Projet Sergio : la phase suivante

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Retour sur mon projet surnommé « Sergio », de roman de space opera mâtiné d’un soupçon de western spaghetti. J’ai terminé le premier jet du manuscrit le 19 avril. Comme le texte a été écrit très vite, il était, je m’en doutais, rempli de répétitions, de lourdeurs et de petites incohérences. Il m’a fallu dès lors un peu plus d’un mois pour le remanier et lui donner une forme qui se prête à l’étape suivante, celle de la bêta-lecture. Je suis en train de diffuser le texte à une poignée de braves qui ont, ou auront accepté d’essuyer les plâtres.

On a affaire, fondamentalement, à un roman d’aventures plein de péripéties, mais assez simple, avec assez peu de personnages, donc le boulot de relecture n’a pas été très compliqué à mener. Alors que d’habitude, j’attaque cette phase avec des pages et des pages de notes et de modifications à apporter, cette fois, la liste était bien plus courte que d’ordinaire. A ce stade, aucun de mes romans n’a été aussi facile à écrire.

Mais c’est loin d’être terminé. Reste maintenant à savoir si les premières lectrices et lecteurs qui vont découvrir l’histoire vont accrocher aux personnages et trouver le tout divertissant et crédible. Je ne suis pas pressé, j’ai donc fixé un délai de deux mois pour cette phase. Même si ça n’est pas pour tout de suite, j’ai hâte de savoir ce qu’ils en auront pensé, et de m’appuyer sur leurs retours pour remanier le roman et produire une troisième version du texte.

Projet Sergio 6 : La théorie du toboggan

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Comme pour tous mes projets, mon roman en cours d’écriture, une histoire de space opera mâtinée de western spaghetti, a commencé par certaines considérations de style. Avant de me mettre à écrire, j’ai établi un certain nombre de règles formelles auxquelles j’ai choisi de m’astreindre, afin de coller au mieux au résultat que je compte atteindre, et afin de donner à l’histoire une patine distincte. J’ai constitué une petite liste que je vais sans doute reproduire ici tôt ou tard, mais je souhaite ici consigner par écrit ce qui en constitue pour moi l’axe principal.

Sergio est un roman constitué de chapitres très courts, entre une et dix pages en général, mais je dirais que la moyenne tourne autour de quatre. À chaque nouveau chapitre, la narration se focalise sur un personnage différent. À ce stade, il y a quatre focalisations distinctes dans le roman, qui est rédigé au passé et à la troisième personne. Mais en plus de ce choix, j’ai décidé de faire en sorte que chaque chapitre se termine par ce que j’appelle un « toboggan », c’est à dire par une section qui donne irrésistiblement envie de lire la suite.

Il peut s’agir de « cliffhangers », ce que j’appelle du « suspense suspendu« , c’est à dire une scène où le protagoniste est en danger et où il est nécessaire de lire la suite pour savoir comment il s’en sort. Pendant un moment, j’ai flirté avec l’idée de faire ça à chaque chapitre, comme dans le dessin animé britannique « Danger Mouse », où le personnage principal, une souris espion, est en danger de mort à la fin de chaque épisode, avant de s’en sortir miraculeusement au suivant. Sans doute que ça aurait été rigolo, mais peut-être un peu trop rigolo pour le ton que je cherche à atteindre, qui est celui d’un récit d’aventure haut en couleur, mais émotionnellement polyvalent. Et puis je pense que les lecteurs se seraient vite fatigués.

Donc oui, les personnages sont souvent en danger dans Sergio, parce qu’il y a beaucoup d’action, mais ce n’est pas le seul type de toboggan dont je me sers. Certains chapitres se terminent également par des révélations dont on a envie de connaître les conséquences, par des surprises qui déconcertent et titillent l’imagination, par des revirements où les personnages changent de plans ou de situation, ou même simplement par des moments où les personnages exposent leurs intentions pour l’avenir. Plusieurs approches, donc, chacune visant à prolonger le temps de lecture en jouant sur des registres différents. En soi, ce choix n’a rien d’original, mais appliqué de manière systématique à un roman dont les chapitres sont très courts, je pense que cela donne un rythme très propulsif à la lecture.

Projet Sergio 5 : Pour une poignée de spaghettis

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Qu’on se le dise, si le projet Sergio s’appelle le projet Sergio, c’est en l’honneur de Sergio Leone. Oui, mon roman en cours d’écriture est avant toute chose un pastiche de Star Wars, dont je suppose que j’aurais pu l’appeler « projet George », pour George Lucas, mais premièrement, ça ne sonne pas aussi bien, et deuxièmement, c’est aussi une histoire où j’ai choisi délibérément d’adopter le ton et certaines des conventions de narration du western spaghetti.

Pour faire simple : il y a, dans les films originaux de Star Wars, un élément de western classique. La troquer contre une inspiration western spaghetti, c’est choisir un matériel qui est automatiquement compatible avec l’oeuvre, et qui a même quelques parentés avec le mouvement de renaissance cinématographique né dans les années 1970 aux Etats-Unis et dont fait partie George Lucas. Pendant que des jeunes loups dynamitaient le vieil Hollywood, en Italie, des réalisateurs atomisaient les mythes de l’Ouest américain en proposant des films iconoclastes, cyniques, drôle, et parfois très aboutis formellement. En deux mots : ajouter une inspiration de ce type à une base tirée de Star Wars, ça revient à prendre le chassis d’une voiture classique et y insérer un énorme moteur de hot rod. La combinaison peut être explosive.

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Quelle forme ça prend ? En quoi est-ce que ça influence le projet ? Cela touche à plusieurs aspects. Certains sont anecdotiques, comme un personnage qui porte un chapeau à large bord, des noms propres qui rendent hommage à des lieux ou des personnages emblématiques du cinéma de genre italien, ou des scènes de duel à l’arme blanche qui sont racontées comme des face-à-face de gunslingers du far west. L’intrigue est vaguement inspiré de « Mon nom est Personne », de Tonino Valerii. Mais pour l’essentiel, c’est le ton et les thèmes du roman qui portent l’empreinte du western spaghetti.

Je vous reproduis ci-dessous une liste incomplète de règles et d’idées que j’ai établie pendant la préparation du roman, afin de définir en quoi ce bouquin allait s’inscrire dans cette tradition :

  • La philosophie de la violence : toute relation humaine est une forme de violence.
  • Il n’y a pas d’espoir, ou plutôt, il n’y en a plus: l’espoir était possible dans le passé, mais plus aujourd’hui.
  • Aucune chance que la vie, le monde ou les gens ne s’améliorent ou ne changent.
  • Face à cette perspective, quatre attitudes possibles : la cruauté, le cynisme, l’amertume, l’absurde.
  • Les personnages sont pragmatiques, même quand des considérations morales leur viennent à l’esprit, ils n’agissent pas en fonction de valeurs, mais en fonction de leurs besoins.
  • Soit on n’a pas de scrupules, soit on les enterre.
  • Si la vie n’est plus possible, essayer de survivre.
  • Une personne violente est un criminel, 100 sont un gang, 100’000 façonnent une nouvelle moralité.
  • Tout cela a une dimension grand-guignolesque qui n’exclut pas l’humour.
  • Dilatation du temps lors des scènes de tension.
  • Méchants physiquement grotesques.

Projet Sergio 4 : Un nouvel espoir

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Je continue à parler de mon projet actuel, Star Wars en mode western spaghetti, surnommé « Projet Sergio », et la dernière fois, j’ai expliqué pour quelle raison j’ai été tenté d’écrire un pastiche de Star Wars. Cette fois-ci, j’aimerais expliquer en quelques mots que si mon ambition est d’évoquer le ton, le mélange des genres et l’aspect visuel de la saga de George Lucas, je cherche également à m’en démarquer, pas uniquement pour éviter le procès (je suis invisible aux yeux de Lucasfilm, de toute manière, et je n’emprunte rien que Star Wars n’a pas lui-même emprunté à des sources bien plus anciennes), mais surtout pour conférer une tonalité un peu plus personnelle au résultat final. À quoi bon réinventer ce que les autrices et auteurs de fanfiction font déjà très bien ?

Pour me faciliter la tâche, je suis allé puiser dans une oeuvre à moi, ancienne et méconnue. Quand j’étais adolescent et jeune adulte, j’ai écrit et animé pendant des années un jeu de rôle de space opera baptisé « Kocmoc », qui a connu de nombreuses moutures. Il racontait l’exploration de l’espace par les Soviétiques au 24e siècle. J’ai récemment écrit une nouvelle version, pour mon système META, où je débarrassais l’univers de toutes ses fioritures afin d’en faire un jeu rétrofuturiste et un peu sarcastique, très concentré sur son thème central.

Mais à l’époque, Kocmoc, c’était un jeu bien plus large, avec d’innombrables espèces extraterrestres, mais aussi des cyborgs, des mutants, des moines combattants de l’espace qui s’appellent les Accomplis, etc… Tout ce que j’ai retiré du jeu, j’ai décidé de m’en servir comme source d’inspiration pour donner du corps à mon nouveau roman. Essentiellement, dès que je me pose une question sur la manière de nommer un objet, sur une technologie, etc… je me souviens de ce que j’ai créé à l’époque, si ça me convient, je garde, si ça convient à moitié, je prends ça comme base et si ça ne fait pas l’affaire, j’invente autre chose.

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Cela dit, il ne s’agit pas d’adapter un univers créé dans un autre contexte, à une époque où j’étais une personne différente. Il s’agit juste d’épicer un nouvel univers pour lui donner du relief. Par exemple, dans « Sergio », j’ai mis des Accomplis, qui jouent un peu le rôle des Jedi, mais qui ne ressemblent ni vraiment aux Jedi, parce qu’ils n’ont ni les mêmes pouvoirs, ni de Force, ni de sabres laser, et ils ne ressemblent pas non plus aux Accomplis de mon jeu de rôle l’époque, qui se battaient à mains nues en débloquant le pouvoir de leurs chakras. En réalité, je n’ai gardé que le nom.

Selon le même principe, il y a des cyborgs et des mutants, comme dans Kocmoc, mais dans mon roman je m’en sers pour explorer une dichotomie : les mutants sont des marginaux, des individus qui se situent tout en bas de l’échelle sociale, et qui acceptent d’abandonner une partie de leur humanité pour gagner des capacités surhumaines, alors que les cyborgs sont affiliés au pouvoir, et, essentiellement, utilisent leur argent pour devenir meilleurs que des humains ordinaires. Là encore, je procède à un bouturage de vieux concepts personnels sur le tronc de Star Wars pour produire un hybride distinct de l’un comme de l’autre. Je suis jardinier à ma manière.

On constatera qu’avec ce genre d’éléments de décor, on prend quelques distances avec Star Wars. C’est délibéré, puisque je ne souhaite pas procéder à une simple décalque. J’ajouterais que l’univers du roman se distingue de celui de George Lucas par deux autres aspects déterminants, qui ne viennent pas de Kocmoc : d’abord, ça ne se passe pas « Il y a bien longtemps », ni « Dans une galaxie lointaine, très lointaine », mais dans l’avenir, dans notre Voie Lactée, et qu’il y a donc dans cet univers des traces distinctes de notre civilisation : des chiens, des vaches, de la pop culture. Ensuite, il n’y a aucune civilisation extraterrestre, et donc les seules créatures qui sont physiquement différentes de l’humain de base sont des mutants. Ces deux parti-pris à eux seuls aboutissent à une tonalité assez radicalement différente des films qui me servent de point de départ. En plus, c’est du western spaghetti, mais ça on va y revenir une autre fois. 

Projet Sergio 3 : Lointaine, très lointaine

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Dans le carnet de notes de mon principal projet romanesque en cours, je pense qu’il est intéressant de préciser mon intention de départ. Du point de vue esthétique, mon pitch, c’est « une version western spaghetti de Star Wars ». Je reviendrai dans un prochain billet sur la notion de « western spaghetti », et quel rôle elle joue dans l’histoire et mon approche de l’écriture, mais aujourd’hui, c’est plutôt la partie « Star Wars » de l’équation sur laquelle j’aimerais m’attarder. Pourquoi diable me suis-je lancé dans un pastiche de la saga de George Lucas ?

Si je devais définir « Star Wars », je dirais qu’il s’agit d’une série de récits à la tonalité pulp, qui empruntent des éléments à des genres aussi différents que le space opera à la Flash Gordon, le western, le récit de guerre, le chanbara, les Muppets, avec un peu de fantasy, des emprunts à différents auteurs comme Frank Herbert et Edgar Rice Burroughs et une pincée de Joseph Campbell pour relever la sauce. Bref, il s’agit d’une grande soupe, un vaste mélange d’éléments qui, à la base, ne sont pas conçus pour aller ensemble. C’est une grande oeuvre de littérature postmoderne, pas au sens où on l’entend généralement, mais par le fait qu’elle arrache des bribes de sens de leur contexte original pour en faire un collage et recréer des liens différents, comme si l’histoire de la littérature n’existait pas ou qu’il n’était pas nécessaire d’y trouver sa place. Bref, c’est ce qu’on appelle du syncrétisme, soit une combinaison d’éléments disparates qu’on n’a pas l’habitude d’associer et qui se conjuguent pour créer un nouvel ensemble.

C’est quelque chose qui m’attire depuis que je suis un tout petit garçon. Mon éveil à la fiction s’est joué en grande partie à lire des bandes dessinées de super-héros, ces fables où un détective, un martien, une amazone, un dieu et un type qui est super fort en tir à l’arc décident de collaborer pour combatre le crime, un point de départ insensé pour n’importe quelle histoire, mais qui est capable de catapulter une intrigue dans les directions les plus inattendues. Star Wars, c’est un peu pareil. En tant que lecteur, il m’est arrivé assez souvent de me dire que je serais intéressé à lire du Star Wars qui n’est pas vraiment du Star Wars, mais ça n’est pas si fréquent que ça. Les récits de space opera sont souvent très sérieux, la fantasy, en quête de cohérence, ne s’autorise que rarement des emprunts tous azimuts, et de manière générale, les récits d’aventure sont aujourd’hui devenus rares dans les rayons des librairies.

Alors on me rétorquera deux choses : premièrement, si je suis intéressé par les mélanges, pourquoi vouloir pasticher Star Wars plutôt que de concocter mon propre mélange, à base, par exemple, de fantasy, de new weird, de steampunk, de réalisme magique et de bande dessinée psychédélique ? Et bien ça, je l’ai fait, justement, et ça s’appelle la série du « Monde Hurlant ». Deuxième objection : pourquoi ne pas simplement pondre de la fanfiction, située dans l’univers de Star Wars ? Parce que ça m’ennuie, que si je souhaite reproduire une ambiance générale, je ne veux pas me liers les mains et que je préfère multiplier les petites inventions que les recherches fastidieuses.

Au final, même si l’ambition artistique de ce projet ne dépasse pas l’envie de divertir, j’ai la conviction que les ingrédiens que je rajoute au plat vont lui donner une saveur singulière. J’y reviendrai prochainement.