Le pitch

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Le Fictiologue joue les réducteurs de tête en ce moment, en examinant les différentes manières de résumer un texte littéraire, dans le but d’atteindre des objectifs divers. Nous avons déjà abordé le sujet, qui sert de concept, de point de départ à une histoire ; nous avons ensuite détaillé le synopsis, qui détaille l’intrigue d’un projet, souvent pour le soumettre à une maison d’édition. Cette fois-ci, je vous propose d’aborder un autre passage obligé de l’activité d’une romancière ou d’un romancier : le pitch.

D’habitude, je n’aime pas trop utiliser des anglicismes dans mes articles, surtout dans les titres, parce que j’estime qu’une de mes missions en tant qu’écrivain francophone est d’être au service de la langue, mais comme je ne suis pas à une contradiction près, je fais une exception, parce que ce mot-ci est rigolo à lire et à dire, comme d’ailleurs celui de la semaine prochaine, donc je m’y autorise. Cela dit, ce terme est loin d’être intraduisible. On pourrait très bien dire « argument » ou « lancement », sans rien perdre dans l’opération.

Bref. Le pitch, c’est, pour faire simple, un condensé de votre roman destiné à donner irrésistiblement envie de le lire. Situé à mi-chemin entre le résumé et l’argument de vente, il n’a qu’un but : susciter la curiosité de la personne qui le découvre. Si c’est un lecteur, le pitch est destiné à provoquer l’acte d’achat. Si c’est un éditeur, il ne doit avoir qu’une seule envie, après en avoir pris connaissance : vous faire signer un contrat.

Votre arme maîtresse pour vendre votre texte

On peut même aller plus loin. Si le sujet constitue le cœur de votre histoire d’un point de vue littéraire, le pitch en est le cœur du point de vue du marketing. C’est votre arme maîtresse pour vendre votre texte, celle que vous allez utiliser en salon, lors de dédicaces, sur les réseaux sociaux ou dans n’importe quelle conversation pour séduire les lecteurs ; celle dont vous allez vous servir pour donner envie aux éditeurs de s’intéresser à vous ; pour convaincre les journalistes, les blogueurs, les critiques de parler de votre livre ; celle qui sera utilisée par un agent pour vendre le projet à un éditeur, par un membre d’un comité de lecture pour persuader une maison d’édition de s’intéresser à la manuscrit, par celle-ci pour évoquer votre projet auprès de ses réseaux de diffusions, et par les libraires pour le vendre à leur clientèle. Le pitch, c’est le schibboleth qui va permettre à votre roman de circuler et d’être imprimé par millions d’exemplaires.

Un orphelin va dans une école pour les magiciens

Un professeur découvre des secrets cachés dans de vieilles œuvres d’art en cherchant le Saint-Graal

Une lycéenne introvertie tombe amoureuse d’un vampire

Un astronaute, naufragé sur Mars, doit trouver un moyen de survivre

Peut-être que là, vous êtes un tout petit peu anxieux. C’est normal : rater votre pitch, c’est un luxe que vous ne pouvez pas vous payer. Afin de mettre toutes les chances de votre côté, tâchez d’observer les quelques règles décrites ci-dessous.

Un bon pitch doit être court. Les anglophones les surnomment « elevator pitch », comprenez, un argument qui peut être communiqué lors d’une conversation délivrée le temps d’un bref trajet en ascenseur, si possible en compagnie du patron d’une grande maison d’édition qui se trouverait piégé avec vous pendant quelques dizaines de secondes (on peut rêver). Dans la mesure du possible, limitez-vous à une ou deux phrases, et tâchez si possible de ne pas dépasser une vingtaine de mots (et en aucun cas plus d’une cinquantaine de mots).

L’idée n’est pas d’expliquer votre histoire

Pour y parvenir, retirez-en presque tout le contenu de votre bouquin. L’idée n’est pas d’expliquer votre histoire ou de détailler votre démarche. Tout cela peut venir plus tard, dans un deuxième temps. Il s’agit simplement de ne conserver que les éléments qui vont susciter la réaction suivante : « Hé, ça a l’air intéressant, dis m’en plus ! ».

Comment on fait ça ? Comme toujours avec le travail des mots, on couche une idée sur le papier, puis une autre, puis on triture, on bouture, on modifie, on améliore, jusqu’à ce que ça nous semble convenir. N’hésitez pas à soumettre votre pitch à vos bêta-lecteurs, si vous en avez.

Et dans le doute, faites passer un test à votre pitch, en vous posant les questions suivantes et en y répondant de manière impitoyable :

  • Est-ce que c’est court ? Est-ce qu’on peut le raccourcir ? Est-ce que chaque mot est indispensable ?
  • Est-ce que c’est unique ? Est-ce que cela semble distinct de tous les autres romans du même genre ?
  • Est-ce que c’est mémorable ? Est-ce que le pitch est suffisamment frappant pour que la personne s’en rappelle 24 heures après l’avoir entendu ?
  • Est-ce que c’est efficace ? Est-ce que cela peut pousser un lecteur potentiel ou un éditeur à se dire : « Hé, ça a l’air intéressant, dis m’en plus ! » ?

Il est possible de concevoir des pitches un peu plus long que ça, de la taille d’un paragraphe, à utilise dans des circonstances où votre public consent à vous accorder un peu plus d’attention. C’est le genre de matériel que je vous ai déjà suggéré d’inclure dans votre communiqué de presse quand j’y ai consacré un article. Mais pour l’essentiel, la démarche est la même : un texte court pour susciter l’envie d’un livre.

Un orphelin anglais de onze ans tout ce qu’il y a d’ordinaire se voit ouvrir les portes d’une école pour magiciens. Alors qu’il suit des cours pour se servir de son balai et de sa baguette magique, il est confronté à un secret de famille, lié à un effroyable sorcier dont personne n’ose prononcer le nom.

Un pitch réussi doit vanter les mérites de votre livre, pas en vous jetant des fleurs, mais en en soulignant les qualités intrinsèques. En d’autres termes, en en prenant connaissance, on doit comprendre immédiatement ce qui, dans votre roman, est frappant, unique, rafraichissant, captivant. S’il donne l’impression inverse, s’il semble banal, déjà vu, réchauffé, vous n’allez pas en vendre beaucoup. Un mauvais pitch peut tuer tous vos efforts. C’est une cruelle réalité.

Le livre vu comme un produit

Alors oui, je vous entends déjà grincer des dents : là, on se situe fermement dans le territoire du capitalisme. C’est le livre vu comme un produit. Du pur consumérisme. Ça ne vous fait pas nécessairement plaisir, vous avez peut-être même l’impression de prostituer votre manuscrit, à résumer ainsi vulgairement ses innombrables subtilités dans le but avilissant de faire du chiffre. Rien ne vous y oblige, en réalité. Mais si vous souhaitez convaincre un maximum de lectrices et lecteurs de vous lire, c’est bien ainsi qu’il faut procéder, et fondamentalement, il n’’y a rien de mal à ça. Détendez-vous.

Deux mots encore pour vous dire que même si vous avez trouvé le pitch parfait, celui-ci sera forcément un argument de vente générique pour votre roman, destiné au public dans son ensemble. Il est possible de pousser le vice jusqu’à développer des pitches pour des publics ciblés, en soulignant des qualités différentes en fonction d’intérêts particuliers. C’est particulièrement utile en salon, lorsqu’on est confronté à des profils de lectrices et lecteurs distincts. Il peut être pratique d’avoir en tête des approches qui s’adaptent à leurs centres d’intérêts spécifiques.

Ainsi, en ce qui concerne mon roman « Révolution dans le Monde Hurlant », le pitch de base peut s’exposer ainsi :

Une jeune femme part à la recherche de son frère qui s’est fait enlever dans un univers parallèle déchiré par une révolution

C’est celui que j’utiliserais face à une personne dont je ne sais rien et qui ne révèlerais aucun détail au sujet de ses préférences de lecture. Cela dit, une bonne partie des personnes que je rencontre en séance de dédicace sont intéressées par la fantasy ou plus généralement par la littérature de genre, donc face à eux j’utiliserais plutôt l’argumentaire suivant :

Une jeune femme de notre monde se retrouve mêlée, dans un univers baroque et fantastique, à une guerre larvée entre un pouvoir religieux et des rebelles qui contrôlent les lois de la fiction

Et puis il m’est arrivé d’essayer de convaincre des personnes passionnées de romances de s’intéresser à mon roman. Dans ces circonstances, je l’ai plutôt décrit de cette manière :

Une jeune femme vit une relation drôle et volcanique avec un coup d’un soir qui s’est embarqué par inadvertance dans son voyage dans un univers parallèle

Naturellement, si ce genre de chose vous amuse, n’hésitez pas à décliner votre pitch pour tous les publics possibles et imaginables.

5 réflexions sur “Le pitch

  1. Oh, je n’avais pas pensé à l’utilité du pitch si en détail. Ça m’aide de penser à la réaction souhaitée : « Hé, ça a l’air intéressant, dis-m’en plus ! ».
    Et en effet, le fait d’avoir deux pitch (un d’une phrase et l’autre d’un paragraphe) est une bonne idée ! 😁
    J’ai essayé de faire cela avec mes histoires, c’est bien plus dur que je ne le pensais ! 😮

    Aimé par 1 personne

  2. Eh oui… Le pitch était pour moi un pensum, passage obligé avant d’envoyer son manuscrit, mais je viens d’essayer et c’est super pour présenter son livre à des lecteurs lors des dédicaces. Merci beaucoup 🙂

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