Sur ce site, ces dernières semaines, nous avons exploré diverses formes de résumés littéraires. Pour conclure, je vous propose de nous intéresser au plus bref d’entre tous, que vous avez d’ailleurs toute liberté de ne pas considérer comme un résumé à proprement parler : le titre.
Quoi qu’il en soit, de toutes les versions courtes de votre histoire, le titre est le plus crucial. En parallèle à la couverture, il s’agit du premier élément de votre livre que vos potentiels futurs lecteurs vont voir. C’est aussi ce que vous allez répéter encore et encore en évoquant votre œuvre dans des conversations, en salon, en ligne, et je vous le souhaite, dans les médias.
Un bon titre ne fait pas un bon livre, mais il peut contribuer à son succès et susciter la curiosité et l’envie. Quant à un mauvais titre, il peut à lui seul ruiner toute chance de vendre votre roman. Pour ces raisons, choisir le titre représente une des décisions de marketing les plus importantes de la promotion de votre œuvre.
Parce que ne nous y trompons pas : le titre, ça n’est pas de la littérature, c’est un argument de vente. C’est important de se le mettre en tête, et de ne pas se montrer trop sentimental à ce sujet. Le titre est une des principales portes d’entrée vers votre texte, et plus il est séduisant, meilleures sont vos chances de vendre votre bouquin. Faites preuve de souplesse : si votre éditeur (ou n’importe qui d’autre) a une meilleure idée de titre que celle que vous aviez en tête, changez-en. Oui, même si vous travaillez sur votre manuscrit depuis que vous avez huit ans et que celui-ci n’a jamais eu qu’un seul titre à vos yeux. Le titre, c’est pour les lecteurs et les libraires, pas pour vous faire plaisir à vous.
Une fois qu’on s’est mis cette réalité en tête, il est temps d’examiner les qualités qui font qu’un titre de roman est bon. Ci-dessous, je vous en énumère quatre.
Il attire l’attention
On l’a bien compris, la principale raison d’être du titre, c’est de susciter l’envie. Donc mieux il accomplit cette mission, meilleur il est. Rien n’est pire qu’un titre banal, qui génère l’ennui ou le désintérêt. Ce qu’il faut, c’est prendre lectrices et lecteurs par la pupille et ne plus les lâcher.
Pour cela, les solutions ne manquent pas : vous pouvez vous montrer intéressant, énigmatique, original, provocateur, ou même faire des promesses audacieuses, peu importe. Ce qui compte, c’est que votre titre captive l’attention, et pourquoi pas, la controverse, ou en tout cas le débat. Avertissement : on n’attire pas l’attention de manière positive sans le faire également de manière négative, mais mieux vaut une discussion enflammée que de la tiédeur.
Il est mémorable
Une fois que vous vous êtes fait remarquer, votre objectif numéro 2, c’est qu’on ne vous oublie pas. Il faut que vos lectrices et lecteurs, une fois qu’ils ont appris comment s’intitule votre roman, le gardent en tête pour de bon.
Pour cela, il est au minimum nécessaire que votre titre soit unique : faites en sorte qu’il ne soit pas identique à celui d’un autre livre déjà sorti, ou pire, d’un classique. Il serait mieux qu’on ne puisse pas confondre les deux, d’ailleurs, à moins qu’il ne s’agisse d’un pastiche. Faites quelques recherches si nécessaire.
Votre titre doit être distinctif et rester en tête. Il doit aussi être facile à trouver en ligne, parce qu’à notre époque, c’est un aspect qu’on ne peut pas se permettre de négliger. Pour cela, évitez d’utiliser des termes trop courants dans les romans de la même catégorie que le vôtre.
Il est évocateur
Pour être réussi, votre titre doit représenter le roman. Cela veut dire, pour commencer, qu’il doit évoquer une idée de votre sujet. Ce n’est pas nécessairement crucial pour un livre de fiction, mais cela peut mettre le potentiel lecteur sur la bonne voie et lui indiquer qu’il a affaire à une histoire qui peut être susceptible de l’intéresser.
Être évocateur, c’est aussi être capable de conjurer une image puissante à travers une combinaison de mots bien choisis. Ici, c’est moins le contenu de votre roman que vos compétences d’auteur et votre style qui sont mis en avant.
Il est simple
Dernier critère : un bon titre doit être simple. Mais attention, ici, la définition de « simple » peut être compliquée.
Pour commencer, on doit pouvoir le comprendre, ou en tout cas, ne pas rester avec davantage de points d’interrogation que de points d’exclamation en tête. Les gens ont davantage de facilité à réagir et à garder en mémoire des mots qu’ils connaissent, c’est ce qu’on appelle la fluidité cognitive (ironiquement, « fluidité cognitive » est une expression qui manque cruellement de fluidité cognitive). Un titre incompréhensible ou hors-sujet risque de susciter davantage de confusion que d’intérêt.
La simplicité, c’est aussi trouver un groupe de mots qui ne va pas nous emmener sur les chemins de traverse : prenez garde que votre titre ne constitue pas un jeu de mot involontaire, une référence fortuite à un sujet polémique, et pendant que vous y êtes, prenez garde à ce qu’il ne soit pas embarrassant à prononcer à haute voix.
En règle générale, les titres courts sont les meilleurs. Opter pour un titre constitué de quelques mots, voire d’un seul, revient à simplifier la vie de vos futurs lecteurs, qui pourront plus facilement le comprendre, le mémoriser et même le prononcer. C’est aussi une manière, et ce n’est pas négligeable, de s’offrir un petit supplément de flexibilité pour le design de la couverture.
Attention : un titre constitué d’un seul mot représentait une excellente option à une certaine époque, mais aujourd’hui, un tel choix complique les recherches en ligne et je vous suggère plutôt d’opter pour un titre de deux ou trois mots.
Inspiration
Une fois qu’on a ces critères en tête, on n’a pas encore approché le titre en lui-même. C’est intéressant de savoir à quoi il ne doit pas ressembler, mais au bout d’un moment, il faut se demander dans quelle direction aller. Quelles peuvent être les sources d’inspiration ?
Déjà, qu’on s’en rende compte ou non, il existe des standards en matière de titre, qui sont différents d’un genre à l’autre. Il est important de vous familiariser avec ce qui existe (vos concurrents, pour le dire simplement). Y adhérer a des conséquences positives : en particulier, ça permet au lectorat fidèle d’identifier en un instant à quel type de roman il a affaire. Si le titre est « Chroniques du Dragon », c’est de la fantasy » ; si c’est « L’été dans tes bras », c’est de la romance ; si c’est « Désarticulation de la chevelure du désarroi », c’est de la littérature blanche.
Cela dit, on s’en rend compte en découvrant mes exemples délibérément caricaturaux : les habitudes en matière de titres propres aux genres débouchent souvent sur des clichés. Traquez-les et tordez-leur la tête.
Pour cela, relevez quels sont les mots qui reviennent le plus souvent dans les titres des différents genres, et faites en sorte de ne pas les utiliser vous aussi. Donc évitez les mots « étoiles », « planète » ou les dates dans les titres de romans de science-fiction ; les mots « sang », « nuit » ou « vengeance » dans les titres de polars ; les mots « chronique », « épée » ou « destin » dans les romans de fantasy, etc… Il serait facile mais relativement fastidieux de mener une étude statistique des occurrences les plus nombreuses dans ces différents genres, mais tout auteur familiarisé avec son milieu doit avoir une certaine idée de ce qu’il faut éviter.
Donc comme inspiration, vous feriez bien d’aller puiser à la source, c’est-à-dire votre roman. Une approche consiste à choisir comme titre un extrait du roman. Il peut s’agir d’une phrase récurrente, d’une expression emblématique de votre personnage principal, ou, par exemple, d’une phrase qui colle particulièrement bien avec votre thème (« Pars vite et reviens tard », « Germinal »).
Autre possibilité : partir de votre personnage principal, en particulier si l’histoire est très focalisée sur votre protagoniste. Vous pouvez incorporer son nom dans le titre du roman (« Le journal de Bridget Jones »), ou simplement faire de son nom le titre en entier (« David Copperfield »). Vous pouvez aussi vous servir d’un surnom couramment utilisé dans votre histoire (« Le Grand Meaulnes »), ou d’un descriptif professionnel (« Docteur Zhivago »), ou encore faire du titre un descriptif de votre personnage central, de son apparence, de son rôle dans l’intrigue ou de ses idéaux (« La Dame aux camélias »).
Naturellement, il est possible d’opérer la même manœuvre en partant cette fois-ci du décor de votre roman, si celui-ci est notable et mémorable. Cela fonctionne exactement de la même manière. Vous pouvez adopter le nom du lieu comme titre en lui-même (« Gormenghast », « Dune ») ; l’incorporer à d’autres aspects (« Mort sur le Nil »), ou décrire par une périphrase un des lieux caractéristiques (« La Cité des Saints et des Fous »).
Et même si ça ne saute pas aux yeux, il est même possible de trouver de l’inspiration dans l’intrigue de votre roman, dans sa mécanique narrative. On peut avoir affaire à un titre qui paraphrase le sujet du livre (« La Position du tireur couché »), son thème (« Guerre et paix »), ou un peu des deux (« Cent ans de solitude »). Ou alors vous avez l’option de choisir un titre-question, qui résume et reflète les interrogations soulevées dans votre histoire (« Et si c’était vrai ? »).
Les sous-titres
Encore quelques mots des sous-titres. Ils sont très courants dans les livres hors fiction, par exemple dans ceux qui donnent des conseils (« La semaine de 4 heures – travaillez moins, gagnez plus et vivez mieux ! »). Pour les romans, c’est généralement une mauvaise idée, parce qu’ils alourdissent votre propos sans l’expliciter. A moins d’avoir une idée extraordinaire, renoncez-y.
L’exception, vous l’avez deviné, c’est celle des sagas littéraires, ou le titre de la série agit comme un titre à proprement parler, et le titre du roman, comme un sous-titre. Je le répète ici : n’écrivez pas de saga. Mais si toutefois cette idée étrange vous traversait l’esprit, faites simple. Optez pour un titre de série court, frappant et exempt de clichés, et pour un titre de roman qui se focalise de très près sur l’action de l’histoire en question (« Le Château »/« L’Année de notre guerre », « Millenium »/« Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes »).