Décrire les odeurs

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Parmi les sens qui sont utilisés pour les descriptions littéraires, l’odorat est le grand oublié, échouant à une lamentable quatrième place. Certains auteurs ne le mentionnent jamais, oubliant jusqu’à son existence. Pourtant, les odeurs sont tout autour de nous, occupant l’espace, nous permettant même de nous orienter en nous renseignant sur leurs points d’origine, et nourrissant nos pensées d’émotions et de souvenirs qui, parfois, nous hantent sans même que nous prenions conscience de l’effet qu’elles ont sur nous.

Ne renoncez pas aux odeurs. Au contraire : utilisez-les dans vos romans, incorporez-les à vos descriptions, servez-vous en, pourquoi pas, pour définir vos personnages. Comme toujours dans notre série, les listes de mots et les quelques conseils ci-dessous devraient vous aider à vous lancer.

Verbes

Cocoter, cogner,  dégager, émaner, embaumer, emboucaner, empester, empoisonner, exhaler, flairer, flagorner, fleurer, humer, odorer, parfumer, pourrir, répandre, respirer, sentir, suer, suinter, transpirer

Noms

Air, arôme, bouquet, bouffée, courant, effluence, effluve, émanation, essence, exhalaison, fragrance, fumée, fumet, haleine, infection, nuage, odeur, parfum, pestilence, puanteur, relent, remugle, senteur, trace, vapeur

Adjectifs

Abominable, âcre, affreux, agréable, agressif, aigre, ambré, amer, animal, appétissant, aromatique, artificiel, aseptisé, bizarre, boisé, bon, brûlant, camphré, capiteux, caressant, céleste, charmant, clinique, complexe, coriace, délicat, désagréable, détestable, divin, doucereux, doux, écœurant, enivrant, entêtant, épicé, exquis, exotique, fade, faible, fauve, fétide, fin, fleuri, floral, fort, frais, fruité, fugace, gênant, gras, hoquetant, ignoble, indéfinissable, infect, insaisissable, insupportable, iodé, léger, lourd, maladif, malodorant, malsain, marin, matinal, mauvais, médical, métallique, moisi, musqué, naturel, nauséabond, nauséeux, pénétrant, pestilentiel, pimenté, piquant, plaisant, poivré, poussiéreux, printanier, primitif, puant, putride, rance, râpeux, rebutant, rémanent, repoussant, résineux, riche, sain, salé, sauvage, suave, subtil, sucré, succulent, suffocant, tenace, terreux, terrible, vague, végétal, vif, violent, vomitif

Prendre des notes

On fait peu attention aux odeurs. Si vous découvrez pour la première fois une petite crique ombragée, lors de vos vacances à la mer, vous allez en décrire spontanément les couleurs émeraude de l’eau et les contours escarpés des falaises à vos amis en revenant à la maison, mais il est peu probable que vous vous attardiez sur l’odeur iodée des lieux, et il est presque inenvisageable que ça soit ça que vous reteniez en premier. De nombreuses personnes sont peu sensibles aux odeurs et n’y font que rarement attention.

Pourtant, même si ça ne se situe pas sur le plan conscient, ces senteurs les affectent, parfois bien au-delà de ce qu’ils peuvent imaginer. Elles peuvent débloquer en eux des souvenirs enfouis, les attacher ou les repousser sans même qu’ils perçoivent ce qui se passe.

Ne soyez pas comme eux. En tant qu’auteur, faites l’effort de vous montrer attentif aux odeurs, tentez de les percevoir, de les identifier, de les décrire et de les cataloguer. Ce ne sera pas toujours facile, vous allez vite réaliser que vous allez manquer de vocabulaire pour les classifier aussi efficacement que vous le souhaiteriez, mais persévérez, parce qu’un écrivain qui sait incorporer l’odorat dans ses descriptions, qui le fait de manière à la fois naturelle et originale, offre à ses lecteurs une expérience empreinte de réalisme et de sensualité. Il serait dommage de passer à côté.

Le mot juste… s’il existe

L’odorat est sans doute le plus imprécis de nos sens. Le nez humain perçoit des odeurs, mais n’est pas efficace pour en analyser les composants. Il n’en a pas d’expérience objective, comme il peut en connaître pour la vue ou l’ouïe, il ne peut pas les diviser en « parties » que l’on peut considérer indépendamment. Contrairement aux sons dont on peut décrire le timbre, l’intensité et la hauteur tonale, contrairement à la vue que l’on peut décrire en termes de couleurs et de formes, il n’est pas possible de décrire, de représenter et de transmettre à autrui une odeur spécifique.

D’ailleurs le vocabulaire olfactif est extrêmement pauvre. Alors que, par exemple, nous reconnaissons les couleurs comme des données visuelles qui ont une existence objective, qui peut servir de référence universelle, quelle que soit la personne qui les perçoit (les daltoniens, c’est bon, vous pouvez baisser la main), ou quel que soit l’endroit où elles apparaissent, à quelques rares exceptions, les odeurs n’existent qu’en comparaison avec les substances qui les émettent. Ainsi, les fleurs ont une odeur florale, et le musc a une odeur musquée. Super.

Décrire une odeur est donc une gageure pour l’écrivain, mais il n’est pas seul dans ce cas : l’expérience de l’odorat n’est pas analytique, ou très peu. Elle est émotionnelle. Dans un roman, on passera donc, par manque de vocabulaire à disposition, assez peu de temps à décrire une odeur, mais on pourra s’attarder davantage sur les réactions qu’elle suscite chez celles et ceux qui y sont exposés.

Les odeurs du cœur

Comme l’odorat résiste à l’intellect, par défaut, il est venu le plus émotionnel de nos sens. On ne parvient pas à l’analyser, alors on se contente d’évoquer les sensations qu’il fait naître en nous. On ne le décrit pas en tant que tel, mais à travers ses effets, ses conséquences.

Chaque odeur est un voyage à travers notre monde intérieur, qui nous fait cheminer le long de plusieurs émotions distinctes et évoque des souvenirs, certains récents, d’autres anciens, d’autres encore enfouis si profondément que seule un effluve très spécifique est capable de les rappeler à la surface de notre conscience. L’odorat est un sens nostalgique, un sens qui nous fait voyager dans le temps et l’espace, même lorsqu’on ne parvient pas tout à fait à mettre le doigt sur l’origine de nos souvenirs.

En décrivant une odeur, un auteur sera donc bien avisé de prendre en compte cette dimension, et de nous faire comprendre à quel souvenir et à quelle gamme d’émotions un personnage relie un parfum spécifique.

13 réflexions sur “Décrire les odeurs

  1. La mémoire olfactive est la plus perenne (avec la mémoire gustative). Elle est immédiate et intimement liée aux émotions du passé, en effet. Il y a de nombreuses études scientifiques à ce sujet. Ce ne sont pas toujours les mêmes neurones qui sont stimulés, en fonction des sens qui sont sollicités… Là où ça devient vraiment intéressant, c’est que si vous trouvez le bon mot pour décrire une odeur, vous pouvez stimuler le cerveau de votre lecteur pour qu’il active à son tour la zone qui va le replonger dans ses souvenirs… Magnifique, non ?

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  6. Je viens de tomber sur votre article en recherchant justement ce sens et comment le décrire. Merci beaucoup pour votre opinion et les exemples de vocabulaires! Auriez-vous également des textes à recommander comme exemples? Peut-être des descriptions par des auteurs célèbres qui selon vous ont particulièrement bien exploité cet aspect dans leurs descriptions?

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  7. Bonjour Julien,

    Je suis en pleine rédaction de mon premier roman que j’ai situé au Moyen Âge. Je dois décrire les odeurs circulant dans la cour d’un château. Le hasard m’a conduite ici.

    Il est vrai que les odeurs, les parfums, nous accompagnent au quotidien. A moins qu’ils ne soient enivrant ou franchement dérangeants, nous n’y faisons pas très attention. Pour ma part, il y en a un que je ne sens que très rarement. L’arôme particulier du café que mon père buvait lorsque j’avais trois ou quatre ans. Nous étions au Sénégal. Depuis notre retour et cela fait un sacré bail ( je fêterai le mois prochain mes 75 ans) je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où je l’ai senti. Lorsque cela arrive, pendant une fraction de seconde, je ne suis plus là, mais de nouveau là-bas! Cette odeur est comme une machine à remonter le temps.

    Il y a beaucoup d’odeurs et de parfums qui me font voyager. Mais pas comme celui-là! Cet arôme de café me prend et me ramène en arrière instantanément! L’effet est extraordinaire et unique! j’ignore quel était le café que mon père dégustait à son petit-déjeuner. Je n’ai jamais pensé à lui demander.

    Merci pour cete page que j’ai beaucoup appréciée

    🙂

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    • Toutes mes excuses Martine, j’avais rédigé une réponse mais je découvre qu’elle a dû être avalée par le système. C’est d’autant plus regrettable que ce commentaire et la sensibilité qu’il transporte m’a beaucoup touché et qu’il méritait d’être honoré. J’aurais peut-être dû – sans doute le pourrais-je encore – rappeler que nos sens peuvent constituer un très bon point de départ pour une histoire, comme cette réponse le montre si bien. On pourrait en tirer une magnifique nouvelle

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  8. Bonjour Julien,

    Merci pour votre réponse.

    Le début d’une nouvelle, Pourquoi pas! 🙂 Déjà, il m’a inspiré un poème.

    Mais, pour le moment, je me concentre sur mon livre. Le mot FIN a été posé. A présent, je reprends tout depuis le début pour gommer dans les dialogues ( et ces derniers sont nombreux) tous les mots et expressions trop modernes pour des bouches médiévales. Et je commence à réfléchir à la réalisations de quelques illustrations au fusain ou à l’encre de Chine. L’aventure est passionnante.

    je reviendrai rafraîchir ma mémoire en lisant votre article qui est vraiment d’une grande richesse.

    Au plaisir

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