Critique : Fable – Les deux princes

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Tartisco, le prince des hommes-chats, est envoyé par son père accomplir une quête afin de prouver sa bravoure. En chemin, il va croiser le chemin de Tasse-Dent, l’héritier du trône, et de ses compagnons de voyage, qui eux aussi poursuivent des objectifs tout à fait grandioses.

Titre : Fable – Les Deux Princes

Auteur : Lucien Vuille

Éditeur : Stellamaris

Nous ne méritons pas Lucien Vuille. Lorsque j’avais publié ici une critique du premier tome de sa série « Fable », je l’avais qualifiée de « plus réussi que nécessaire. » C’est encore le cas avec cette suite, en tous points égale en qualité au premier volume.

Je ne vais pas réécrire ce que j’ai déjà dit du premier volume, mais en deux mots, « Fable » offre au lecteur un livre humoristique de grande qualité doublé d’un livre de fantasy de grande qualité. Jamais l’un n’empiète sur l’autre, jamais un des aspects n’est mis entre parenthèses pour favoriser l’autre : les deux coexistent sur chaque page, dans un type d’équilibre impossible propre à faire rêver la plupart des écrivains. Pour le dire clairement : si les aventures qui nous sont racontées étaient médiocres, les personnages fades et le monde sans intérêt, « Les Deux Princes » serait malgré tout un livre très drôle, et mériterait d’être lu pour cela ; à l’inverse, si l’humour tombait à plat, on aurait malgré tout affaire à un roman de fantasy réussi, qui, là aussi, justifierait pleinement son existence. Que les deux aspects soient aussi accomplis l’un que l’autre tient du miracle.

Lucien Vuille ne se fixe aucune limite en matière d’humour. Au détour des pages, on a affaire à de la comédie de situation, de la comédie de caractère, du burlesque, du nonsense, de la parodie, des calembours, des anachronismes, et probablement encore une demi-douzaine d’autres formes de comédie. Les dialogues sont constamment savoureux. Quel que soit la sensibilité du lecteur, il y a fort à parier qu’il trouvera quelque chose susceptible de le faire rire. En ce qui me concerne, le roman a suscité chez moi un premier éclat de rire avant même de l’ouvrir, en découvrant le quatrième de couverture.

Le monde de « Fable » est régulièrement surprenant, riche de trouvailles qui semblent aller de soi lorsqu’on les rencontre au fil des pages, mais qui sont souvent puissamment originales, et détonnent dans un paysage de la fantasy où de nombreux auteurs se contentent souvent de raconter des histoires avec des Elfes et des malédictions. Là, oui, il y a des Elfes et des malédictions, mais il y a aussi des hommes-chats qui vénèrent la Grande Pelote, des goules qui s’interrogent sur leurs conditions de vie, des poussins explosifs, des guerriers-mineurs Nains. La quantité d’idées admirables est ici un peu plus faible que dans le premier volume, mais c’est parce que le livre est plus court et que l’intrigue est plus ramassée et se prête moins aux digressions.

D’ailleurs, la structure du livre est un tour de force, qui parvient à raconter une histoire distincte de celle du premier tome, et qui peut être appréciée pour elle-même, mais qui, par une série de tours de passe-passe narratifs, parvient malgré tout à intégrer pleinement celle-ci dans le déroulement plus large de la série. En d’autres termes : ce qu’on nous raconte n’est pas tout à fait ce qu’on croyait qu’on nous racontait, on ne s’en rend compte qu’à la fin, sans pour autant se sentir floués.

Dans un monde juste, la série « Fable » serait considérée comme un classique du genre. Faisons de notre mieux pour que cela soit le cas.

Critique: Fable – La Quête de l’Oiseau Noir

 

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Dans un royaume fantastique, une jeune fille qui aime bien la bagarre, un voleur qui songe à changer de vie, un détective haut comme trois pommes, un chasseur à la recherche de sa sœur et une jeune prêtresse naïve vont vivre chacun des aventures rocambolesques qui vont s’entrecroiser et se compliquer jusqu’à ce que tout cela forme au final une belle grosse quête bien épique.

Titre : Fable – La Quête de l’Oiseau Noir

Auteur : Lucien Vuille

Éditeur : Stellamaris

C’est rare d’avoir à faire ce constat, mais « Fable » est un roman plus réussi que nécessaire.

Parce qu’en réalité, le lecteur qui découvre les premières pages du livre se rend vite compte dans quel genre il se situe : on entre dans un univers médiéval-fantastique humoristique-mais-pas-seulement, parodique-mais-pas-toujours, quelque part entre Terry Pratchett, Naheulbeuk et Wakfu. C’est très marrant, on rit fréquemment à haute voix des nombreuses trouvailles comiques de l’auteur, et franchement, si c’était tout ce que ce roman avait à offrir, on serait déjà tout à fait satisfait.

Peu à peu, pourtant, l’auteur nous fait comprendre qu’il n’a pas du tout l’intention de se contenter de ça. Les cinq personnages que l’on suit au départ, et dont on s’imaginait qu’on allait les suivre dans des aventures au long cours, sont vite rejoints par toute une galerie d’autres personnages hauts en couleur, tous très mémorables, dont les destinées se croisent et se défont dans tous les sens, et, au moment où l’on pense avoir saisi où l’histoire va nous emmener, un coup de théâtre débarque de nulle part et rebat les cartes de façon inattendue, puis un autre, puis encore un autre, et ainsi plus ou moins jusqu’à la dernière page.

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La maîtrise narrative de Lucien Vuille est impressionnante : il nous propose une trame complexe, faite d’intrigues secondaires qui semblent avoir des ramifications à l’infini, et continue à ajouter des personnages presque jusqu’à la fin du livre, et jamais on ne perd le fil, jamais la branche ne ploie sous le poids des mots. Tout cela a l’air élémentaire.

Autre qualité : le niveau d’inventivité est extrêmement élevé. On aurait pu, ici, se contenter d’idées réchauffées, en particulier dans la mesure où l’on s’attend à tomber dans une parodie, mais non, chaque personnage a quelque chose d’unique, chaque situation est imprévisible. La palme au personnage de la cuisinière du roi, une matrone dont on découvre rapidement qu’elle est capable de faire grandir sa cuillère et de s’en servir comme d’une arme… ou comme un moyen de transport. Et ce n’est que la première d’une très longue série de surprises – je ne mentionnerai pas ce qu’elle est capable de faire avec sa langue.

Haha ! La langue, justement. Le livre se lit très facilement, dans un style souvent simple, mais qui s’autorise régulièrement quelques savoureuses pépites de style. Les dialogues des personnages sont soignés, tous s’exprimant de manière singulière, avec quelques morceaux de bravoure au niveau des jeux de mots, ainsi que quelques passages en vers, parce que, après tout, pourquoi pas ? L’auteur, qui est Suisse romand, ne recule pas devant l’usage des régionalismes, ce que je trouve rafraîchissant. Il a par ailleurs un don extraordinaire pour nommer les gens et les choses.

Si les fils narratifs convergent agréablement vers une fin satisfaisante, certaines des intrigues secondaires ne mènent nulle part, peut-être afin d’être développés dans d’autres livres. C’est le seul élément qui m’a laissé un peu sur ma faim : même s’il y a deux autres volumes de « Fable », j’aurais bien aimé que celui-ci soit entièrement autosuffisant. Mais on touche ici davantage à mes préférences personnelles qu’à une critique.

Au final, « Fable – La Quête de l’Oiseau Noir » est à la fois un des livres les plus drôles que j’ai lu depuis longtemps, et un des meilleurs romans d’heroic fantasy qui me soit passé entre les mains depuis belle lurette. Il faut le lire.

 

Critique: Nechtaànomicon, saison 1

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Nechtaàn est un prince-démon exilé par son père dans une réalité parallèle et prisonnier d’une enveloppe charnelle. Ambitionnant de régner sur sa parcelle d’Enfer, il noue des alliances et tente de s’élever au sein de la société des vampires, des sorcières et des autres créatures de la nuit afin que son pouvoir croisse et qu’il puisse accumuler assez de pouvoir pour se venger de son père. Au passage, il s’est fait tellement d’ennemis que son imprudence pourrait lui être fatale…

Titre : Nechtaànomicon, saison 1.

Auteure : Manon Elisabeth d’Ombremont.

Éditeur : L’Ivre-Book (version électronique)

Il faut le signaler : je ne suis probablement pas le lecteur-cible de ce roman. Je suis trop vieux, je ne lis plus très souvent de romans de cette veine et j’ai beaucoup trop joué à Vampire : la Mascarade pour conserver tout mon appétit pour ce genre de livre, quelle que soit sa qualité. Pourtant, le titre m’a intrigué, j’ai brièvement croisé l’auteure, qui était sympathique et la version électronique du roman était en vente pour une somme dérisoire, donc pourquoi vivre dans la certitude ?

Tant mieux, parce que Le Nechtaànomicon a plutôt été une bonne surprise. Ou plutôt, pour être précis, j’ai été charmé par le talent de Manon Elisabeth d’Ombremont. Elle a à son service une plume élégante, qui peut être sobre et efficace par moments, pour devenir riche et gracieuse lorsque cela devient nécessaire. Le style de l’auteure est séduisant : elle parvient en peu de mots à camper des situations dramatiques complexes et à installer dans la tête du lecteur des émotions fortes et addictives.

On accepte avec le sourire de lire des péripéties parfois abominables

Surtout, à travers son narrateur, l’auteure fait montre d’une voix chargée de personnalité, sarcastique et facétieuse, qui confère à une intrigue qui pourrait paraître décousue une surprenante unité. On se laisse guider, je dirais même charmer, et on accepte avec le sourire de lire des péripéties parfois abominables. Les personnages, en particulier Nechtaàn et son entourage de vampires, de sorcières et de parasites sont bien campés et même attachants malgré leur absence total de sens moral. Toutes ces qualités d’écriture m’ont aidé à oublier ce que j’ai par moments perçu comme des points faibles au niveau de la construction.

Habile pour installer une ambiance ou décrire une situation, l’auteure est également très à l’aise dans les dialogues, qui sont vifs, incisifs et spirituels. On ne compte plus les scènes amusantes où les personnages s’envoient des noms d’oiseaux à la figure. C’est une qualité à double tranchant, cela dit : si on se laisse séduire par l’esprit qui se dégage de chacune des réparties, et si tous ces dialogues sont terriblement divertissants à lire, à force, ils peuvent donner l’impression que chaque personnage a le même tempérament et s’exprime de la même manière.

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En débarquant dans le récit, on se sent vite submergé par tous les détails liés à l’univers : à chaque page, on nous présente de nouveaux personnages, de nouvelles factions, de nouveaux types de créatures. Au début, j’étais à deux doigts d’asphyxier, d’autant que de nombreuses informations délivrées de cette manière n’ont en réalité aucun impact sur le récit. Au fil des pages cependant, cette approche est plutôt une qualité : elle nous plonge brutalement dans cet univers et nous force à en accepter les règles, créant une sorte de saturation d’informations qui contribue à installer l’ambiance. Par ailleurs, on découvre vite que l’intrigue est bien charpentée et facile à suivre.

Là aussi pourtant, la médaille a son revers : l’auteure a tellement d’informations à nous transmettre que par moments, par manque de temps ou de place, elle se contente de nous expliquer les choses plutôt que de nous les montrer. J’avoue que, par moments, ça m’a fait sortir du récit. J’aurais préféré mille fois lire des scènes établissant les relations entre certains personnages que de devoir lire des paragraphes qui expliquent de manière brute que Machin est fâchée avec Machine parce qu’elle fait partie de la famille Truc. Show, don’t tell : ça reste une règle cardinale. Par moments, ça donne l’impression que le Nechtaànomicon est le résumé d’un roman plus long.

C’est très agréable de suivre une auteure dont la voix est aussi affirmée

Autre aspect du livre qui a suscité une certaine ambivalence chez moi : l’auteure est de toute évidence très très fan de son propre univers. On la sent parfois glousser de plaisir après un bon mot d’un des personnages ou applaudir fébrilement un retournement de situation. Le plus souvent, cet enthousiasme est communicatif : c’est même très agréable de suivre une auteure dont la voix est aussi affirmée. Parfois, par contre, je suis resté perplexe, ne parvenant pas à partager l’exaltation à laquelle j’étais convié : là encore, j’aurais aimé qu’on affirme moins et qu’on montre davantage. À en juger par la réaction très positive des fans en ligne, il est cependant évident que je fais exception.

Dernier aspect qui peut refroidir certains : l’histoire n’a pas de fin. Elle s’arrête net, juste après un événement significatif, mais l’intrigue n’est conclue en aucune manière et l’arc narratif d’aucun personnage n’est bouclé. Ce sont les règles du feuilleton, bien sûr, et ça donne envie d’en découvrir davantage, mais personnellement j’aime bien qu’un roman tienne plus ou moins sur ses deux jambes, même si une suite est prévue. En l’occurrence, ça n’est pas très gênant, mais celle ou celui qui interromprait sa lecture à la fin de cette « Saison 1 » n’aurait pas bénéficié d’un repas complet.

Au final, pour moi, « Nechtaànomicon » est un roman attachant et plein de personnalités, qui tient ses promesses, même s’il pourrait être construit de manière plus convaincante. Même si j’ai dressé ci-dessus la liste de ce que j’ai perçu comme des défauts, cela reste des points mineurs, qui ne gâchent en aucune manière le plaisir de lecture: la fraîcheur impertinente de la plume de l’auteure fait oublier la plupart de ces petites imperfections.

Les 10 pires clichés de la fantasy

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Pour un genre littéraire axé sur l’imaginaire, et malgré tout l’émerveillement qu’elle peut prodiguer à travers ses plus belles réussites, la fantasy a parfois tendance à bégayer et à abuser de quelques vieilles recettes qui ont (trop) bien marché. Petit passage en revue (plein de mauvaise foi) des dix trucs que l’on n’a plus jamais, jamais envie de trouver au cours de nos lectures.

L’Élu

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A la base, c’est le roi des losers : un garçon de ferme, un orphelin, malmené par sa famille et méprisé par tout le monde, que personne ne connaît et qui ne sait rien faire. Ce gars-là ? A tous les coups, à la fin du roman (ou du cinquième ou sixième tome de la saga, c’est selon) il aura triomphé des forces du mal et épousé la princesse (on en viendrait presque à se demander si les auteurs de fantasy n’ont pas quelques frustrations à évacuer).

Le pire, c’est que tout ça, on vous l’annonce depuis le début : ce petit minable qui devient la Personne la Plus Importante de l’Univers, il n’y parvient pas à force de persévérance ou au nom de ses convictions. S’il y arrive, c’est qu’il est l’Élu. Il est spécial. Il a été choisi. Il n’a pas l’air comme ça, mais il est mieux que les autres. On l’attend comme le Messie, et ça tombe bien, le voici, et il correspond en tous points à ce que tout le monde attendait.

Un roman de fantasy dont le personnage principal est l’Élu, c’est comme une romance érotique avec un riche et bel homme d’affaire : c’est une histoire tellement usée qu’on la connaît par cœur et qu’il n’y a plus aucune surprise à en tirer. Autant opter pour un autre type de protagoniste.

 

La Méchante Religion qui brûle des sorcières

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Dans un univers de fantasy, la religion est un phénomène bien plus simple que dans le monde réel. Personne n’a de spiritualité, les églises ne remplissent pas de fonction sociale et communautaire, les cathédrales ne sont pas des lieux de savoir : tout cela est bien trop barbant. Non, à la place, la religion sert à deux choses : soigner les blessures et brûler les sorcières. C’est sans doute très pratique, mais à terme cela court le risque de devenir un tout petit peu répétitif.

A force de voir ces ordres religieux tout puissants qui débordent de fanatiques assoiffés de pouvoir et qui ne rêvent que d’éliminer celles et ceux qui ne leur ressemblent pas dans de longues et sanglantes croisades, on finit par s’interroger : quel peut bien être l’intérêt des fidèles dans tout ça ? Pourquoi suivre aveuglément des fanatiques aux yeux injectés de sang, qui ne semblent pas trop se préoccuper du bien de l’humanité, même pas pour faire semblant ? C’est vrai ça, un bûcher, c’est sans doute très divertissant, mais si c’est tous les dimanches, on finit par s’ennuyer ferme.

 

Les Elfes

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Ils sont plus beaux que nous, plus intelligents que nous, plus sages que nous, vivent plus longtemps que nous, ont davantage d’atomes crochus avec la magie et avec la nature que nous, ils ont tout vu, tout vécu, leur civilisation était déjà ancienne quand nous vivions encore dans des cavernes : il n’y a pas à dire, les Elfes sont prodigieusement agaçants. D’autant plus que, pour compléter ce portrait affolant de « race supérieure », ils sont blonds aux yeux bleus. Si ça ne se passait pas dans un univers de fantasy, c’est bien simple, ça fouterait les jetons.

Depuis que Tolkien a semé des graines d’Elfes dans son jardin littéraire, elles se sont mises à pousser dans toute la fantasy, comme des mauvaises herbes. Les Elfes sont partout, avec leur petit air supérieur, leurs mains manucurées et leurs coiffures permanentées, à distiller leurs conseils l’air pincé pendant que ce sont les humains qui font tout le boulot. Et bien ça suffit ! Rebellons-nous ! Il est temps de les jeter dehors de la littérature fantastique, qui ne saurait tolérer plus longtemps ces êtres lisses et sans défauts.

 

Les noms imprononçables

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A quoi bon être un personnage de fantasy si c’est pour s’appeler Jean-Michel ? Hein ? On est bien d’accord. Heureusement pour ces valeureux héros, cela ne se produit jamais. Ils ont tous des noms aux sonorités celtes ou nordiques, avec, pour qu’on comprenne bien que tout cela est magique et très spécial, des apostrophes sont semées aléatoirement au milieu des mots comme autant de petits cailloux blancs, et quelques « y » apparaissent là où une personne saine d’esprit se serait tout à fait contentée de simples « i ».

Bien sûr, la fantasy ne se contente pas d’affubler ses personnages de noms improbables, mais inflige également ce mauvais traitement aux pays, aux villes, aux animaux, et à n’importe quoi qui passe dans le coin et qui ne demandait qu’à recevoir un nom. Au final, alors que ces noms sont choisis pour leurs sonorités magiques et exotiques, c’est l’effet inverse qui se produit : tous les noms de fantasy finissent par se ressembler, tout cela devient monotone, et un personnage nommé Kyaz’laehal pourrait tout aussi bien s’appeler Jean-Michel.

 

La Quête

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Etre un héros de fantasy, c’est comme être un écolier : au bout d’un moment, quelqu’un de plus expérimenté que vous va vous dire exactement ce que vous devez faire et comment vous devez le faire. Et une fois votre mission accomplie, vous pouvez rentrer chez vous sans vous poser davantage de questions. A l’école, ça s’appelle « les devoirs », alors qu’en fantasy, on préfère parler de « quête. »

La quête, c’est l’intrigue que l’on retrouve dans l’écrasante majorité des romans de fantasy : aller chercher un machin magique, aller botter les fesses au grand méchant, sauver la princesse machin, est… Il ne manque plus que des points d’exclamation au-dessus des noms des personnages pour qu’on ait l’impression d’être dans un MMORPG. A dire vrai, tout cela est aussi excitant que d’aller faire ses courses à l’hypermarché.

Dans un genre qui devrait se caractériser par son imagination sans limite, il est parfois désolant de constater que la seule idée que certains auteurs ont pour leur intrigue principale, c’est « Un mec doit aller quelque part pour chercher un truc. »

 

Le Seigneur des Ténèbres

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Oh, il est tellement méchant ! Il mange des chatons, il tue pour le plaisir, il dort dans la lave, il ne referme jamais le tube de dentifrice et pour que tout le monde soit bien sûr qu’il est méchant, il s’habille tout en noir, il a les yeux qui brillent d’un éclat démoniaque et il a la voix tellement basse qu’elle pourrait te faire exploser ta boîte vocale s’il te laissait un message.

Le Seigneur des Ténèbres a toujours un nom qui fait peur, genre nom de médicament : Morlax ou Sorkilis ou Variak. C’est le méchant par défaut de n’importe quelle série de romans de fantasy, tellement ordinaire qu’on dirait que l’écrivain l’a reçu gratuitement quand on lui a livré son traitement de texte. Celui-là, on ne peut pas le rater : il a l’air d’être méchant, il a un nom de méchant et il est méchant, et bien entendu si l’on parvient à le tuer, ça sera la fin de toute méchanceté, car apparemment, assassiner les méchants, c’est pas méchant.

Si vraiment un roman de fantasy a besoin d’un antagoniste, celui-ci sera bien plus crédible s’il n’est pas juste méchant par nature mais qu’il poursuit des buts identifiables et a des motivations claires et compréhensibles pour compliquer la vie de nos héros.

 

L’Épée du Destin

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Commençons par poser une question qu’on aurait sans doute dû se poser depuis longtemps : quel genre de personne donne un nom à son épée ? Franchement, vous croyez que Roger Federer donne un nom à sa raquette, vous ? Le gars de la compta, il donne un nom à son ordinateur ? Et là, en plus, c’est pire, parce que non seulement les héros de fantasy donnent un nom à leur outil de travail, ce qui est déjà louche, mais en plus, c’est quand même l’outil dont ils se servent pour découper leurs ennemis en rondelles, et là, on balance carrément dans la catégorie « psychopathe. »

Et ce n’est pas seulement parce qu’elle a un nom que l’Épée du Destin est problématique. C’est surtout qu’elle est toujours la même : toujours une épée, qui brille toujours d’une « étrange aura », qui toujours est meilleure que toutes les autres épées pour tuer des méchants et qui est toujours destinée à abattre le chef des méchants à la fin. Et incroyable mais vrai, c’est exactement ça qui se produit. Ah, quelle surprise. A force, c’est à se demander si tous les héros de fantasy n’ont pas tout simplement la même épée, qu’ils ont acheté pendant les soldes à Décathlon.

Et pourquoi pas une Hallebarde du Destin, hein, pour changer ? Ou une Fléchette du Destin ? Ça changerait, c’est sûr. Et pendant qu’on y est, pourquoi le héros devrait nécessairement triompher du mal par la violence ? Quand on commence par mettre une arme dans la main d’un personnage, c’est qu’on a déjà décidé qu’il était parfaitement justifié à s’en servir.

 

Le Sage et Vénérable Magicien

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Il sait tout mais il ne répond jamais directement à une question, sinon par une autre question, il sait tout faire mais il ne fait rien, il a plus de mille ans mais il passe son temps à voyager avec des losers inexpérimentés, il peut adopter n’importe quelle forme, mais pour des raisons inexplicables il choisit apparaître comme un vieillard qui aime se laisser pousser la barbe très long et porter des robes.

Depuis Gandalf, ça semble obligatoire, chaque saga de fantasy se doit d’avoir sa propre version du Père Noël. Il joue toujours plus ou moins le même rôle, quelle que soit l’histoire : délivrer des informations essentielles au déroulement de l’intrigue, mais au compte-goutte, et uniquement quand ça lui chante. Si le Sage et Vénérable Magicien se mettait un jour en tête de déballer tout ce qu’il sait dans le premier chapitre, cela résoudrait bien des problèmes et les plus longues sagas de fantasy ne seraient sans doute pas plus épaisses qu’une brochure.

Partant du principe que rien ne vaut un protagoniste qui découvre lui-même les réponses aux questions qui le hantent, il est sans doute temps d’envoyer le vieux Magicien à l’hospice et de lui souhaiter une agréable retraite.

 

La Prophétie

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Tout était prévu depuis le début.

Les personnages des romans de fantasy n’ont pas besoin de s’embarrasser avec des trucs rasoir comme le libre arbitre ou des motivations : ils ont la Prophétie pour remplacer tout ça, c’est beaucoup plus simple, il suffit de suivre le script.

La Prophétie, c’est tous les clichés de la fantasy dans un seul paquet. Elle annonce l’arrivée de l’Élu et dicte toute son existence, elle est farouchement combattue par la Méchante Religion qui combat farouchement à peu près n’importe quoi, on peut compter sur le Vieux Magicien pour en livrer une interprétation, il y est à coup sûr fait mention de l’Épée du Destin, des Elfes et des Dragons, sa raison d’être, c’est d’expliquer comment organiser une Quête pour aller régler son compte au Seigneur des Ténèbres, et vous pouvez parier que l’oracle qui a pondu le texte original avait un Nom Imprononçable.

Retirez la Prophétie du menu, et vous verrez comme le plat de la fantasy devient immédiatement plus savoureux.

 

Les Dragons

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Moi, j’adore la tarte aux pommes. C’est bon, c’est goûteux, c’est délicieux. Mais si vous me proposiez de ne plus rien manger d’autre que de la tarte aux pommes en dessert, pour le restant de mon existence, probablement que je ferais un peu la gueule. C’est ça le problème avec les dragons en fantasy : à la base, des gros dinosaures volants cracheurs de feu, c’est assez cool. Mais à force d’en voir partout, ça lasse. Les Dragons sont devenus comme la tarte aux pommes.

Cela fait bien trop longtemps que les amateurs de Vouivres, de Griffons et de Manticores attendent leur tour. Le temps est venu pour les Dragons de débarrasser le plancher et de céder leur place à des créatures qu’on a moins l’habitude de voir. Parce qu’à force de voir des Dragons à chaque coin de chapitre dans chaque saga de fantasy, ils n’inspirent plus de frayeur ni de respect : rien d’autre qu’un profond ennui, assorti de bâillements qui, à leur manière, sont plus terribles que les rugissements des Dragons.

Et vous? Selon vous, quel est le pire des clichés de la littérature fantasy?