Projet Berlin 2 : métamorphoses d’un texte

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Comme j’ai eu l’occasion de l’annoncer récemment, un de mes romans doit paraître cette année. Un projet comme celui-là connaît passablement de métamorphoses et passe sous les yeux attentifs de pas mal de gens avant d’être imprimé. Forcément, chaque bouquin a sa propre histoire, mais en l’occurrence, il est intéressant de savoir que la version la plus récente du manuscrit est la sixième, que j’ai bouclée il y a deux semaines. Celle qui devrait paraître sera vraisemblablement la septième ou la huitième. Comment on en arrive là ? J’ai trouvé que ça serait intéressant de retracer les différentes incarnations d’un manuscrit.

Versions 1 & 2

Naturellement, ce qu’on appelle le « premier jet », c’est la version 1. Il s’agit d’un texte généralement écrit en une fois, sans relecture, dont la principale raison d’être est d’incarner l’idée de départ, de manière brute et mal dégrossie. Souvent, il y subsiste de nombreuses fautes de frappes, mais aussi des incohérences parfois grossières, mais aussi des erreurs de jugement. Dans mon cas, personne ne lit jamais le premier jet. Pour ce projet comme pour d’autres, j’ai donc produit une version 2, qui est tout simplement le premier jet relu, en ne touchant pas à l’intention initiale, mais en arrondissant les angles et en supprimant les erreurs les plus visibles.

C’est ce texte-là, sur lequel il subsistait beaucoup de travail, que j’ai transmis à des bêta-lecteurs, ainsi qu’à un lecteur à qui j’ai plus particulièrement demané de se concentrer sur l’identité ethnique de mon personnage principal. Mon idée de départ était de produire un texte au langage très simple, centré sur l’action, avec très peu de moëlle pour donner vie aux personnages et aux situations. Il me semblait que cela allait me permettre de me concentrer sur les aspects horrifiques de l’histoire. Selon certains des retours que j’ai obtenu, ça a été un échec complet : mon approche ne fonctionnait pas du tout, les bêta-lecteurs (certains d’entre eux) ne rentraient pas dans l’histoire. Par ailleurs, ils ont pointé du doigt des incohérences logiques, et aussi des contradictions entre ce que je montrais et ce que je racontais.

Versions 3 & 4

C’était un désastre. Mais un désastre, à ce stade de l’écriture, ça n’est pas bien grave. Ca peut même être riche d’enseignements. On tombe, on se relève, on époussète sa chemise et on se remet en marche. Les remarques obtenues m’ont permis de produire une version 3, sensiblement plus longue et améliorée, que j’ai laissée reposer quelque temps avant d’en faire une version 4. Dans l’intervalle, un éditeur avait manifesté son intérêt, en précisant qu’il souhaitait que je lui soumette un manuscrit sur lequel il restait du travail à faire, qui avait encore le potentiel d’évoluer. Donc je n’ai pas cherché à produire un résultat parfait, même si les failles qui m’avaient été pointées du doigt ont été comblées.

Version 5

La version 4 a été relue par l’éditeur, qui m’a fait part lors d’une conversation téléphonique d’un certain nombre d’observations. J’avais dès le départ décidé que pour ce projet, davantage encore que pour n’importe quel autre, j’allais mettre mon égo dans ma poche, me montrer ouvert à tous les retours, et toujours partir du principe que j’allais tous les intégrer ou au moins les tester.

En l’occurrence, les notes obtenues se sont révélées être extrêmement constructives, et elles m’ont permis de rendre le texte bien meilleur. Les personnages ont plus de consistance, les longueurs sont élimées, les moments-clés ont davantage de poids. Mais pour les mettre en oeuvre, j’ai fait des choix peu orthodoxes, parfois un peu radicaux, comme celui de rajouter un personnage important qui n’existait pas dans les versions précédentes du manuscrit. J’ai donc renvoyé une version 5, la meilleure à ce stade.

Version « 6 »

Alors que l’on s’acheminait vers un contrat de publication, j’ai obtenu des notes de deux autres collaboratrices de la maison d’édition qui avaient lu mon manuscrit. Là, léger couac : même si ces retours restaient précieux, ils étaient basés sur la version 4 du texte, pas sur la version 5. J’ai donc procédé à un tour de passe-passe qui consistait à prendre toutes les remarques et à produire une version 6. Celle-ci intègre donc des notes qui s’appliquaient à la version 4, que j’ai appliquées à la version 5.

On pourrait croire que ça n’a pas beaucoup de sens, mais il faut comprendre que malgré le travail que chaque version représente, elles racontent toutes la même histoire, et même, dans le cas d’espèce, la structure, l’enchaînement des événements, est resté pratiquement intacte à travers toutes les versions, donc ces retours m’ont malgré tout été très utiles. Tôt ou tard, je recevrai donc de nouvelles notes, qui devraient aboutir à un moment ou à un autre à une version finale. Je vous en reparlerai à ce moment-là.

Cité sur franceinfo.fr

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Dans le cadre d’un article très intéressant sur la place des personnages féminins dans la littérature fantasy, j’ai eu le plaisir de répondre aux questions de la rédaction numérique de France Info, et je suis cité dans le sujet que vous pouvez lire en suivant ce lien, parmi des noms prestigieux. J’y parle de Tim Keller, l’héroïne de mes romans du « Monde Hurlant ». Bonne lecture !

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Projet Berlin : La signature

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Ces dernières semaines, j’ai publié ici pas mal de billets sur mon projet en cours d’écriture, surnommé « Sergio« , mais encore rien sur le projet précédent, que nous surnommerons « Berlin » parce que l’action du récit s’y situe.

L’écriture du roman a déjà été bouclée une fois, soumise à des bêta-lecteurs qui m’ont beaucoup aidé, puis je l’ai remanié, bénéficié de la curiosité d’une maison d’édition qui m’a prodigué des notes qui ont également contribué à améliorer significativement le texte, et à présent, le contrat est signé et je suis en attente de notes de lectures supplémentaires afin de bosser à ce qui devrait être l’ultime version du manuscrit. Forcément, pendant que je m’y attelerai, « Sergio » sera entre parenthèses, mais ce texte-là n’est attendu par personne et ne dépend d’aucun délai, il peut donc patienter indéfiniment.

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« Berlin » est un roman contemporain d’horreur architecturale. Je suppose qu’on pourrait aussi le classer sous la catégorie « urban fantasy », encore que ses mécanismes entrent plutôt dans le champ de la science-fiction. Il doit en principe sortir cette année, je me réjouis de vous en parler (même s’il traverse actuellement la phase de son développement où l’on se montre d’ordinaire le plus discret).

Projet Sergio 6 : La théorie du toboggan

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Comme pour tous mes projets, mon roman en cours d’écriture, une histoire de space opera mâtinée de western spaghetti, a commencé par certaines considérations de style. Avant de me mettre à écrire, j’ai établi un certain nombre de règles formelles auxquelles j’ai choisi de m’astreindre, afin de coller au mieux au résultat que je compte atteindre, et afin de donner à l’histoire une patine distincte. J’ai constitué une petite liste que je vais sans doute reproduire ici tôt ou tard, mais je souhaite ici consigner par écrit ce qui en constitue pour moi l’axe principal.

Sergio est un roman constitué de chapitres très courts, entre une et dix pages en général, mais je dirais que la moyenne tourne autour de quatre. À chaque nouveau chapitre, la narration se focalise sur un personnage différent. À ce stade, il y a quatre focalisations distinctes dans le roman, qui est rédigé au passé et à la troisième personne. Mais en plus de ce choix, j’ai décidé de faire en sorte que chaque chapitre se termine par ce que j’appelle un « toboggan », c’est à dire par une section qui donne irrésistiblement envie de lire la suite.

Il peut s’agir de « cliffhangers », ce que j’appelle du « suspense suspendu« , c’est à dire une scène où le protagoniste est en danger et où il est nécessaire de lire la suite pour savoir comment il s’en sort. Pendant un moment, j’ai flirté avec l’idée de faire ça à chaque chapitre, comme dans le dessin animé britannique « Danger Mouse », où le personnage principal, une souris espion, est en danger de mort à la fin de chaque épisode, avant de s’en sortir miraculeusement au suivant. Sans doute que ça aurait été rigolo, mais peut-être un peu trop rigolo pour le ton que je cherche à atteindre, qui est celui d’un récit d’aventure haut en couleur, mais émotionnellement polyvalent. Et puis je pense que les lecteurs se seraient vite fatigués.

Donc oui, les personnages sont souvent en danger dans Sergio, parce qu’il y a beaucoup d’action, mais ce n’est pas le seul type de toboggan dont je me sers. Certains chapitres se terminent également par des révélations dont on a envie de connaître les conséquences, par des surprises qui déconcertent et titillent l’imagination, par des revirements où les personnages changent de plans ou de situation, ou même simplement par des moments où les personnages exposent leurs intentions pour l’avenir. Plusieurs approches, donc, chacune visant à prolonger le temps de lecture en jouant sur des registres différents. En soi, ce choix n’a rien d’original, mais appliqué de manière systématique à un roman dont les chapitres sont très courts, je pense que cela donne un rythme très propulsif à la lecture.

Projet Sergio 5 : Pour une poignée de spaghettis

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Qu’on se le dise, si le projet Sergio s’appelle le projet Sergio, c’est en l’honneur de Sergio Leone. Oui, mon roman en cours d’écriture est avant toute chose un pastiche de Star Wars, dont je suppose que j’aurais pu l’appeler « projet George », pour George Lucas, mais premièrement, ça ne sonne pas aussi bien, et deuxièmement, c’est aussi une histoire où j’ai choisi délibérément d’adopter le ton et certaines des conventions de narration du western spaghetti.

Pour faire simple : il y a, dans les films originaux de Star Wars, un élément de western classique. La troquer contre une inspiration western spaghetti, c’est choisir un matériel qui est automatiquement compatible avec l’oeuvre, et qui a même quelques parentés avec le mouvement de renaissance cinématographique né dans les années 1970 aux Etats-Unis et dont fait partie George Lucas. Pendant que des jeunes loups dynamitaient le vieil Hollywood, en Italie, des réalisateurs atomisaient les mythes de l’Ouest américain en proposant des films iconoclastes, cyniques, drôle, et parfois très aboutis formellement. En deux mots : ajouter une inspiration de ce type à une base tirée de Star Wars, ça revient à prendre le chassis d’une voiture classique et y insérer un énorme moteur de hot rod. La combinaison peut être explosive.

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Quelle forme ça prend ? En quoi est-ce que ça influence le projet ? Cela touche à plusieurs aspects. Certains sont anecdotiques, comme un personnage qui porte un chapeau à large bord, des noms propres qui rendent hommage à des lieux ou des personnages emblématiques du cinéma de genre italien, ou des scènes de duel à l’arme blanche qui sont racontées comme des face-à-face de gunslingers du far west. L’intrigue est vaguement inspiré de « Mon nom est Personne », de Tonino Valerii. Mais pour l’essentiel, c’est le ton et les thèmes du roman qui portent l’empreinte du western spaghetti.

Je vous reproduis ci-dessous une liste incomplète de règles et d’idées que j’ai établie pendant la préparation du roman, afin de définir en quoi ce bouquin allait s’inscrire dans cette tradition :

  • La philosophie de la violence : toute relation humaine est une forme de violence.
  • Il n’y a pas d’espoir, ou plutôt, il n’y en a plus: l’espoir était possible dans le passé, mais plus aujourd’hui.
  • Aucune chance que la vie, le monde ou les gens ne s’améliorent ou ne changent.
  • Face à cette perspective, quatre attitudes possibles : la cruauté, le cynisme, l’amertume, l’absurde.
  • Les personnages sont pragmatiques, même quand des considérations morales leur viennent à l’esprit, ils n’agissent pas en fonction de valeurs, mais en fonction de leurs besoins.
  • Soit on n’a pas de scrupules, soit on les enterre.
  • Si la vie n’est plus possible, essayer de survivre.
  • Une personne violente est un criminel, 100 sont un gang, 100’000 façonnent une nouvelle moralité.
  • Tout cela a une dimension grand-guignolesque qui n’exclut pas l’humour.
  • Dilatation du temps lors des scènes de tension.
  • Méchants physiquement grotesques.