirer les mauvaises herbes de votre texte qu’il est nécessairement parfait. Il reste un travail fondamental de relecture à opérer au niveau de la structure du roman. C’est ce dont je vous propose de vous occuper lors de cette deuxième relecture du texte. En deux mots, la question qu’il faut vous poser, c’est : est-ce que l’histoire telle que vous la racontez fonctionne ?

Si vous avez été attentif lors de la première phase, vous serez probablement tombés sur des passages qui vont ont fait tiquer : des scènes qui étaient censées être importantes selon votre plan manquent d’impact, d’autres sont confuses, voire difficiles à comprendre, d’autres encore semblent survenir trop tôt ou trop tard.

C’est là qu’il faut vérifier que la charpente de votre histoire est solide. Il faut veiller à ce que les informations parviennent au lecteur au bon moment, et de manière efficace. Le moine qui enfreint une règle de son ordre au chapitre 3 et qui finit par être excommunié au chapitre 8, avez-vous fait en sorte que la nature de son infraction soit expliquée auparavant ? Et cette explication, est-elle claire, et surtout assez mémorable pour qu’elle reste dans la tête du lecteur pendant plusieurs chapitres ?

Veiller au bon état de la structure d’une histoire, c’est s’assurer que les temps forts sont traités comme des temps forts, et les moments de transition comme tels également ; que les scènes s’enchaînent les unes aux autres sans accrocs ni pause ; que les moments où les lecteurs sont supposés ressentir une émotion soient préparés suffisamment à l’avance pour parvenir à susciter une réaction authentique, plutôt qu’un tour de passe-passe qui tombe de nulle part. 

Parfois, pour qu’une scène fonctionne, il faut la déplacer, ou la rallonger, ou la raccourcir, ou en changer le décor, ou la faire précéder d’une autre scène qui explicite son contexte, ou la faire suivre d’une autre scène qui expose ses conséquences. Au-delà de la charpenterie, cela peut tourner aux travaux de robinetterie, parce que la réparation que vous effectuez sur un tuyau peut provoquer une fuite ailleurs dans le récit, qui réclame une nouvelle intervention. Tout à coup, la scène que vous avez rajoutée pour clarifier votre propos gâche l’introduction d’un personnage, casse le rythme d’un chapitre ou crée des soucis de cohérence : il ne reste plus qu’à continuer à bosser jusqu’à ce que vous trouviez une solution qui règle les deux problèmes à la fois.

Cette relecture est la plus difficile de toutes parce qu’elle vous oblige à avoir toute la structure de votre histoire en tête et d’agir en conséquence. C’est aussi la plus frustrante parce que même une fois que vous aurez réglé tous les soucis de structure, il restera malgré tout des éléments qui ne fonctionnent pas.

Relecture 3 : le réducteur de têtes

La troisième relecture que je vous propose, elle concerne les personnages. S’il y a encore des choses qui ne fonctionnent pas dans votre histoire au terme de la deuxième phase, alors que la structure est entièrement fonctionnelle, cela provient vraisemblablement des personnages de votre roman.

La première question à se poser est la suivante : est-ce que tous les personnages du roman ont leur raison d’être ? L’espace mental que le lecteur est capable de vous consacrer n’est pas extensible à l’infini : si vous pouvez diminuer le nombre de personnages, faites-le. Lors de l’écriture d’un de mes romans, j’ai réalisé que deux personnages très différents l’un de l’autre jouaient essentiellement le même rôle dans l’intrigue. Bien que cela ait été un crève-cœur, j’en ai supprimé un des deux afin de simplifier les enjeux.

Un autre système pour éviter aux lecteurs de s’encombrer la tête inutilement avec des personnages qui ne servent à rien, c’est de distinguer les personnages nommés de ceux qui ne le sont pas. Quand on lit un livre, il est fréquent que l’on fasse une petite note mentale à chaque fois qu’un nouveau nom apparaît, afin de s’en souvenir pour la suite, ne sachant pas quel sera au final son rôle dans le narratif. Si un personnage ne montre le bout de son nez que dans un chapitre, évitez donc de lui donner un nom pour qu’il soit clair qu’il ne fait que partie du décor. En réduisant le nombre de personnages secondaires qui encombrent votre récit, vous mettez mieux en lumière les protagonistes.

Lors de cette phase de relecture, il faut aussi débuguer vos personnages principaux : ont-ils un arc narratif complet, clair et compréhensible ? Est-ce que le lecteur comprend en quoi ils ont évolué au cours de l’histoire ? Est-ce que leurs motivations sont correctement exposées ? Est-ce qu’ils sont suffisamment arrimés aux thèmes du récit ? Parfois, vous vivez avec vos personnages depuis si longtemps que certains aspects de leur personnalité sont clairs pour vous, mais pas du tout dans le bouquin tel que vous l’avez écrit.

Il est également important de faire en sorte d’orienter cette relecture de manière à faire en sorte que vos personnages s’accordent bien les uns avec les autres : est-ce qu’ils ont tous leur place et leur rôle à jouer ? Est-ce qu’on ne risque pas de les confondre ? Est-ce que chacun d’eux a une voix qui lui est propre ?

Normalement, au terme de cette relecture, vous devez vous sentir mieux : vous êtes en face d’un roman qui fonctionne. Mais le travail n’est pas terminé.

Relecture 4 : un peu d’élégance

À présent que vous avez bâti une maison solide, il est temps de faire un peu de déco. La quatrième relecture, c’est celle qui concerne le style.

Là, on ne touche plus à rien de fondamental, on reste en surface et on se contente de relire le texte au niveau des phrases et des mots. Si vous avez été efficaces lors de votre première relecture, vous vous êtes sans doute débarrassé des parties du texte les plus problématiques, là où les tournures de phrases sont lourdes et inélégantes. Mais restez à l’affût, surtout si vous avez rajouté des éléments lors des relectures suivantes : s’il reste des passages qui ne sont là que pour faire joli, coupez.

Assurez-vous que votre style est compréhensible, que le lecteur n’a pas de difficulté à visualiser ce qui se passe dans votre histoire. Si ce n’est pas le cas, réécrivez encore et encore jusqu’à y arriver. Soyez limpide, mais partez en chasse des facilités et des clichés. Évitez les lieux communs, trouvez le mot juste.

Un bon style doit aussi être adapté à votre propos et constant. C’est lors de cette relecture que vous pouvez identifier les ruptures de ton et les corriger, afin de donner une cohérence stylistique à un roman qui a peut-être été rédigé sur une longue période, alors que vos priorités ont évolué.

Une fois que vous aurez fini, félicitations ! Votre roman est terminé. Par contre il reste juste une petite phase de relecture…

Relecture 5 : fignolage

C’est la plus redoutée, la plus rébarbative de toutes les phases de relecture : celle où chaque détail compte.

Normalement, votre roman est en place. Vous n’allez plus rien changer à votre texte. Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de le relire avec quatre priorités en tête, par ordre d’importance décroissant : la grammaire, la ponctuation, l’orthographe, le polissage.

La grammaire parce que personne n’est à l’abri d’une erreur. Certains ont la chance d’avoir un sixième sens, une « vision grammaticale », qui leur permet d’identifier immédiatement les « s » manquants et les soucis dans la déclinaison de l’imparfait du subjonctif. Si ce n’est pas votre cas, à coup sûr, vous avez laissé des fautes, donc profitez de cette relecture pour les identifier et les corriger.

La ponctuation fait partie de la grammaire et son impact sur le confort de lecture et la compréhension des phrases est considérable. S’assurer que tout est juste et que vos choix sont les bons est essentiel.

L’orthographe, je le place un cran en-dessous par ordre d’importance, parce que les ordinateurs trouvent automatiquement la plupart des fautes, mais pas toutes. La langue française est pleine de chausse-trapes (avec un seul « p », oui). Donc à moins d’être sûr de savoir faire la différence entre le mot « martyre » et le mot « martyr », entre l’« ammoniaque » et l’« ammoniac », restez vigilants.

Et puis le polissage, c’est la dernière petite touche que vous mettez à votre roman. Essentiellement, ça consiste à relire vos relectures, à s’assurer que tout est vraiment tel que vous le souhaitez : chaque chapitre, chaque mot, chaque virgule.

Voilà, vous pouvez écrire le mot « fin. » Ou plutôt, ne le faites pas, c’est ridicule. Mais oui, votre relecture est terminée.

Pars pas c’est pas fini

Votre relecture est terminée, ou peut-être pas. Là, j’ai proposé un plan en cinq étapes, mais s’il vous semble qu’il vous en faut davantage, faites-en davantage. Si vous avez besoin d’un passage exclusivement consacré à l’orthographe, aussi rébarbatif que cela puisse être, faites-le.

Et puis rien ne vous empêche de mélanger un peu. Si vous attrapez au vol une grosse faute d’orthographe pendant votre relecture structurelle, vous avez le droit de la corriger tout de suite, bien entendu. La seule raison pour laquelle je recommande de relire un roman en plusieurs phases aux objectifs spécifiques, c’est que des aspects distincts de la création littéraire réclament des niveaux d’attention distincts. En mélangeant tout, vous allez vous y perdre. Mais pas besoin non plus de vous fixer des œillères.

Vous pouvez également pratiquer ce que j’appelle la « relecture par objectifs. » Il s’agit d’une approche un peu différente de celle que j’ai exposée jusqu’ici. Essentiellement, en relisant votre texte, vous réalisez que certaines choses spécifiques ne fonctionnent pas. Vous en prenez note, et vous vous fixez comme objectif de les corriger à la relecture suivante : « Réécrire les dialogues d’Adèle pour qu’ils soient plus drôles » ; « Les scènes d’action doivent être plus courtes » ; « Trop de descriptions » ; « Il est important qu’on trouve que Bilal est sympa », etc…

Cette manière de faire est un peu plus fastidieuse que la relecture en cinq points, parce qu’elle va probablement vous obliger à vous coltiner votre texte encore plus souvent, mais elle a l’avantage de vous fixer des priorités claires, des missions que vous pouvez remplir avant de passer à la suite.

 La semaine prochaine: Tue tes chouchous