Rien que le mot en lui-même dérange, évoque le vacarme. Pourtant, quand on parle de « bruit », c’est tout la gamme des perceptions auditive que l’on évoque, du plus feutré jusqu’au plus tapageur, du plus harmonieux au plus dissonant, du ronronnement réconfortant de la machine à laver jusqu’au crissement crispant des essieux sur les rails de chemin de fer. L’ouïe est un fidèle allié des romanciers, un sens qui permet de donner du corps aux descriptions, de leur conférer une dimension supplémentaire, souvent plus viscérale et instinctive que ne l’est l’aspect visuel. C’est pourquoi les guides de conseils à l’écriture suggèrent aux auteurs en herbe de davantage en tenir compte dans les descriptions.
Le bruit, c’est le sens de l’indéfinissable, et donc du suspense : nous, les humains, sommes plus efficaces pour localiser les sources des sons qui nous entourent que pour les identifier. Ce raclement à la fenêtre, est-ce le bruit d’une branche qui frotte la vitre ou quelque chose de plus sinistre ? Il arrive que le bruit nous renseigne de la présence ou de l’arrivée d’un phénomène mais qu’on ne parvienne pas à en avoir le cœur net avant d’avoir une confirmation visuelle.
Le bruit est aussi un sens spatial, réellement tridimensionnel. Notre cerveau est conçu pour localiser la source d’un son dans l’espace qui l’entoure, et donc de lui attribuer un cap et une distance. Percevoir un son, c’est également comprendre si celui-ci s’approche ou s’éloigne, et à quelle vitesse. Cet aspect 3D peut venir enrichir les descriptions et aider un romancier à esquisser à quoi ressemble l’espace qui entoure ses personnages.
Comme toujours dans les articles de cette série, n’hésitez pas à me suggérer des termes liés à la description des bruits mais qui ne figureraient pas dans les listes ci-dessous.
Verbe
Aboyer, ahaner, battre, bêler, beugler, brailler, braire, bramer, bruire, chahuter, chanter, chuchoter, claquer, couiner, craquer, crépiter, criailler, crier, croasser, éclater, (s’)écrier, (s’)égosiller, (s’)époumoner, exploser, feuler, gémir, gargouiller, gazouiller, glapir, grésiller, grincer, grogner, gronder, hoqueter, huer, hululer, hurler, meugler, mugir, murmurer, pépier, piailler, plaindre, résonner, retentir, ronfler, ronronner, rugir, siffler, sonner, soupirer, striduler, taper, tinter, tonner, vagir, vociférer
Noms
Aboiement, agitation, ahanement, babil, barouf, bastringue, battage, battement, borborygme, bordel, boucan, bourdonnement, brouhaha, bruissement, cacophonie, canard, cancan, chahut, chambard, charivari, chuchotement, chuintement, clamer, clapotis, claquement, cliquetis, coup, crépitement, craquètement, craquement, cri, crissement, déclic, déflagration, détonation, écho, éclat, explosion, fanfare, foin, froissement, gémissement, gargouillis, gazouillis, glouglou, grabuge, grésillement, grincement, grognement, grondement, hoquet, huée, hululement, hurlement, impact, mugissement, murmure, musique, parasites, pétarade, pétard, pétillement, potin, raffut, râle, ramdam, remue-ménage, résonance, ronflement, ronron, ronronnement, roulement, sifflement, son, sonnerie, souffle, soupir, stridulation, tapage, tapement, tintamarre, tintement, tintouin, tohu-bohu, ton, tumulte, turbulence, vacarme, vagissement, vent, vocifération, voix
Adjectifs
Acéré, affreux, aigu, assommant, assourdissant, avant-coureur, bavard, beuglard, braillard, bref, bruyant, charmant, comique, continu, continuel, criard, désagréable, distinct, éclatant, effroyable, égrillard, énorme, épouvantable, étourdissant, étrange, extraordinaire, faible, familier, fatiguant, formidable, fort, fracassant, grave, grondeur, harmonieux, horrible, hurleur, importun, inattendu, incessant, infernal, intrusif, joyeux, léger, lointain, lugubre, mauvais, métallique, monotone, mugissant, mystérieux, perçant, plaintif, profond, rauque, récurrent, résonnant, retentissant, ronflant, sec, sinistre, sonore, soudain, sourd, strident, stridulent, suraigu, tapageur, terrible, tonitruant, tumultueux, vague, violent, vociférant
Onomatopées
Badaboum, bam-bam, bamf, bang, bing, blam, boing, boum, broum, bzoing, bzzz, clac, clap-clap, clic, crac, criiii, ding, ding-dong, driiiiing, fsshhh, flap-flap, froutch, glouglou, gzzzzzt, kof-kof, kssss-kssss, paf, pan, pchhhh, pimpon, ping, plic-ploc, plif, plouf, pof, pop, pschiiiiit, ratatata, scrrr, scratch, schlak, scrotch, scrunch, smack, snikt, splash, tic-tac, toc-toc, ttschopp, tuuuut, vlan, vroum, vrrrrr, whammo, whoooouuuu, zzzzrt, zzzz
Prendre des notes
Le grand avantage avec le bruit, dans la perspective d’un romancier, c’est que nous sommes perpétuellement entourés de sons en tous genres. Alors qu’avec les émotions, il est nécessaire d’attendre que celles-ci se manifestent pour en prendre note et nourrir notre vocabulaire spécifique en se basant sur cette expérience, avec les sons, nous sommes constamment bombardés d’exemples.
C’est une aubaine. Profitez-en donc pour tendre réellement l’oreille vers les bruits qui vous entourent et cherchez, pour vous exercer, à les transcrire en mots. Mieux : pourquoi ne pas tenter le coup de consacrer toute une journée à se montrer attentifs aux sons en tous genres, des plus infimes aux plus perçants, afin de voir de quelle manière ceux-ci s’invitent dans notre espace sensoriel et sous quelle forme on peut les inclure dans un contexte romanesque.
Le mot juste
Comme les humains sont perpétuellement entourés de sons, ils ont développé un vocabulaire d’une grande précision pour les décrire. Il est donc important de ne pas faire n’importe quoi, parce que sinon, on tombe vite dans le non-sens. Non, si vous frappez un rocher, celui-ci ne va pas « tinter », et le plus farouche des moineaux ne va jamais « rugir. » Si vous avez un doute, consultez les définitions, et si réellement vous souhaitez détourner un terme pour lui faire dire autre chose que ce qu’on attend, faites-le en toute connaissance de cause.
Des croisements
Décrire un bruit, cela consiste à choisir le mot juste. Mais parfois, dans sa fantaisie, un écrivain va souhaiter s’écarter un tout petit peu des définitions du dictionnaire pour adopter un style plus libre et plus métaphorique. Il n’y a pas de mal à ça. En particulier, il est possible d’obtenir de très bons résultats en croisant les bruits vocaux, produits par l’homme ou par des animaux, et les bruits non-vocaux, générés par des objets.
Ainsi, n’hésitez pas à décrire le son que produit un trolleybus au démarrage comme un « hululement », ou, à l’inverse, à décrire la voix d’un des personnages de votre roman comme « un grincement. » Il est possible de réussir d’autres types de mélanges et d’usages de mots à contre-emploi, mais disons que ce mélange entre le vivant et le non-vivant recèle des trouvailles très riches.
Des mots qui font du bruit
Mots qui cherchent à imiter, en toutes lettres, des sons qui ne sont pas nécessairement produits par la voix humaine, les onomatopées sont des éléments dont on ne réalise pas toujours qu’ils figurent au vocabulaire officiel de la langue française. Pourtant, « bang », « grrrr » ou « zzzzz » sont des mots à part entière, compréhensibles par chacun et qu’il ne faut pas avoir peur d’utiliser. Ça n’est pas sale ! En plus, ils offrent une manière très originale de décrire une sensation auditive, en en intégrant une approximation, un fac-similé, directement dans le texte.
Donc n’hésitez pas à faire preuve d’audace et explorez ce champ avec intérêt. Oui, on peut très bien inclure dans un roman une phrase comme « En pénétrant dans la pièce, il ne perçut qu’un hmm électronique dont il ne parvint pas à identifier l’origine » ou « La proue produisit un grand crac en percutant le ponton. »
Ci-dessus, vous trouvez une liste d’onomatopées ordinaires, mais ce ne sont que des exemples et n’hésitez pas à en inventer de nouvelles en fonction de vos besoins.
De manière plus discrète, vous pouvez également souhaiter jouer sur les allitérations et la musicalité des mots pour appuyer l’évocation des bruits au sein d’un texte. Un verbe comme « fracasser », par exemple, contient déjà des sons qui évoquent les bruits associés à sa signification. Le lecteur ne sera pas nécessairement conscient de ce que vous faites, mais inconsciemment, cela peut avoir une influence sur la manière dont il reçoit votre histoire.