Projet Berlin : La signature

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Ces dernières semaines, j’ai publié ici pas mal de billets sur mon projet en cours d’écriture, surnommé « Sergio« , mais encore rien sur le projet précédent, que nous surnommerons « Berlin » parce que l’action du récit s’y situe.

L’écriture du roman a déjà été bouclée une fois, soumise à des bêta-lecteurs qui m’ont beaucoup aidé, puis je l’ai remanié, bénéficié de la curiosité d’une maison d’édition qui m’a prodigué des notes qui ont également contribué à améliorer significativement le texte, et à présent, le contrat est signé et je suis en attente de notes de lectures supplémentaires afin de bosser à ce qui devrait être l’ultime version du manuscrit. Forcément, pendant que je m’y attelerai, « Sergio » sera entre parenthèses, mais ce texte-là n’est attendu par personne et ne dépend d’aucun délai, il peut donc patienter indéfiniment.

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« Berlin » est un roman contemporain d’horreur architecturale. Je suppose qu’on pourrait aussi le classer sous la catégorie « urban fantasy », encore que ses mécanismes entrent plutôt dans le champ de la science-fiction. Il doit en principe sortir cette année, je me réjouis de vous en parler (même s’il traverse actuellement la phase de son développement où l’on se montre d’ordinaire le plus discret).

Détournement de genre

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Après avoir ausculté les genres littéraires un peu sous tous les angles, dans cet article, je vous propose de les triturer, de les modifier, de les repenser, et de se poser cette question : et si le concept de genres était un incubateur à idées ?

La réponse est « oui », hein, ça peut être un incubateur à idées. Vous pensez bien, sinon, que je ne vous ferais pas perdre votre temps.

Pour vous en rendre compte par vous-mêmes, je vous propose quelques approches, quelques petits exercices créatifs ludiques à faire chez vous.

D’abord, l’interpolation. On l’a évoqué dans un récent billet, il est possible de croiser deux genres, d’en bouturer un sur les branches de l’autre, par exemple en adoptant la substance d’un premier genre avec la surface d’un second. Dans ce domaine, il n’est pas très difficile d’accoucher de concepts inédits en prenant un petit peu de ci, en ajoutant un petit peu de ça et en saupoudrant le tout d’une pincée de quelque chose d’autre. Comme souvent avec de l’écriture, c’est de la cuisine.

Il n’y a pas de limites. Oui, vous pouvez raconter une histoire de cape et d’épée avec des fantômes ; bien sûr, rien ne s’oppose à mettre en scène des vampires à l’âge de la pierre ; ça va de soi, vous pouvez croiser le drame hospitalier avec la fresque médiévale ; et pourquoi pas une comédie autobiographique ? C’est tout bête, vous cherchez à rendre votre récit singulier en défrichant des territoires peu explorés par les romanciers avant vous.

En littérature, l’originalité ne vaut pas grand-chose

Mais en littérature, l’originalité ne vaut pas grand-chose si on n’a que ça à offrir aux lecteurs. C’est pourquoi il existe d’autres approches sans doute plus intéressantes, qui interrogent l’idée même de genre et qui les aident à sortir des ornières qui peuvent se présenter, soit à cause de l’usure des vieilles ficelles, soit en fonction de l’évolution des sensibilités.

Ainsi, il est possible de revisiter un genre et de le mettre à jour, en quelque sorte, en tenant compte du monde dans lequel nous vivons et des dernières tendances dans le monde de la fiction. Ce n’est pas une impulsion nouvelle, d’ailleurs. Dans les années 1970, des cinéastes italiens, puis américains, ont revu et corrigé le western, troquant les héros d’autrefois contre des individus sinistres, piégés dans un monde crépusculaire fait de violence et de cynisme. C’était toujours du western, mais revu et corrigé.

Forcément, cette approche fonctionne mieux avec des genres qui ont été un peu laissés de côté, qui évoquent une époque lointaine ou qui sont tellement retranchés dans des motifs issus d’une longue tradition qu’ils pourraient profiter d’un peu de fraicheur. Donc allez-y, sentez-vous libres de vous approprier la sword and sorcery, le roman de boxeurs (oui, ça a existé et c’était même assez populaire il y a un siècle), les histoires d’aviateurs ou de mondes perdus pour les faire entrer dans le 21e siècle.

Rien n’empêche d’aller un peu plus loin. Plutôt que se contenter de dépoussiérer un genre, et si on le déconstruisait ? La démarche n’est pas si différente, mais elle suppose une posture critique. En deux mots, on cherche ce qui cloche dans les présupposés d’un genre, et on écrit un roman à charge, ou en tout cas à message, pour tenter de corriger le tir.

Si la thèse est tout ce qui vous intéresse, écrivez une thèse

La place des personnages féminins dans le western consiste à incarner un nombre limité de clichés et à exister en marge de protagonistes masculins : un roman déconstruit pourrait tenter de raconter ce type d’histoire à partir de leur perspective, en réglant son compte au sexisme de l’époque. On pourrait réserver le même traitement aux récits d’explorateurs, en le détournant pour en faire le procès de la pensée colonialiste. Et pourquoi on ne profitait pas, le temps d’un roman, de faire le procès de la violence gratuite dans les sagas de fantasy, où, d’ordinaire, on règle les problèmes au fil de l’épée sans que personne ne s’en émeuve.

Attention tout de même : si la thèse est tout ce qui vous intéresse, écrivez une thèse. Même déconstruit, un roman doit rester un roman, et en adoptant un ton trop démonstratif, vous risquez de fatiguer le lecteur.

Autre idée : et si on inventait un nouveau genre ? Bien sûr, la proposition est absurde, parce qu’un roman à lui-seul ne va jamais constituer un genre à proprement parler. Mais après tout, quand William Gibson a écrit « Neuromancien », il a donné naissance au premier (et à l’époque, le seul) livre estampillé « cyberpunk. » Pourquoi ne pas vous laisser gagner par l’ivresse de l’ambition, et concevoir, dès le départ, votre nouvelle histoire comme la pierre fondatrice d’une nouvelle tendance de la littérature ? Peu importe, pour le moment, que d’autres que vous suivent le mouvement. On verra bien quelle place la postérité vous réserve.

Dans ce domaine, les territoires à conquérir sont nombreux, mais pas toujours faciles à entrevoir. Une possibilité consiste malgré tout à inverser les propositions de genres existants. C’est ainsi que d’autres que vous (raté, donc, sur ce coup), ont inventé la littérature pré-apocalyptique, située comme son nom l’indique en amont de la catastrophe décrite dans la littérature pré-apocalyptique. Mais imitez leur exemple : prenez l’urban fantasy, ce genre qui emprunte des codes du fantastique et de la fantasy pour les inscrire dans un cadre urbain contemporain, et changez de décor pour créer la rural fantasy. Oui, des vampires au milieu des vaches et des marguerites. Enfin bon, en l’occurrence, vous ne pouvez plus vraiment l’inventer puisque c’est moi qui ai eu l’idée. Mais à vous de jouer pour inventer un autre genre littéraire.

Un outil pour renouveler votre intrigue

Le détournement de genre, ça peut également fonctionner comme un outil pour renouveler votre intrigue. On ne se rend pas toujours compte à quel point certains genres sont associés à certains schémas narratifs, alors qu’il n’y a en réalité aucune raison que cette relation soit si étroite. La trame ultraclassique de la quête est omniprésente dans la fantasy, donc si vous vous lancez dans ce genre, interrogez-vous, et tentez pour une intrigue très différente : racontez une journée dans la vie d’un magicien, toute la vie d’un chevalier, ou, pourquoi pas, un procès ou une enquête de police. Et si votre prochain roman policier n’évoquait pas, pour une fois, les investigations autour d’un meurtre, mais le quotidien d’un détective forcé de jongler entre de multiples enquêtes qui ne mènent nulle part ? La romance, afin de s’affranchir du schéma attendu rencontre – sentiments – complications – amour, pourrait bénéficier d’une narration déstructurée, présentée dans le désordre.

Et ce qui est valable pour l’intrigue l’est tout autant pour les personnages. Réfléchissez au type de protagoniste que vous rencontrez habituellement dans certains types de romans, et tentez de prendre le contrepied, pour voir où cela peut vous emmener. Et si le personnage principal de votre roman policier était une petite fille ? Pourquoi pas une romance présentée du point de vue d’un personnage masculin, et destinée à un lectorat masculin ? Un thriller raconté de la perspective d’un chat ? Un roman d’aventure dont les protagonistes sont des personnes âgées ? Jetez elfes, nains et toutes les classes de personnage de D&D à la poubelle au moment de pondre votre roman de fantasy, et osez réinventer une nouvelle fois vos personnages de vampires, loin de l’imagerie romantique, pour les dépeindre comme des monstres d’épouvante.

Pour faire vivre les genres au-delà des clichés qu’ils transbahutent, il faut d’abord prendre conscience des motifs récurrents qui les constituent, puis avoir l’audace de les remplacer par des éléments différents.

Critique: Paradoxes 2 – Destins

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L’année 2147. Bruxelles vient de survivre à une guerre secrète entre loups-garous et vampires. Un inspecteur de police, Jared Thorpe, s’est retrouvé au cœur de ces événements et a au passage découvert certains secrets au sujet de sa propre nature qui le plongent dans une situation qui le dépasse. C’est là que d’autres clans de créatures surnaturelles entrent en scène, désireuses d’accélérer ou de prévenir la fin du monde.

Titre: Paradoxes, tome 2 – Destins.

Auteur: L.A. Braun

Éditeur: Auto-édition

Le parti-pris de la série, qui consiste à raconter une histoire qui emprunte les codes du film noir, mais avec des vampires, des loups-garous et d’autres créatures fabuleuses, et tout ça dans le futur, en Belgique, n’est sans doute pas pour tous les goûts. En ce qui me concerne pourtant, je suis très client de ce mélange. Il paraît improbable quand on le décrit de cette manière, mais en réalité il ne faut que quelques pages pour se plonger dans le bain et accepter que tout cela est la réalité de cet univers de fiction. C’est délicieux.

D’ailleurs l’univers s’est étoffé depuis le premier tome. Les créatures « classiques », auxquelles je faisais référence à l’instant, existent toujours, mais s’y sont ajoutés des clans plus exotiques dans la littérature de genre : des individus qui sont en réalité des dragons, ou encore des Atlantes, qui manigancent leurs plans en coulisses depuis des millénaires. C’est une des grandes réussites de ce deuxième volume, qui fait cohabiter au fil des pages des groupes antagonistes aux origines complexes et aux ambitions divergentes et en profite pour générer un suspense à multiples détentes. C’est un plat copieux, épicé, ce qui à mon avis vaut cent fois mieux que les soupes indigestes que certains auteurs cherchent à nous servir. L’idée de faire précéder le texte d’une nouvelle située dans le même univers est excellente.

L’univers secret que nous décrit l’autrice est bigarré et parfois baroque, ce qui crée un contraste avec la réalité terne du Bruxelles de l’avenir, qui lui sert de toile de fond. Dans Paradoxes, on croise de nombreux personnages hauts en couleur, qui tous, ont leur particularité, marquent la mémoire du lecteur et s’entrecroisent au sein de l’intrigue de toutes sortes de manière inattendue. L-A Braun a énormément de talent pour conjurer un bestiaire d’individus originaux.

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Au milieu de tout ça, cela dit, on a parfois tendance à perdre de vue le personnage principal, Jared Thorpe, ce détective plongé malgré lui au cœur d’une lutte entre divers clans surnaturels. Même si on en découvre un peu plus long sur son passé que dans le second tome, il ne trouve pas toujours sa place de protagoniste. J’étais enthousiasmé en découvrant au début du livre que Jared et un collègue policier allaient prendre en main l’enquête sur un personnage mort dans le tome précédent. Hélas, ce fil rouge qui aurait pu propulser l’intrigue est vite abandonné. À la place, Jared se fait ballotter au gré des rencontres, et ne joue jamais un rôle propulsif dans l’intrigue, se contentant de la subir. C’est bien sûr un motif courant dans le film noir, mais j’avoue que j’aurais apprécié que le personnage principal influence le déroulement des événements de manière un peu plus déterminante. Comme, en parallèle, les motivations des autres personnages sont parfois obscures, il y a des moments où le lecteur ne sait plus trop à quoi se raccrocher.

Le style de l’autrice est agréable, efficace, sobre en règle générale, il devient riche lorsque c’est nécessaire. Il a gagné en maturité depuis le premier volume et il est devenu un outil de haute précision qui lui permet de raconter de manière simple des scènes complexes.

En résumé, la saga « Paradoxes » se poursuit de manière enthousiasmante, en dépit de quelques imperfections mineures. Ce deuxième tome est une réussite, qui donne envie de découvrir le troisième et dernier volet de la saga.

Critique: Paradoxes, tome 1

Titre: Paradoxes, tome 1 – Nytayah.

Auteur: L.A. Braun

Éditeur: Auto-édition

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Premier tome de « Paradoxes », « Nytayah » est un roman aux multiples facettes, un roman-gigogne, qui, comme la plupart de ses personnages, mène des vies parallèles tout à fait différentes les unes des autres, tout en restant cohérent et prenant du début jusqu’à la fin.

C’est tout d’abord un roman noir dans la grande tradition, corsé et haletant, que n’auraient pas reniés Chester Himes ou Raymond Chandler. Toutes les figures du genre sont présentes: des flics mal dégrossis, grand brûlés de la vie, qui tentent de faire leur travail malgré des supérieurs peu coopératifs, des femmes fatales au lourd passé qui jouent un double jeu, des criminels durs à cuire, etc…

Seul regret: à épouser ainsi les formes d’un genre américain, on en oublie passagèrement que c’est bien à Bruxelles qu’a lieu l’action. Mais il s’agit d’un détail. L’intrigue policière représente l’ossature principale du récit, avec une trame bien charpentée et un suspense toujours présent.

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Nytayah est aussi un roman d’anticipation, situé quelque part à la lisière du cyberpunk, dans un avenir désenchanté et ravagé par des catastrophes. Il s’agit d’un élément utilisé astucieusement par l’auteure, qui profite que l’action se situe dans le futur pour introduire avec naturel les éléments les plus déconcertants. le décor du Bruxelles de l’avenir apporte également énormément d’atmosphère, le plus souvent sombre et déboussolée.

Et en plus de tout ça, le livre ajoute encore du surnaturel: vampires, loups-garous et autres, dont le conflit naissant a des parfums de jeux de rôle à la White Wolf, même si certains éléments et personnage emmènent l’imaginaire dans les chemins de traverse. le plus étonnant, c’est que tous ces aspects cohabitent dans le même roman et que cela semble parfaitement naturel, comme si ces genres différents étaient faits pour vivre ensemble.

A signaler également des personnages bien brossés, attachants ou répugnants, mais en tout cas immédiatement identifiables, des dialogues naturels et bien sentis, et un talent marqué de l’auteure pour les ambiances habilement décrites. Les descriptions sont fines et méticuleuses, parfois un peu chargées en adverbes au début du texte, mais toujours d’une grande justesse, parvenant à nous faire voir exactement ce que l’auteure a en tête.

Encore deux mots d’un aspect plaisant: même si Nytayah connaît des suites et laisse le destin de certains personnages en suspens (et aiguise notre curiosité), l’intrigue policière connaît un dénouement qui rend ce roman satisfaisant à lire pour lui-même, même si l’on n’a pas lu – ou pas encore lu – la suite.

Original, bien écrit, prenant – un roman chaudement recommandé.

Disculpeur: je suis édité auprès de la même maison d’édition que l’auteure.