Auteurs et lecteurs: résumé

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Dans mes articles intitulés Résumé, vous retrouvez des liens vers une série de billets récemment publiés et unis par un même thème. Ici: les auteurs et les lecteurs.

Première partie: L’auteur

Deuxième partie: Les trois types d’auteurs

Troisième partie: La ludification de l’écriture

Quatrième partie: Le public-cible

Cinquième partie: Les huit types de lecteurs

Sixième partie: Le contrat auteur-lecteurs

Septième partie: La suspension de l’incrédulité

Huitième partie: Écrire en public

Neuvième partie: Écrire à plusieurs

Écrire en public

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Et si nous dépassions l’imagerie de l’auteur cloîtré dans son bureau, luttant seul avec son œuvre, loin de toute présence humaine, avant d’en émerger, tel un ermite have et à moitié fou, et de révéler son roman achevé à un public qui en ignore tout ? Et si l’écriture était une activité moins solitaire et moins secrète qu’on ne le pense ?

La publication de mon billet volontairement provocateur sur la ludification de l’écriture m’a valu quelques réactions : tant mieux, c’était le but, et les commentaires ont été à la fois pertinents et enrichissants. Parmi ceux-ci, ma camarade L-A Braun a soulevé quelques points qui m’ont donné envie de rédiger deux billets supplémentaires. Pour elle, « la notion de l’auteur qui écrit seul face à son carnet de notes dans sa tour fermée, c’est un peu 1. Un fantasme et 2. Une illusion. »

Une affirmation que je vais me permettre de nuancer un peu. Car en effet il y a deux types d’auteurs : les auteurs qui écrivent seuls, et les auteurs qui n’écrivent pas seuls.

L’acte d’écriture peut très bien être vécu en solo

Oh, tout le monde sera d’accord pour penser qu’aucun écrivain ne fonctionne en circuit fermé, que ce dont il fait l’expérience dans sa vie de tous les jours nourrit son écriture, de même que tout ce qu’il lit, les rencontres, les commentaires sur ses écrits, et mille autres choses qui s’ajoutent au chaudron bouillonnant de son imaginaire. Cela dit, l’acte d’écriture en lui-même, entre l’idée de départ et l’édition, peut très bien être vécu en solo.

C’est mon cas. Lorsque j’ai rédigé le manuscrit de « Merveilles du Monde Hurlant », je ne connaissais personne qui avait une expérience de l’écriture et un goût pour la fantasy. En d’autres termes : je n’avais pas de beta-lecteurs. En-dehors de quelques avis ponctuels, j’ai donc écrit en solitaire, du début jusqu’à la fin, sans pouvoir bénéficier d’éclairages en retour sur l’œuvre dans son entier, en tout cas jusqu’à ce que je soumette le roman à la publication.

En plus, c’est mon tempérament, j’aime bien bénéficier d’une certaine intimité dans l’écriture, j’estime qu’il s’agit d’un processus fragile, parfois mystérieux, et que, comme les saucisses, il n’y a pas toujours quelque chose à gagner à trop révéler au monde comment ça se fabrique. Des auteurs taciturnes comme moi, à l’ancienne, qui aiment l’ombre et les portes closes, il y en a plein.

Certains romanciers s’épanouissent dans la lumière

Pourtant, ne passons-nous pas à côté de quelque chose ? Est-ce que l’on profite pleinement de l’écriture lorsque l’unique moment de partage intervient à la parution d’un roman ? N’y a-t-il pas des trésors à découvrir lorsque l’on renonce à la solitude de l’écrivain et que l’on se décide à écrire en public ?

D’autres romanciers l’ont bien compris : ils s’épanouissent dans la lumière. Ils aiment partager avec d’autres le processus d’écriture, à chaque étape, de l’impulsion initiale jusqu’à la dernière relecture. Pour eux, il s’agit d’un travail collaboratif, ou en tout cas, qui gagne à bénéficier de nombreux avis extérieurs. Par ailleurs, ils trouvent dans ce partage une motivation supplémentaire : plutôt que de bénéficier de la reconnaissance de leurs efforts uniquement après avoir terminé leur œuvre, ils peuvent s’appuyer sur une chorale de supporters qui les soutient du début jusqu’à la fin.

Même si elle a pris un nouvel essor avec le web et les réseaux sociaux, l’idée n’est pas nouvelle. En 1927, Georges Simenon s’était ainsi engagé à écrire un roman en public, installé dans une cage en verre au milieu de la foule, pendant trois jours et trois nuits. Les fruits de ses efforts auraient parus par épisode dans un quotidien. Hélas, l’aventure a été annulée avant de commencer. Il est vrai que l’idée subit de vives critiques, jugée plus proche du numéro de cirque que de la littérature.

Écrire en public procure la meilleure des motivations

Cela dit, enlevez la cage en verre et les feuilletonistes ne sont pas rares dans l’histoire de la littérature. Dickens et Dostoïevski publiaient tous les deux leurs romans dans la presse, chapitre par chapitre, condamnés à tenir en haleine les lecteurs pour maintenir leur intérêt jour après jour, et affrontant leurs commentaires lorsque la tournure de l’histoire ne leur plaisaient pas.

Des auteurs qui écrivent en public, on en trouve toujours aujourd’hui, mais plutôt en ligne. Il y en a qui signent des œuvres remarquables, ici, sur WordPress, comme carnetsparesseux. Et puis, des sites comme Wattpad, Scribay, Fyctia ou Radish sont des hybrides de réseaux sociaux et de plateformes d’autoéditions ou des auteurs, amateurs ou chevronnés, partagent leurs écrits avec leurs lecteurs. En général, les histoires sont publiées par épisodes, et bénéficient des commentaires, critiques et observations du lectorat, pratiquement en direct. Les outils sont différents, mais la dynamique est proche de ce qui existait déjà au 19e siècle.

Les avantages de cette démarche sont nombreux. D’abord, elle fait sauter les cloisons souvent artificielles qu’on érige entre les auteurs et les lecteurs. Ceux-ci se retrouvent plus proches que jamais, à bavarder au sujet de ce qui les unit : la littérature. Tous les avis peuvent s’exprimer, dans un esprit de partage et de collaboration qui peut être très fertile. Peu à peu, un auteur qui a du talent s’attirera un noyau dur de fans, qui le soutiendront et lui prodigueront des encouragements lorsque l’inspiration tarde à venir. Écrire en public procure ainsi la meilleure des motivations.

Il y a aussi des inconvénients

Par ailleurs, sur ce type de plateforme, de nombreux membres signent de la fanfiction ou rédigent des récits inspirés de leurs romans ou de leurs genres préférés. Le sens de la communauté est donc très fort dans ce milieu. Auteurs et lecteurs partagent des références et des intérêts communs : ils parlent le même langage et regardent dans la même direction (ce qui ne veut pas dire qu’ils sont toujours d’accord sur tout).

De plus, bénéficier ainsi d’une chambre d’écho constituée de lecteurs fidèles – souvent auteurs en herbe eux-mêmes – permet à celles et ceux qui font le choix d’écrire en public de tester certaines de leurs idées, de faire des essais, de prendre la mesure de la popularité de certains personnages, de déterminer si un coup de théâtre est bien reçu par le lectorat, et, au besoin, d’adapter son récit, en direct ou presque.

Mais pour tous les avantages offerts par cette approche, il y a aussi des inconvénients, ou en tout cas des pièges dont il faut être conscient avant de se lancer.

S’ouvrir ainsi aux commentaires d’autrui, en particulier au sujet d’une œuvre qui n’est pas terminée, n’est pas chose facile. Ça peut même être dévastateur pour un jeune auteur. Qui dit « commentaires » veut dire, parfois, « commentaires négatifs » : certaines remarques seront insultantes, destructrices, et donc difficiles à encaisser. D’autres, bien que constructives et bien intentionnées, n’en seront pas moins critiques, voire intransigeantes. Tout le monde n’apprécie pas de voir son travail critiqué en public, et avant de s’exposer à ce genre de traitement, mieux vaut être sûr qu’on est de taille à y faire face.

Quand on donne aux gens ce qu’ils aiment déjà, on crée des œuvres stériles

Et pourtant, les commentaires positifs peuvent se montrer encore plus dévastateurs. Il est agréable de se sentir porté par l’enthousiasme des lecteurs, mais celui-ci n’est pas toujours de bon conseil. En d’autres termes, à trop prêter l’oreille aux commentaires, à trop vouloir satisfaire les fans, un auteur risque de privilégier les éléments de surface, les plus immédiatement séducteurs de son histoire, au détriment de la qualité de l’œuvre. Entouré d’inconditionnels d’une œuvre ou d’un genre, un écrivain risque d’être poussé à les satisfaire, à leur apporter les éléments familiers qui leur plaisent, quitte à y sacrifier sa personnalité. Entouré d’inconditionnels d’Anne Rice, l’auteur d’un roman de vampires aura du mal à leur proposer un texte qui s’éloigne trop de ce qu’ils apprécient. C’est le piège du populisme en art : quand on donne aux gens ce qu’ils aiment déjà, on crée des œuvres stériles et sans surprises.

Pour éviter de tomber de tomber dans cette ornière, un écrivain doit posséder une volonté supérieure à la moyenne. Il doit avoir la conviction que l’histoire qu’il écrit mérite d’être racontée, avoir une conscience aiguë de la nature de celle-ci, et être décidé à en défendre l’intégrité, même face aux critiques, et quitte à s’attirer l’animosité de lecteurs fidèles. Inutile de dire que cela réclame d’avoir les idées claires. Faire le tri, accepter les bonnes suggestions et écarter les mauvais conseils, c’est délicat. Garder le cap, ça n’est jamais facile.

Et puis les questions soulevées par l’expérience de Georges Simenon et de sa cage en verre restent d’actualité. Est-ce qu’écrire ainsi en public, ça n’est pas faire œuvre de saltimbanque ? N’est-ce pas davantage une performance à savourer en direct qu’une œuvre destinée à durer ? Est-ce encore de la littérature ? À quand le premier Prix Goncourt publié sur Wattpad ?

Alors que le rôle de l’écrivain et ses manières d’atteindre ses lecteurs sont en pleine redéfinition, il faudra sans doute attendre encore quelques années avant d’avoir des réponses satisfaisantes à ces questions.

⏩ La semaine prochaine: Écrire à plusieurs

Le public-cible

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Pour qui est-ce que j’écris ?

La question est fondamentale, dans la mesure où, comme j’ai eu l’occasion de l’affirmer ici, il ne saurait y avoir d’auteur sans lecteur. Une œuvre littéraire, quelle que soit sa nature, est faite pour être lue, et l’existence d’un public réel ou supposé fait partie de sa définition dès le point de départ. Certains, dès lors, franchissent le pas suivant, et font l’effort de se l’imaginer, ce lecteur, d’en esquisser le profil, voire même de l’intégrer dans ses pensées en cours d’écriture, afin de répondre à cette question redoutable : « À qui est-ce que mon roman s’adresse ? »

À cette question, une bonne partie des auteurs répondront « À tout le monde » ou « Je ne m’en soucie pas. » Lorsqu’on fait le choix d’écrire, c’est qu’il y a des choses en nous qui réclament d’être couchées sur le papier, et l’idée qu’elles puissent avoir un destinataire peut nous sembler étrange, voire déplacée. Pourquoi diable vouloir décider à la place du lecteur si le texte va lui convenir ? Pourquoi limiter ainsi son public avant même que le roman l’atteigne ?

Parce que c’est nécessaire, voilà pourquoi.

J’en discutais récemment lors d’un échange de courriels avec Stéphane Arnier : lorsque, il y a quelques années, je me suis mis en tête de rédiger un roman de fantasy intitulé « Mangesonge » qui est devenu depuis « La Ville des Mystères » et « La Mer des Secrets », je l’ai fait pour moi, uniquement dans le but de me divertir et d’écrire quelque chose dont je serais fier. Je souhaitais créer un roman foisonnant, baroque, avec des éléments qu’on rencontre rarement dans la fantasy, le tout centré sur une héroïne adolescente, dont on aurait assisté au passage à l’âge adulte. Dans mon esprit, les thèmes abordés dans le manuscrit étaient universels et le résultat était susceptible d’intéresser un large public.

La plupart des lecteurs souhaitent lire des livres qui mettent en scènes des personnages qui leur ressemblent

C’était naïf de ma part. Lorsqu’un éditeur a accepté de publier mon manuscrit, et dans les mois qui ont suivi la sortie du premier tome, j’ai progressivement réalisé que la plupart des lecteurs souhaitent lire des livres qui mettent en scène des personnages qui leur ressemblent, et, peut-être davantage encore, qu’ils ne souhaitent pas lire des romans dont les personnages ne leurs ressemblent pas.

Ainsi, les jeunes lisent des livres dont les héros sont jeunes, les quadragénaires des livres dont les protagonistes sont des quadragénaires et les femmes lisent des livres qui racontent des histoires de femmes. On peut trouver ça désolant d’un point de vue philosophique, mais c’est un fait. En salon, je constate qu’une moitié de mes lecteurs correspondent à ce profil: comme la protagoniste de mon roman, ce sont des jeunes femmes entre 13 et 20 ans.

Qu’on le veuille ou non, il existe donc un mécanisme d’identification entre les personnages principaux du roman et le lectorat, qui génère des attentes sur la nature du roman en elle-même, une sorte de public-cible immanent. Même si vous n’avez jamais songé à avoir en tête un type de lecteurs spécifique, la cible va se localiser d’elle-même, en fonction de certains éléments que vous incluez dans votre roman. Il est possible de lutter contre cette tendance, de se situer délibérément en porte-à-faux avec elle, mais cela va réclamer un effort de la part de l’auteur, de l’éditeur et du lecteur pour tordre le cou aux idées reçues.

La cible existe de toute manière, qu’on le veuille ou non

La nature du protagoniste n’est d’ailleurs pas le seul élément qui dessine dans les têtes un public-cible. Certains genres, qu’on le veuille ou non, ont davantage de résonance auprès de la jeunesse que les autres : le roman d’aventure, le fantastique, les enquêtes, certaines formes de romance peuvent être classés dans cette catégorie, partant du parti-pris qu’un adulte qui a suffisamment de bagage émotionnel ne sera pas rassasié par ce type de lecture, riches en sensations fortes et en mélodrame.

Tenter de convaincre un quadragénaire de lire un roman parlant d’une adolescente qui fait un voyage dans un pays magique, c’est comme tenter de convaincre une fillette de s’intéresser à un bouquin consacré à un ingénieur dépressif qui se remet difficilement de son divorce : quelle que soit la qualité du texte, ils risquent de ne pas se sentir concernés. Le livre va leur filer des mains, parce que les enjeux ne les toucheront pas.

On le réalise : la cible existe de toute manière, qu’on le veuille ou non. Elle peut même être multiple, incluant plusieurs grilles d’interprétation parfois contradictoires. Ainsi, on peut partir de l’auteur, à supposer qu’il ait livré une réflexion sur la question : quel genre de livre souhaite-t-il écrire, et à quel public destine-t-il celui-ci ?

À cela s’ajoute un certain nombre d’intermédiaires : éditeurs, libraires, correcteurs. A quel genre de livre pensent-ils avoir affaire et vers quel genre de lecteur vont-ils le diriger ? Leur intervention va générer une cible, qui peut être très différentes de celle que l’écrivain avait en tête. Lorsqu’il arrive dans cette phase, le texte devient un produit qu’il faut vendre, et se doit également de correspondre aux critères du marketing. Il faut que les éditeurs sachent dans quelle collection le sortir et que les libraires sachent dans quel rayon le ranger. C’est ainsi que, dans le cas de mon roman, ce que je concevais comme un roman de fantasy foisonnant tous-publics s’est transformé en un roman steampunk pour adolescentes, sans que le texte soit particulièrement modifié.

Choisir de s’adresser à tout le monde, c’est choisir de ne s’adresser à personne

Il ne s’agit pas, c’est important de le souligner, d’une mauvaise chose. Décider de s’adresser à un public en particulier, c’est souvent donner à un roman la chance d’exister. Et ça, c’est la raison d’être des maisons d’édition. Oui, vous avez peut-être l’impression d’avoir conçu un roman poignant consacré à la condition humaine, que chaque lecteur serait bien inspiré de lire, mais si votre éditeur décrète qu’en réalité, il s’agit d’un roman feelgood destiné aux femmes trentenaires, c’est sans doute un peu cruel à vivre, mais il n’a probablement pas tort. Choisir de s’adresser à tout le monde, c’est choisir de ne s’adresser à personne : c’est un luxe qu’un auteur peut s’offrir, mais certainement pas une maison d’édition, qui prend un risque sur chaque sortie.

Il faut encore mentionner un troisième filtre, un dernier étage qui va avoir son idée sur la question du public-cible : il s’agit de celui des destinataires. Les lecteurs, mais aussi les critiques et les journalistes. Pensent-ils être la cible du livre ? Se sentent-ils interpellés ? Laissés de côté ? À qui s’imaginent-ils qu’il est destiné ?

Pourquoi L’Attrape-cœur et Harry Potter sont devenus des romans lus par un public large et diversifié, alors qu’ils auraient pu être considérés comme des romans jeunesse ? Parce qu’ils ont su toucher des lecteurs aux profils différents. Ce sont les lecteurs, au final, qui décident dans quelle catégorie on finit par classer un roman (raison pour laquelle tant de bouquins finissent à la poubelle).

C’est important de comprendre que c’est en partie au public lui-même de choisir s’il se sent appartenir ou non à la cible d’un roman, parce que des malentendus sont inévitables. Prenons la science-fiction par exemple. En tant que genre, elle inclut des romans dans lesquels des concepts de science-fiction sont au cœur même de l’intrigue, mais aussi des romans d’action, d’aventure ou de romance dans lesquels la science-fiction ne constitue qu’un décor, aussi présent soit-il. Il existe un public qui correspond à chacune de ces situations, mais ces deux catégories de lecteurs se mélangent peu, et si vous vous contentez de vendre votre bouquin comme une œuvre de SF, vous risquez de leurrer une partie de votre lectorat – même sans le faire exprès – et donc de manquer en partie votre cible.

Qu’est-ce qu’un public adulte et que veut-il?

Autre exemple : les livres conseillés à un public adulte. Voilà sans doute la deuxième catégorie la moins utile qu’on puisse imaginer (la catégorie numéro un étant occupée par les livres destinés aux gens qui aiment la lecture). Car au fond, qu’est-ce qu’un public adulte et que veut-il ? Bien souvent, sous ce label sont vendues des histoires qui contiennent des passages explicites de sexualité ou de violence, interdits aux moins de 18 ans. Pourtant, à trop forcer le trait, ces romans-là risquent de ne séduire que des adolescents en quête de titillation, et donc de ne jamais atteindre un public adulte.

Dans d’autres cas, un roman pour adultes sera un roman dont les personnages sont des adultes et qui touche à des thèmes liés à l’âge adulte (la famille, l’échec, le vieillissement, le regret, le deuil). Là, oui, en les destinant à un public adulte, vous allez atteindre en partie votre cible… mais rater tous les lecteurs qui lisent principalement pour s’évader, ou qui préfèrent les essais aux romans.

On le comprend bien : le public-cible ne peut donc pas facilement se résumer à une catégorie démographique. C’est bien trop vague. Un public-cible, c’est la famille de lecteurs spécifique que vous souhaitez atteindre. Pour y parvenir, mieux vaut être précis et clair, en décrivant votre œuvre, qu’il s’agisse d’un projet ou d’un roman terminé, sous la forme d’un pitch, incluant, en fonction des besoins, des indications de genre ou de catégories de population ou des analogies avec d’autres œuvres connues.

Ainsi, plutôt que de simplement destiner votre livre aux adolescents, dites qu’il s’agit « d’un croisement entre Peter Pan et Hunger Games. » Plutôt que de décrire votre œuvre comme « une exploration de l’identité des individus dans un milieu urbain du 21e siècle », dites qu’il s’agit d’un « thriller LGBT+ » Et puis votre bouquin sur un couple qui se déchire sur les lunes de Jupiter, renoncez à le présenter comme « une œuvre de science-fiction sur les relations entre les êtres » alors qu’il s’agit plutôt d’une « romance dans les étoiles. »

Trouver la cible juste, c’est une question de marketing, oui, mais ne voyons pas cela comme un gros mot : dans le cas d’espèce, le marketing sert les intérêts de l’auteur, de l’éditeur et du lecteur. Idéalement, il doit leur permettre d’accorder leurs violons et de parvenir à parler tous de la même chose lorsqu’ils évoquent un livre. Tout cela commence avec l’écrivain, qui doit avoir le recul et la lucidité nécessaire pour comprendre le type de livre qu’il a écrit et le genre d’individus que celui-ci est susceptible d’intéresser.

⏩ La semaine prochaine: Les huit types de lecteurs