Elle se définit comme une « romancière à l’imagination débordante »: Katja Lasan vit et écrit en Suisse, et son imagination touche aux genres les plus divers. Elle vient de sortir le troisième tome de sa saga « Le Talisman de Pæyragone » aux éditions Cyplog.
Cette interview est réalisée avec la complicité des Auteurs helvétiques de littérature de genre, un groupe qui s’est constitué depuis peu et dont je fais partie. Attendez-vous à lire bientôt d’autres entretiens avec des auteur-e-s du groupe.
Si tu n’avais pas choisi, en 2014, de publier ton roman, où en serais-tu aujourd’hui ?
Je pense que j’aurais continué ma vie d’avant. Éducatrice de l’enfance, travaillant dans une garderie de Lausanne, avec des enfants de 4 à 6 ans. Peut-être serais-je encore mariée et aurais-je une vie moins compliquée.
La publication a tout bouleversé, c’est certain, mais je ne regrette rien, car j’y ai gagné beaucoup : une nouvelle forme d’indépendance, plus de force mentale, et surtout des rencontres extraordinaires qui m’ont amenée là où j’en suis aujourd’hui. C’est-à-dire avoir tout lâché pour me consacrer pleinement au monde de l’édition et de l’écriture, sous diverses formes.
L’écriture, c’est une nécessité pour toi ? Une manière de communiquer ? Un exorcisme ?
Une nécessité, oui. Une catharsis, un exutoire. J’y libère souvent ce que je ne parviens pas à exprimer verbalement. Je ne suis pas très douée pour la communication orale ou pour entrer en lien avec les autres, par contre, par écrit, c’est très différent. J’y mets beaucoup plus de subtilité et de nuances, la répartie me vient plus facilement.
« Un peu fêlés, un brin torturés, mais toujours attachants » : c’est ainsi que tu décris tes personnages. Est-ce que ces qualificatifs s’appliquent également à ton œuvre ? A toi-même ?
À moi, je ne suis pas sûre. Nous avons tous nos fêlures, nos chemins de vie, mais je ne pense pas en être torturée. Quant à mon « œuvre », j’essaie de la rendre émotionnelle, pour que l’on s’en souvienne encore après avoir refermé le livre, ce qui implique des caractères forts, qui sortent du commun, qui sont ce qu’ils sont parce qu’ils ont déjà une certaine expérience de vie. J’aime qu’ils ne laissent pas indifférents, que nous les aimions et qu’ils nous horripilent en même temps. Donc oui, j’espère que ces qualificatifs sonnent également juste pour l’ensemble de mes écrits.
Tu as une approche originale de l’édition, puisque tu t’es servie de Facebook comme plateforme de pré-édition. Pourquoi choisir cette voie ? Qu’est-ce que ça t’a apporté ?
Je ne connaissais pas Wattpad, sinon je serais sûrement passée plutôt par le biais de cette plateforme. Mais Facebook, c’est tout simplement, à l’origine, parce que je faisais partie d’un groupe de mamans dont je me sentais assez proche, et c’est sur notre groupe que j’avais diffusé les premiers chapitres de Gueule d’ange, juste pour avoir un avis objectif. La sauce a pris, elles ont réclamé la suite et du coup, j’ai créé un groupe pour le roman. Elles y ont invité leurs copines et de fil en aiguille, j’ai eu un petit suivi qui m’a donné confiance en moi et l’envie d’en faire quelque chose de concret quand j’ai mis le point final à l’histoire.
Ces femmes m’ont portée, tout simplement, et je leur dois beaucoup. Sans elles, je ne suis pas certaine que j’aurais osé franchir le pas.
Un conseil, une suggestion à ceux qui te lisent et qui ont envie d’écrire ?
Si l’envie d’écrire vous prend, lancez-vous ! Mais si vous souhaitez en faire concrètement quelque chose, alors prenez le temps de le faire bien : temps de l’écriture, de la reclecture, de la correction., et de la relecture encore. Un livre se travaille, se peaufine, se réfléchit, et n’ayez pas peur de la critique, elle fait partie du jeu.
Le mot « rock’n’roll » revient souvent comme adjectif sous ta plume. Quel sens est-ce que tu lui donnes ? Qu’est-ce que ton œuvre a de rock’n’roll ?
Déjà, le rock’n’roll est né entre la fin des années 40 et le début des années 50, une époque qui me parle et que j’aurais voulu connaître. Mon grand regret, c’est que jamais je n’assisterai à un concert en live d’Elvis Presley.
Ce genre musical me parle, me prend au cœur et au corps, me fait déconnecter. J’aime son histoire, ses origines, son évolution, ses périodes sombres et trash, ses sous-genres. Les rockeurs, pour moi, sont des rebelles, des artistes qui vivent à 100 à l’heure, parfois jusqu’à l’excès, tout en se fichant des conventions et des bien-pensants. Ils aiment provoquer, mais derrière se cache souvent une sensibilité à fleur de peau. C’est en cela que mes personnages leur ressemblent. Derrière leur carapace, ils cachent des âmes généreuses, mais remplies de blessures, il faut les apprivoiser, savoir les comprendre et voir au-delà des apparences.
Et puis, ils écoutent tous du rock, parce que la pop, le r’n’b ou autres, ça ne leur sied tout simplement pas ^.
La musique joue quel rôle dans ton écriture ?
Étonnement peut-être, je n’y connais pas grand-chose en musique. Mais je l’apprécie, j’aime étudier les textes, en comprendre le sens. Quand j’écris, j’ai besoin de silence, la musique je l’écoute avant ou après. Elle peut m’inspirer des scènes, j’imagine dessus des actions, mais une fois que je me mets devant mon ordinateur, j’éteins tout. Par contre, dans mes textes, oui, elle est présente. Il y a toujours des références, parce qu’elle est essentielle dans ma vie. Comme disait Kant : « La musique est la langue des émotions. », et moi, elle me rend vivante.
Tu viens de sortir le troisième volume de ta trilogie de « romance paranormale », Le Talisman de Paeyragone. Qu’est-ce qui t’a donné envie de développer cette histoire sur plusieurs tomes ?
À la base, je pensais en écrire que deux tomes. Mais vu la taille du premier volume, il fallait couper. Donc, j’ai divisé en quatre. Pour bien développer l’histoire, il m’était impossible de faire plus court (et je suis nulle pour le court ^^). Ce qu’il se passe entre les lignes va beaucoup plus loin que ce que vous pouvez lire sur les résumés. J’ai créé une histoire et des personnages très complexes, qui méritaient d’être fouillés. La réduire à deux ou trois tomes, cela aurait été prendre le risque de ne pas aller assez en profondeur et de ne survoler que quelques intrigues. J’en aurais été sans aucun doute frustrée.
« Dans un roman, chaque page lue est une minute d’évasion offerte à votre âme » a dit Maxime Chattam. Que t’apporte la littérature et que souhaites-tu apporter aux lecteurs avec tes romans ?
Oh ! Chattam… mon maître de cœur ! Tu l’as fait exprès ? L’évasion, c’est exactement le mot que j’utilise quand on me pose cette question. Je veux que le lecteur s’envole pour un ailleurs, qu’il oublie son quotidien et ses soucis ; qu’il déconnecte complètement, en fait, pour se plonger dans son entier aux côtés de mes héros. Quand je lis, c’est ce que je recherche aussi. Ne plus être sur mon canapé, m’imaginer les décors comme si j’y étais, jusqu’à pouvoir sentir les odeurs et entendre les pas des personnages. Frissonner… sourire… avoir la larme à l’œil… être envahie par les émotions. J’espère que j’y parviens, en tout cas, quand les lecteurs ont un de mes livres entre les mains.
Rencontrer tes lecteurs lors de salons ou de dédicaces, ça te fait quel effet ?
Toujours bizarre, surtout quand ils entrent dans les détails de mes histoires. Là, je me dis : « Ah ouais ! ils ont vraiment lu ! » Je suis surprise aussi lorsque certains se confient, comme si on se connaissait depuis toujours, ou qu’ils s’imaginent que ma vie est aux antipodes de ce qu’elle est réellement. Je n’ai rien d’exceptionnel, ma vie est tout ce qu’il y a de plus banale, j’écris juste des histoires, je vis beaucoup dans mon imaginaire et je ne suis pas seule dans ma tête.
Ton méchant s’appelle Locle. As-tu des comptes à régler avec cette charmante petite ville des montagnes neuchâteloises ?
Pas du tout, je n’y ai même jamais mis les pieds, mais j’ai toujours trouvé que ça ferait un bon nom pour un méchant ^.
Tu fais partie du groupe des Auteurs helvétiques de littérature de genre. Y a-t-il selon toi quelque chose de typiquement suisse dans ton approche de l’écriture ?
Aucune idée. Des expressions ressortent, parfois, mais à part ça… Je ne sais vraiment pas. Je n’ai jamais réfléchi à la question.
Tu as aussi des origines croates et françaises, en quoi est-ce que ça enrichit tes écrits ?
En fait, je suis née en Suisse, j’y ai vécu toute ma vie, j’aime ce pays, mais en réalité je n’ai pas une once de sang helvétique. À mes 17 ans, j’ai demandé la naturalisation pour me faciliter la vie ici et parce que je trouvais normal de l’obtenir après y avoir fait toute ma scolarité et d’y prévoir mon futur. Ma mère était française, mon père est croate, mais c’est avant tout ce qu’ils sont et étaient qui enrichit mon univers. La manière dont ils m’ont fait découvrir le monde, comme ils me l’ont appris. L’amour de ma mère, surtout, pour la littérature et le cinéma. Ce dernier, comme la musique, a une influence sur mes écrits. Quand on me lit, j’aime que l’on voie défiler un film devant ses yeux. Si tel est le cas, alors c’est que j’ai déjà en partie réussi.
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