Projet Sergio 5 : Pour une poignée de spaghettis

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Qu’on se le dise, si le projet Sergio s’appelle le projet Sergio, c’est en l’honneur de Sergio Leone. Oui, mon roman en cours d’écriture est avant toute chose un pastiche de Star Wars, dont je suppose que j’aurais pu l’appeler « projet George », pour George Lucas, mais premièrement, ça ne sonne pas aussi bien, et deuxièmement, c’est aussi une histoire où j’ai choisi délibérément d’adopter le ton et certaines des conventions de narration du western spaghetti.

Pour faire simple : il y a, dans les films originaux de Star Wars, un élément de western classique. La troquer contre une inspiration western spaghetti, c’est choisir un matériel qui est automatiquement compatible avec l’oeuvre, et qui a même quelques parentés avec le mouvement de renaissance cinématographique né dans les années 1970 aux Etats-Unis et dont fait partie George Lucas. Pendant que des jeunes loups dynamitaient le vieil Hollywood, en Italie, des réalisateurs atomisaient les mythes de l’Ouest américain en proposant des films iconoclastes, cyniques, drôle, et parfois très aboutis formellement. En deux mots : ajouter une inspiration de ce type à une base tirée de Star Wars, ça revient à prendre le chassis d’une voiture classique et y insérer un énorme moteur de hot rod. La combinaison peut être explosive.

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Quelle forme ça prend ? En quoi est-ce que ça influence le projet ? Cela touche à plusieurs aspects. Certains sont anecdotiques, comme un personnage qui porte un chapeau à large bord, des noms propres qui rendent hommage à des lieux ou des personnages emblématiques du cinéma de genre italien, ou des scènes de duel à l’arme blanche qui sont racontées comme des face-à-face de gunslingers du far west. L’intrigue est vaguement inspiré de « Mon nom est Personne », de Tonino Valerii. Mais pour l’essentiel, c’est le ton et les thèmes du roman qui portent l’empreinte du western spaghetti.

Je vous reproduis ci-dessous une liste incomplète de règles et d’idées que j’ai établie pendant la préparation du roman, afin de définir en quoi ce bouquin allait s’inscrire dans cette tradition :

  • La philosophie de la violence : toute relation humaine est une forme de violence.
  • Il n’y a pas d’espoir, ou plutôt, il n’y en a plus: l’espoir était possible dans le passé, mais plus aujourd’hui.
  • Aucune chance que la vie, le monde ou les gens ne s’améliorent ou ne changent.
  • Face à cette perspective, quatre attitudes possibles : la cruauté, le cynisme, l’amertume, l’absurde.
  • Les personnages sont pragmatiques, même quand des considérations morales leur viennent à l’esprit, ils n’agissent pas en fonction de valeurs, mais en fonction de leurs besoins.
  • Soit on n’a pas de scrupules, soit on les enterre.
  • Si la vie n’est plus possible, essayer de survivre.
  • Une personne violente est un criminel, 100 sont un gang, 100’000 façonnent une nouvelle moralité.
  • Tout cela a une dimension grand-guignolesque qui n’exclut pas l’humour.
  • Dilatation du temps lors des scènes de tension.
  • Méchants physiquement grotesques.

Projet Sergio 4 : Un nouvel espoir

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Je continue à parler de mon projet actuel, Star Wars en mode western spaghetti, surnommé « Projet Sergio », et la dernière fois, j’ai expliqué pour quelle raison j’ai été tenté d’écrire un pastiche de Star Wars. Cette fois-ci, j’aimerais expliquer en quelques mots que si mon ambition est d’évoquer le ton, le mélange des genres et l’aspect visuel de la saga de George Lucas, je cherche également à m’en démarquer, pas uniquement pour éviter le procès (je suis invisible aux yeux de Lucasfilm, de toute manière, et je n’emprunte rien que Star Wars n’a pas lui-même emprunté à des sources bien plus anciennes), mais surtout pour conférer une tonalité un peu plus personnelle au résultat final. À quoi bon réinventer ce que les autrices et auteurs de fanfiction font déjà très bien ?

Pour me faciliter la tâche, je suis allé puiser dans une oeuvre à moi, ancienne et méconnue. Quand j’étais adolescent et jeune adulte, j’ai écrit et animé pendant des années un jeu de rôle de space opera baptisé « Kocmoc », qui a connu de nombreuses moutures. Il racontait l’exploration de l’espace par les Soviétiques au 24e siècle. J’ai récemment écrit une nouvelle version, pour mon système META, où je débarrassais l’univers de toutes ses fioritures afin d’en faire un jeu rétrofuturiste et un peu sarcastique, très concentré sur son thème central.

Mais à l’époque, Kocmoc, c’était un jeu bien plus large, avec d’innombrables espèces extraterrestres, mais aussi des cyborgs, des mutants, des moines combattants de l’espace qui s’appellent les Accomplis, etc… Tout ce que j’ai retiré du jeu, j’ai décidé de m’en servir comme source d’inspiration pour donner du corps à mon nouveau roman. Essentiellement, dès que je me pose une question sur la manière de nommer un objet, sur une technologie, etc… je me souviens de ce que j’ai créé à l’époque, si ça me convient, je garde, si ça convient à moitié, je prends ça comme base et si ça ne fait pas l’affaire, j’invente autre chose.

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Cela dit, il ne s’agit pas d’adapter un univers créé dans un autre contexte, à une époque où j’étais une personne différente. Il s’agit juste d’épicer un nouvel univers pour lui donner du relief. Par exemple, dans « Sergio », j’ai mis des Accomplis, qui jouent un peu le rôle des Jedi, mais qui ne ressemblent ni vraiment aux Jedi, parce qu’ils n’ont ni les mêmes pouvoirs, ni de Force, ni de sabres laser, et ils ne ressemblent pas non plus aux Accomplis de mon jeu de rôle l’époque, qui se battaient à mains nues en débloquant le pouvoir de leurs chakras. En réalité, je n’ai gardé que le nom.

Selon le même principe, il y a des cyborgs et des mutants, comme dans Kocmoc, mais dans mon roman je m’en sers pour explorer une dichotomie : les mutants sont des marginaux, des individus qui se situent tout en bas de l’échelle sociale, et qui acceptent d’abandonner une partie de leur humanité pour gagner des capacités surhumaines, alors que les cyborgs sont affiliés au pouvoir, et, essentiellement, utilisent leur argent pour devenir meilleurs que des humains ordinaires. Là encore, je procède à un bouturage de vieux concepts personnels sur le tronc de Star Wars pour produire un hybride distinct de l’un comme de l’autre. Je suis jardinier à ma manière.

On constatera qu’avec ce genre d’éléments de décor, on prend quelques distances avec Star Wars. C’est délibéré, puisque je ne souhaite pas procéder à une simple décalque. J’ajouterais que l’univers du roman se distingue de celui de George Lucas par deux autres aspects déterminants, qui ne viennent pas de Kocmoc : d’abord, ça ne se passe pas « Il y a bien longtemps », ni « Dans une galaxie lointaine, très lointaine », mais dans l’avenir, dans notre Voie Lactée, et qu’il y a donc dans cet univers des traces distinctes de notre civilisation : des chiens, des vaches, de la pop culture. Ensuite, il n’y a aucune civilisation extraterrestre, et donc les seules créatures qui sont physiquement différentes de l’humain de base sont des mutants. Ces deux parti-pris à eux seuls aboutissent à une tonalité assez radicalement différente des films qui me servent de point de départ. En plus, c’est du western spaghetti, mais ça on va y revenir une autre fois. 

Projet Sergio 3 : Lointaine, très lointaine

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Dans le carnet de notes de mon principal projet romanesque en cours, je pense qu’il est intéressant de préciser mon intention de départ. Du point de vue esthétique, mon pitch, c’est « une version western spaghetti de Star Wars ». Je reviendrai dans un prochain billet sur la notion de « western spaghetti », et quel rôle elle joue dans l’histoire et mon approche de l’écriture, mais aujourd’hui, c’est plutôt la partie « Star Wars » de l’équation sur laquelle j’aimerais m’attarder. Pourquoi diable me suis-je lancé dans un pastiche de la saga de George Lucas ?

Si je devais définir « Star Wars », je dirais qu’il s’agit d’une série de récits à la tonalité pulp, qui empruntent des éléments à des genres aussi différents que le space opera à la Flash Gordon, le western, le récit de guerre, le chanbara, les Muppets, avec un peu de fantasy, des emprunts à différents auteurs comme Frank Herbert et Edgar Rice Burroughs et une pincée de Joseph Campbell pour relever la sauce. Bref, il s’agit d’une grande soupe, un vaste mélange d’éléments qui, à la base, ne sont pas conçus pour aller ensemble. C’est une grande oeuvre de littérature postmoderne, pas au sens où on l’entend généralement, mais par le fait qu’elle arrache des bribes de sens de leur contexte original pour en faire un collage et recréer des liens différents, comme si l’histoire de la littérature n’existait pas ou qu’il n’était pas nécessaire d’y trouver sa place. Bref, c’est ce qu’on appelle du syncrétisme, soit une combinaison d’éléments disparates qu’on n’a pas l’habitude d’associer et qui se conjuguent pour créer un nouvel ensemble.

C’est quelque chose qui m’attire depuis que je suis un tout petit garçon. Mon éveil à la fiction s’est joué en grande partie à lire des bandes dessinées de super-héros, ces fables où un détective, un martien, une amazone, un dieu et un type qui est super fort en tir à l’arc décident de collaborer pour combatre le crime, un point de départ insensé pour n’importe quelle histoire, mais qui est capable de catapulter une intrigue dans les directions les plus inattendues. Star Wars, c’est un peu pareil. En tant que lecteur, il m’est arrivé assez souvent de me dire que je serais intéressé à lire du Star Wars qui n’est pas vraiment du Star Wars, mais ça n’est pas si fréquent que ça. Les récits de space opera sont souvent très sérieux, la fantasy, en quête de cohérence, ne s’autorise que rarement des emprunts tous azimuts, et de manière générale, les récits d’aventure sont aujourd’hui devenus rares dans les rayons des librairies.

Alors on me rétorquera deux choses : premièrement, si je suis intéressé par les mélanges, pourquoi vouloir pasticher Star Wars plutôt que de concocter mon propre mélange, à base, par exemple, de fantasy, de new weird, de steampunk, de réalisme magique et de bande dessinée psychédélique ? Et bien ça, je l’ai fait, justement, et ça s’appelle la série du « Monde Hurlant ». Deuxième objection : pourquoi ne pas simplement pondre de la fanfiction, située dans l’univers de Star Wars ? Parce que ça m’ennuie, que si je souhaite reproduire une ambiance générale, je ne veux pas me liers les mains et que je préfère multiplier les petites inventions que les recherches fastidieuses.

Au final, même si l’ambition artistique de ce projet ne dépasse pas l’envie de divertir, j’ai la conviction que les ingrédiens que je rajoute au plat vont lui donner une saveur singulière. J’y reviendrai prochainement.

Projet Sergio : origines

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Une nouveauté sur ce site : j’ai l’intention de vous tenir au courant de l’avancée de mes différents projets d’écriture, sous la forme de billets courts à parution irrégulière. Je pense que ce genre d’information peut être d’intérêt général, mais en plus, cela devrait former, à terme, une chronique de l’évolution de ces projets et une sorte de carnet de notes à usage interne. N’hésitez pas, naturellement, à me poser toutes les questions que vous souhaitez.

Ce qui me donne envie de me lancer là-dedans, c’est que je viens d’entamer la rédaction d’un roman, il y a environ une semaine. J’ai achevé il y a quelques semaines la cinquième mouture d’un bouquin d’urban fantasy/horreur (ci-après surnommé « Projet Berlin »), confié aux bons soins d’une maison d’édition, dans l’attente, peut-être, d’une sixième version. Comme je le fais d’habitude, avant d’entamer quelque chose de nouveau, j’ai joué aux jeux vidéo pendant un moment, mais j’ai fini par m’impatienter. Mon intention était d’entamer le travail de construction narrative de mon troisième roman du Monde Hurlant (que nous appelerons « Projet Crèvecorps »), mais j’ai bien senti que je n’étais pas mûr et l’ampleur de la tâche m’a rebuté. Comme j’avais malgré tout envie d’écrire, je suis allé dans mes notes afin de dénicher une des trames de romans laissée en plan. Cela paraissait beaucoup plus facile, donc j’ai jugé que c’était idéal : un roman sur lequel je pouvais travailler sans trop de casser la tête, dont je pouvais interrompre la rédaction au besoin sans risquer de m’y perdre, et qui me donnait du temps pour continuer à élaborer en parallèle le Projet Crèvecorps. En plus, la tonalité de cette idée m’a plu, moi qui sort de la rédaction de deux nouvelles dans le registre pulp.

C’est donc le Projet Sergio. Il a un autre titre, mais je vais y faire référence de cette manière pour le moment. Pourquoi « Sergio »? Parce qu’il s’agit d’un roman de space opera un peu idiot, un pastiche qui rend hommage à George Lucas mais aussi au western spaghetti et à Sergio Leone en particulier. Je vous en dirai plus à ce sujet ces prochaines semaines.

Le blurb

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En 1907, un humoriste américain nommé Gelett Burgess a signé une illustration sur la couverture d’un petit livre, représentant une jeune femme identifiée comme « Mademoiselle Belinda Blurb, en plein blurbage », surmontée par le titre « Oui, ceci est un blurb ! », et accompagné d’un bref résumé du contenu du bouquin.

Par un caprice de l’évolution du langage, ce qui n’était conçu que comme un gag absurde a accidentellement introduit un nouveau mot dans la langue anglaise, toujours si accueillante vis-à-vis des néologismes. Désormais, le mot blurb y désigne un texte de quatrième de couverture.

Comme je l’ai dit récemment sur ce site en évoquant le pitch, utiliser des anglicismes ne fait pas partie de mes habitudes. Je préfère généralement utiliser une traduction, quitte à l’inventer moi-même. Mais le mot « blurb » est amusant à lire et à dire, et il est encore plus rigolo quand on l’associe au mot « pitch ». Je n’y peux rien, je suis faible. Mais ne vous privez pas d’utiliser plutôt le terme correct, qui est tout simplement un « quatrième de couverture ».

Un blurb, c’est quoi ? C’est tout simplement un texte destiné à résumer un livre. Mais contrairement au synopsis, il s’agit d’un condensé beaucoup plus court et même lacunaire, comme on va s’en apercevoir. Et il n’a qu’une seule raison d’être, c’est de provoquer l’acte d’achat de la lectrice ou du lecteur potentiel qui tient le livre dans ses mains.

L’expression « quatrième de couverture » n’est pas très adaptée

Ici, je parle de livres en papier, déniché dans une librairie ou un salon, mais le blurb est également utilisé dans les plateformes de vente en ligne ou dans les sites d’évaluation de lectures comme Goodreads ou Babelio. Généralement, il s’agit exactement du même texte, qui fait donc double emploi. Ce qui, au passage, constitue une raison de plus d’utiliser le mot « blurb », parce que pour décrire un insert promotionnel aperçu sur un site web, l’expression « quatrième de couverture » n’est pas très adaptée, vous en conviendrez.

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Pour être réussi, un blurb doit être court, informatif et incitatif. Je vous propose de nous attarder sur chacun de ces aspects.

Pour commencer, bien sûr qu’il doit être court. Après tout, vous lisez un article d’une série consacrée aux différentes formes de résumés littéraires, donc forcément qu’à un moment ou à un autre, je vais vous suggérer de faire court. Cela dit, il y a plusieurs manières de s’y prendre. En l’occurrence, le blurb est un résumé de votre livre qui est plus long qu’un pitch ou qu’un concept, mais plus court qu’un synopsis. Il contient davantage d’informations que les premiers, mais moins que le dernier. Certaines informations ne doivent pas y figurer, comme par exemple la fin, ou tout coup de théâtre ou retournement de situation qui constitue une surprise pour le lecteur, à moins que cette surprise intervienne tout au début du récit et soit indispensable à la compréhension de l’intrigue. En règle générale, dites-vous que si un élément n’est pas indispensable à votre blurb, c’est qu’il est superflu.

Certains mensonges par omission sont possibles

Un blurb doit aussi être informatif. Après tout, il doit permettre au lecteur de choisir rapidement et en toute connaissance de cause s’il souhaite ou non acheter un roman. Oui, l’auteur va souhaiter que ce texte soit aussi séduisant que possible, mais il doit s’interdire toute forme de mensonge dans le but d’y arriver.

OK, ce n’est pas tout à fait vrai. Certains mensonges par omission sont possibles et probablement judicieux. Le simple fait de ne pas mentionner certains éléments-clés de votre histoire constitue, après tout, une forme de dissimulation. Donc ça, ne vous gênez pas de le faire.

Par contre, votre quatrième de couverture doit être absolument transparent en ce qui concerne le genre dans lequel s’inscrit l’histoire, le type de protagoniste, et se montrer fidèle au ton général du roman. Il s’agit ici d’honorer le contrat auteur-lecteurs, un principe moral selon lequel celui qui souhaite vendre un livre joue carte sur table avec le public, afin de lui permettre de se forger une première opinion. Pas question par exemple de vendre un thriller comme une romance, dans le but de racoler des lecteurs friands d’histoires d’amour. Ce genre de tromperie est un mauvais tour à jouer aux lecteurs, qui s’abstiendront ensuite de lire les romans d’un auteur qui les a trompés sur la marchandise.

Il existe de nombreuses manières de structurer un blurb, mais pour vous donner un point de repère, une structure simple et pratique à utiliser, essayez d’y intégrer obligatoirement les éléments ci-dessous. D’abord, proposez une introduction du personnage principal (ou des personnages principaux, s’ils ne sont pas trop nombreux).

Eroll Pulsar est le dernier survivant du peuple saint des Caïmans Rouges qui régnait autrefois sur l’Amas de Deneb.

Ensuite, évoquez les racines du conflit central, ou de la tension qui sert d’amorce à l’intrigue.

Sous les ordres de son rival, le Contre-Empereur Heinrik Zero, il est emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis et jeté dans une cellule d’Alphatraz, la prison située au cœur d’une supernova.

Enchaînez en évoquant les enjeux liés à ce conflit, enjeux externes pour commencer, mais il n’est pas exclu de mentionner aussi les enjeux internes s’ils sont pertinents.

Parviendra-t-il à s’évader à temps pour empêcher le despote de s’emparer de la Nef d’Antimatière, qui lui donnera le pouvoir de régner sans partage sur la galaxie ? Arrivera-t-il à découvrir ce qui est advenu de ses semblables, et à vaincre la culpabilité qui le tenaille ?

Enfin, expliquez au lecteur pourquoi ce livre est pour eux, pour quelle raison il est impensable qu’ils passent à côté :

Croisement entre Star Wars et les épopées de l’Antiquité, « Les Étoiles cruelles » est une fresque baroque et décadente qui déconstruit les codes du genre et les réinvente pour le 21e siècle.

Comme je l’ai dit, tout cela doit être incitatif, c’est-à-dire que ce petit texte, à lui seul, doit inspirer une envie irrésistible d’acheter le livre. On a incorporé cette dimension dans la dernière partie, mentionnée ci-dessous, mais elle doit être présente dans tout le texte. La première phrase de votre quatrième de couverture est à ce titre particulièrement importante, puisque c’est elle qui va déterminer si le lecteur potentiel poursuit ou non la lecture de votre résumé. Cette première phrase, soignez-la, rendez la passionnante, frappante, marrante, mémorable, débrouillez-vous comme vous voulez, mais elle mérite une attention particulière.

Une vengeance d’une telle intensité qu’elle pourrait déchirer la galaxie…

Si on met tout ça ensemble, ça donne ceci :

Une vengeance d’une telle intensité qu’elle pourrait déchirer la galaxie…

Eroll Pulsar est le dernier survivant du peuple saint des Caïmans Rouges qui régnait autrefois sur l’Amas de Deneb. Sous les ordres de son rival, le Contre-Empereur Heinrik Zero, il est emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis et jeté dans une cellule d’Alphatraz, la prison située au cœur d’une supernova.

Parviendra-t-il à s’évader à temps pour empêcher le despote de s’emparer de la Nef d’Antimatière, qui lui donnera le pouvoir de régner sans partage sur la galaxie ? Arrivera-t-il à découvrir ce qui est advenu de ses semblables, et à vaincre la culpabilité qui le tenaille ?

Croisement entre Star Wars et les épopées de l’Antiquité, « Les Étoiles cruelles » est une fresque baroque et décadente qui déconstruit les codes du genre et les réinvente pour le 21e siècle.

Ça vous donne envie de lire ce livre (qui n’existe pas), vous ? Peut-être pas. Peut-être que la space opera grandiloquente, ça n’est pas votre truc. Mais justement : le but du blurb n’est pas de plaire à tous les lecteurs. Il s’agit d’informer des gens qui existent déjà et qui, sans le savoir, seraient ravis de lire exactement ce genre de bouquin, que celui-ci existe, et que oui, il correspond à ce qu’ils ont toujours rêvé de lire. C’est un missile à tête chercheuse, dont la cible est un type de lectorat très spécifique : le vôtre.

Notez qu’ici, je vous ai présenté une architecture typique pour un blurb, mais que rien ne vous oblige à incorporer ces éléments dans cet ordre. Par exemple, rien ne vous interdit d’entamer la présentation par les enjeux :

Le commissaire Fouchard va-t-il se relever du scandale qui le frappe ?

Ou par un argumentaire :

Le conte du Vilain petit canard devient une romance lesbienne !

Et puis un blurb, ça a du style. Mais pas nécessairement celui que j’adopte depuis le début de cet article, celui de l’aboyeur public, ou du publicitaire sans scrupules, même si cette approche n’est pas inefficace. Une bonne manière de procéder consiste à tenter de coller aux partis-pris de votre roman, qu’ils soient esthétiques ou narratifs. Ainsi, si votre histoire est rédigée à la première personne, pourquoi ne pas faire de même en ce qui concerne le blurb, afin qu’il reflète immédiatement le ton qui va accompagner le lecteur ? Et si votre texte est marrant, émoustillant ou terrifiant, débrouillez-vous pour que le résumé le soit aussi, sans quoi vous risquez de manquer votre cible.

Pour finir, je mentionne encore le pari qui consiste à jeter tout ce que je viens de vous dire à la poubelle, pour partir dans une direction complètement différente. Certains auteurs, par exemple, choisissent, en guise de blurb, de reproduire en quatrième de couverture un extrait du roman particulièrement saisissant. D’autres y voient l’occasion de laisser parler d’autres voix et de citer des critiques. Il y a également l’option, rare mais précieuse, de proposer un texte complémentaire, qui évoque le ton du roman, sans nécessairement en faire partie ou évoquer son contenu. Je me permets ainsi, en guise d’illustration, de vous proposer l’intégralité du blurb du deuxième tome de « Fable », de Lucien Vuille, dont vous pouvez lire une critique ici. À noter que ce roman ne parle pas réellement de dragons. Pourtant, avouez que votre attention est titilléee…

« Jadis il y avait pléthore de ces reptiles géants amateurs d’or.

Aujourd’hui il ne reste plus guère

Qu’une petite dizaine de congénères

Dotés d’écailles de couleurs différentes.

Voici des indications, si la chasse vous tente :

Rouge comme le sang il somnole peut-être sous la Mare du Grand Flétan.

Bleu comme le ciel en été il se repose quelque part où je n’ai pas été.

Blanc comme un œuf frit mais sans le jaune,

Ceux qui le cherchaient dans la neige ont dit « j’abandonne. »

Vert comme un truc qui serait vert il dort sur un tas d’or dans la Cordillière.

Doré comme l’aiment les nains, il est apparu et avant que quiconque ne lui parle il a disparu.

Harmonieusement tacheté, il serait parti dans les Brumes

Si cela est vrai parlons de lui de manière posthume.

Mauve et orange il doit faire mal aux yeux, il a rejoint le Titan dans son repaire ténébreux.

Quant au huitième, le Dragoméléon, si on le voyait il n’aurait pas cette appellation. »

Vanelilily Le Roux, « Où trouver peut-être des dragons »