Éléments de décor: la mode

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Comment se présente-t-on au monde ? La question de savoir quels vêtements les personnages d’un roman portent, à quoi ressemblent leurs cheveux, leurs ongles, leurs chaussures, leurs bijoux, leurs tatouages, leurs accessoires, peut sembler futile, mais pourtant elle agit comme un révélateur des réalités les plus diverses. Un romancier habile peut s’appuyer sur ces éléments esthétiques pour braquer les projecteurs sur l’un ou l’autre aspect de son univers de fiction et en proposer une illustration.

On s’habille d’abord pour des raisons pratiques : notre espèce n’est pas naturellement bien protégée contre le froid et les autres tourments de la nature, porter des vêtements est donc une nécessité. Il en va de même pour tous les autres éléments que j’inclus ici dans ce grand ensemble que j’appelle « la mode » : on soigne ses ongles et ses cheveux pour des raisons élémentaires d’hygiène, on porte des chaussures pour pouvoir se déplacer plus rapidement et confortablement sur un terrain difficile, etc…

Mais comme les vêtements nous accompagnent tout au long de notre vie, ils sont rapidement devenus autre chose : un vecteur d’expression, qui peut signifier toutes sortes de choses différentes. Une des premières manières d’utiliser l’apparence pour communiquer quelque chose a sans doute eu trait au statut : ceux qui ont les moyens portent de beaux habits, ceux qui n’ont pas grand-chose se vêtissent comme ils le peuvent. La mode devient donc un marqueur de classe.

La mode, c’est aussi une donnée ethnique. On s’habille, on se coiffe d’une certaine manière pour montrer que l’on s’inscrit dans une société bien particulière, avec des traditions socio-culturelles et artistiques qui lui sont propres. On peut même porter des vêtements spécifiques pour certaines fêtes ou célébrations propres à notre culture. Les habits de fête ne sont pas les mêmes en Bavière qu’au Japon, par exemple.

Alors qu’on pourrait avoir l’impression que la mode correspond à une forme d’expression très libre, on se rend compte qu’elle est très codifiée : le monde professionnel, par exemple, fixe des règles, écrites ou non, qui dictent de quelle manière on peut se présenter ou non. Dans certains métiers, on porte un uniforme, dans d’autres, les schémas sont tellement spécifiques que cela revient également à en porter un, la couleur de la cravate restant le dernier refuge de l’expression individuelle. Ces règles, chacun peut les accepter, les refuser et en subir les conséquences, ou tenter de les subvertir subtilement chaque fois qu’il le peut. Un veston couleur saumon ou une fleur à la boutonnière peuvent être des actes de douce rébellion.

Même dans notre vie privée, nous acceptons de nous plier à des règles vestimentaires parfois très strictes. En quête de leur individualité, certaines personnes finissent paradoxalement par porter l’uniforme du groupe auquel ils s’identifient : gothiques, rappeurs, BCBG, métalleux. Pour exprimer son vrai soi, on finit par ressembler à tout le monde. Même l’expression de l’excentricité est codifiée, et ceux qui s’éloignent de tous les schémas peuvent s’attendre à être montrés du doigt. On n’aime pas trop les clous qui dépassent.

On ne s’habille pas de la même manière à toute heure de la journée, en toute occasion. Rester chez soi en survêtement pour regarder la télé, c’est acceptable, mais quand on sort, on fait en général un effort supplémentaire. La mode peut même être un instrument de séduction. Elle peut dissimuler ou dévoiler, cacher ou mettre en valeur le corps de celui ou celle qui en fait usage, en fonction de son audace et des circonstances.

Mais il s’agit d’une arme à double tranchant. Car la mode a également un aspect moral, voire moralisateur. C’est le cas pour les femmes en particulier, dont les choix vestimentaires font perpétuellement l’objet de débat : si on juge qu’elles se dévoilent trop, on les traite de femmes légères, si on juge qu’elles n’en dévoilent pas assez, on dira qu’elles sont coincées, une femme qui ne soigne pas son apparence sera jugée « peu féminine » et il existe même des règlements mis en place pour que le femmes, au travail ou à l’école, s’habillent de manière à ne pas déconcentrer les hommes, dont, apparemment, la volonté est si fragile. Toute une tragi-comédie névrotique s’est mise en place autour de la mode féminine, qui mériterait que des romanciers s’y attardent.

Même au-delà de cette dimension, certains choix vont attirer l’hostilité : même s’ils sont de plus en plus populaires, les tatouages révulsent toujours une partie de la population et peuvent coûter cher sur le plan professionnel ; portez un costume vert au théâtre et vous verrez comment vous serez reçus ; dans certaines cultures, s’enduire le visage de peinture noire vous rangera automatiquement aux côtés des nostalgiques de l’esclavage ; dans les années 60, les cheveux mi-longs des Beatles semblaient tellement inconcevables à une partie de la population que la presse était persuadée que les musiciens portaient des perruques. La mode, comme toute expression de l’identité, peut donner naissance à d’invraisemblables réactions de rejet.

La mode et le décor

La mode n’est pas confinée à nos corps, elle ne s’arrête pas à celles et ceux qui la portent. Elle est aussi liée à l’activité du monde. La soie, la laine, les fibres synthétiques, viennent d’endroits précis, sont produites dans des conditions précises et quiconque endosse un vêtement sera, indirectement, responsable, par exemple, de conditions de travail déplorables, de désastres écologiques ou de maltraitance animale. Considéré de cette manière, le vêtement n’est que la manifestation d’un processus et de mécanismes économiques pas toujours reluisants.

La mode, c’est aussi les tout petits milieux de la haute-couture ou du prêt-à-porter, avec leurs créateurs, leurs mannequins-stars, leurs petites mains, leurs fashion weeks, et cette manière d’incarner une avant-garde vestimentaire qui semble de plus en plus coupée des préférences du grand public. Un tel milieu est une aubaine pour un auteur, qui peut y situer d’innombrables histoires.

Au-delà des lieux de production, la mode, c’est aussi des lieux d’achats : magasins de vêtements ou de chaussures, salons de coiffure ou de tatouage, onglerie, etc… Ceux-ci offrent aux romanciers des espaces de socialisation qui permettent à des personnages de se rencontrer, de se trouver des points communs ou des différences, d’échanger des informations. Plutôt que dans un bar, choisissez-donc de situer une scène de rencontre ou d’enquête dans une friperie, un salon de piercing ou dans un barbershop à l’Américaine, haut lieu de socialisation. Cela apportera un peu de diversité.

La mode est également influencée par les époques. Jusqu’aux années 1990, tout le vingtième siècle a été marqué par des changements radicaux de la silhouette féminine et masculine, se modifiant à peu près tous les dix ans. Auparavant, dans l’histoire, les tenues avaient tendance à se modifier de manière spectaculaire à chaque révolution ou changement de régime. C’est comme si un soubresaut dans l’air du temps devait également se voir dans la manière dont les gens choisissent de s’habiller.

Depuis les années 1990, on est entré, selon la thèse de Simon Reynolds, dans l’ère de la rétromanie, une époque qui refuse d’opter pour une esthétique et préfère, dans un élan de nostalgie ou de recyclage postmoderne, considérer que tout ce qui a été à la mode autrefois est perpétuellement à la mode, ce qui donne l’impression que l’époque fait du surplace.

La mode et le thème

Dans la mesure où certaines personnes utilisent leur apparence pour exprimer en public ce qu’elles sont vraiment, la mode offre le potentiel de traiter de manière intéressante le thème de l’identité.

À quel point est-ce que mon apparence peut refléter mon moi intérieur ? Est-ce que l’identité que je proclame et celle que je ressens sont identiques ou différentes ? La vérité existe-t-elle ou n’est-ce qu’une apparence de plus ? Est-ce que l’habit fait le moine, en d’autres termes, est-ce qu’à force d’adopter des vêtements qui ne me correspondent pas, je vais finir par changer, ou au contraire, est-ce que tout cela va mener à une gêne croissante, voire à une crise existentielle ? Quelle est la souffrance d’être habillée comme une femme quand on se sent homme ? Ou de se faire imposer des vêtements occidentaux quand on souhaiterait afficher un autre type d’héritage culturel ? Si je vais mal, est-ce que mon apparence se détériore ? Et si je m’habille mieux, est-ce que je vais aller mieux ? Les questions que cela soulève sont nombreuses et fertiles pour un écrivain.

Extension intéressante de ces réflexions, la mode constitue également un terreau idéal pour le thème du regard. En clair : à quel point mes actions sont-elles influencées par l’opinion que les autres ont de moi ? Quel rôle joue autrui dans la construction de mon identité ?

La question est omniprésente quand on parle de mode et elle mène souvent à des débats dans lesquels il n’est pas facile de trancher (ce qui en fait des ressources précieuses pour les auteurs). Par exemple, de nombreuses femmes clament qu’elles ne se maquillent que pour elles-mêmes, et en aucun cas pour attirer les regards, surtout pas ceux des hommes. Même si elles sont sincères, on sent bien qu’il y a derrière cette décision tout le poids des représentations des rapports hommes-femmes, qui traverse chacun de nous d’une manière qui n’est pas toujours flagrante. L’apparence, après tout, se construit de manière subtile entre ce que je cherche à exprimer et la manière dont tout cela est capté et interprété par autrui.

Et s’il n’y a pas de regard du tout, existe-t-on vraiment ? Le film « La Moustache » d’Emmanuel Carrère met en scène un homme qui décide de se raser la moustache, ce que personne autour de lui ne remarque. Il y a aussi le conte des « Habits neufs de l’Empereur », dans lequel l’apparat du pouvoir modifie le regard et l’objectivité d’une foule, qui, confrontée à l’image de leur souverain dans le plus simple appareil, feint de ne rien remarquer.

À partir de ce thème du regard, un auteur pourra s’intéresser aux jeux de séduction, à l’estime de soi ou encore à la manière dont, rituellement, un changement esthétique peut marquer une rupture avec le passé. À méditer lorsque vos personnages arrivent à un tournant de leur existence.

La mode et l’intrigue

Il y a une histoire que tout le monde connaît dont un élément d’intrigue tourne autour d’un accessoire de mode : c’est « Cendrillon. » Dans le conte, un prince peu physionomiste organise des séances d’essayage auprès de toutes les jeunes filles du royaume, dans l’espoir de retrouver celle qui a égaré une chaussure de vair et qui lui a tapé dans l’œil.

Un détail vestimentaire peut ainsi créer une connexion entre deux êtres. L’un peu avoir flashé sur la tenue d’un autre, ils peuvent avoir échangé par erreur un vêtement, ils peuvent réaliser qu’ils sont habillés exactement pareil. Les possibilités sont nombreuses, et cela peut servir de point de départ à une intrigue.

On peut aussi utiliser la mode comme colonne vertébrale pour toute l’histoire d’un bouquin. Ainsi, comme fil rouge d’un roman, on peut suivre une jeune femme à la poursuite de la robe de mariée idéale, du début jusqu’à la fin de sa recherche, quel que soit la tournure que prendra celle-ci ; toute une histoire peut être inscrite dans les quelques jours que prend la confection d’un costume ou la réparation de chaussures ; on peut aussi suivre la mise en place d’une collection de mode, du premier croquis jusqu’au défilé.

Un mystère peut s’appuyer sur la mode : comment le personnage a-t-il acquis le chapeau qu’il porte au début du roman ? C’est ce qu’il va nous raconter par la suite, dans un long flashback. Et puis on peut suivre un vêtement plutôt qu’un personnage, en racontant, par exemple, comment un pardessus s’est transmis de propriétaire en propriétaire, comment ils l’ont acquis, comment ils s’en sont servis et comment ils l’ont perdu ou donné.

La mode et les personnages

Les liens qui peuvent se tisser entre la mode et les personnages peuvent commencer et s’arrêter par une question élémentaire : à quoi ressemblent les personnages de mon roman ? S’il n’est généralement pas utile, voire pas souhaitable, de les décrire dans les moindres détails, il peut être très intéressant d’avoir une idée générale de leur apparence, et des liens qu’ils entretiennent avec celle-ci.

Sont-ils soignés ou négligés ? Suivent-ils la mode ou non ? Appartiennent-ils à un mouvement qui a ses propres codes vestimentaires ? Sont-ils immuables ou changent-ils de look de manière régulière ? Ont-ils certains vêtements ou d’autres détails (lunettes, coupe de cheveux, chaussures, bijou) qu’ils portent sur eux et qui revêtent à leurs yeux une importance particulière ? Ces santiags que votre protagoniste porte en permanence, symbolisent-elles quelque chose ? Est-ce un cadeau ? L’expression de certaines valeurs ? Ou une simple habitude qui ne signifie rien ? En se posant ces questions, vous pouvez contribuer à définir l’image de vos personnages, mais aussi leur personnalité et leurs valeurs.

Ces choses-là évoluent avec le temps. Même Tintin, peu intéressé par les révolutions vestimentaires, a fini par abandonner ses pantalons de golf pour les troquer contre une paire plus passe-partout. Et vos personnages ? Est-ce que leur rapport à la mode évolue ? Leurs goûts ? La relation qu’ils entretiennent avec leur image, avec le regard d’autrui ? Faites le test : imaginez ce que porte votre protagoniste au début, puis à la fin du roman. Est-ce la même chose ? Y a-t-il du changement ? Et si oui, pourquoi ?

Variantes autour de la mode

Il y a déjà tellement de variantes autour de ce que l’on porte sur soi que ça devrait suffire à la plupart des auteurs… à moins qu’ils souhaitent emmener la mode vers des rivages surnaturels ou extraordinaires. Là, comme toujours, c’est sans limite, et on peut appliquer des idées qui permettent d’accentuer encore les thèmes esquissés ci-dessus.

Pourquoi ne pas écrire une histoire de science-fiction où les vêtements et les cosmétiques peuvent optimiser l’apparence d’un individu, et où plus personne ne serait capable de reconnaître à quoi ressemble un être humain au naturel ? Et si un habit que l’on porte est capable d’influencer notre humeur, sera-t-on capable de s’en passer ? Pourra-t-on encore reconnaître ses véritables émotions ?

La matière première des vêtements peut également donner lieu à toutes sortes de variantes : et si vos habits étaient vivants et devaient être nourris ? Et s’ils pouvaient changer de forme à l’infini ? Et si le cuir à la mode était produit à partir de créatures intelligentes ? Et si nos vêtements étaient en même temps des moyens de transport ? Ou qu’ils étaient comestibles ?

⏩ La semaine prochaine: Éléments de décor – les animaux

20 réflexions sur “Éléments de décor: la mode

  1. Excellent article !
    J’écris de la SF et la mode (appelée plutôt « bien être » car cela englobe plus d’éléments que les vêtements, accessoires et maquillage) est utilisée comme moyen pour focaliser l’attention de la population sur sa santé, son mental et d’autres facteurs.
    Sinon, il y a une saga qui traite de l’apparence et qui est, à mon sens, un excellent roman jeunesse : la saga Uglies de Scott Westerfeld.

    Hate de lire d’autres articles 🙂

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  2. Encore un excellent article qui ouvre de nombreuses pistes de réflexions
    (cela dit, je comprends pas en quoi la blackface peut être un choix esthétique, mais passons)
    Ce qui rend la mode aussi intéressante, c’est qu’elle reflète à peu près tout : la personnalité du personnage, sa culture, son statut social, son occupation, son environnement, et même le climat, la géographie, etc.

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  3. J’adore vraiment ta capacité à questionner tous les aspects d’un sujet, ça ouvre plein de pistes passionnantes 🙂
    Dans mon « roman n°2 » j’utilise beaucoup la mode pour caractériser l’évolution de mon héroïne et les univers qu’elle traverse. L’histoire démarre dans une société très hiérarchique et patriarcale, où la mode féminine est aux crinolines, sublimes mais contraignantes. Dans la 2ème partie, qui se déroule dans un monde beaucoup plus libéré, les vêtements sont plus extravagants : il y a beaucoup de couleurs, de perruques, d’accessoires, de masques, les femmes peuvent porter des pantalons, des vêtements de travail, etc. Le tout inspiré de l’esthétique steampunk.
    Et dans mon tome 2, j’envisage un retour au premier décor mais avec une évolution vestimentaire qui marquerait celle de la société : toujours assez rigide, mais beaucoup plus sobre, avec moins d’envergure dans les robes, etc..

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  4. Excellent article, exhaustif et intelligent. « Tout ce qui a été à la mode autrefois est perpétuellement à la mode, ce qui donne l’impression que l’époque fait du surplace. » = non seulement ça — mais c’est la double peine d’avoir dû subir la mode moche des années 90 dans les années 90 — et devoir la subir à nouveau aujourd’hui.
    Concernant les cheveux longs des Beatles, j’aimerais rappeler que les Romantiques de 1830 portaient aussi les cheveux longs, ainsi que les révolutionnaires des années 1790 — par opposition aux « perruques » — les vieux de leur époque. Les cheveux longs ont toujours été des symboles de liberté et de rébellion — avant de devenir à la mode — et donc de devenir un nouveau conformisme.
    Idem pour les tatouages : c’était autrefois subversif — un symbole de rébellion — la preuve qu’on était un « bad boy » — mais maintenant que tout le monde en porte — c’est plutôt la preuve d’un esprit conformiste. De manière générale, se « soumettre » à la mode est la preuve d’un manque d’imagination, d’absence d’esprit critique et d’un mimétisme niais. Un personnage intelligent crée la mode — il ne la suit pas.

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    • Merci beaucoup pour cette série d’intéressantes observations, en particulier celle sur les cheveux longs, qui me paraît être l’illustration parfaite de ce thème.

      Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi sur le dernier point, par contre. Je ne pense pas que les gens qui se soumettent à la mode manquent d’imagination. A mon avis, les gens vraiment originaux, ceux qui sont capables de s’affranchir complètement des références extérieures pour se forger une individualité et une image qui leur est propre, sont exceptionnels et très rares. La plupart de celles et ceux qui se considèrent comme des originaux ne font en réalité que du collage. Il faut davantage que de l’intelligence pour être Björk ou Salvador Dali.

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    • C’est un commentaire intéressant, mais je trouve que qualifier tous ceux qui suivent la mode de « moutons » en gros est un peu extrême et restrictif^^.
      J’ai plus envie de critiquer la mode en tant que business, dont le seul but est de te faire renouveler ta garde-robe tous les six mois, que les gens qui la suivent. Personnellement, ça m’énerve qu’on décide pour moi que je dois porter du jaune moutarde cet hiver, alors que je n’aime pas le jaune moutarde. Du coup je fais les magasins quand la mode s’aligne avec mes gouts^^.
      Donc critiquer la mode (en tant qu’industrie), pourquoi pas, mais c’est un peu facile de taper sur les gens qui la suivent (et euh pas très original non plus^^). Ça me parait très humain de vouloir s’habiller comme ses pairs, vouloir s’intégrer dans un groupe, c’est un instinct de survie basique. D’ailleurs, ceux qui ne suivent pas la mode commerciale s’habillent tout de même comme leur propre groupe social comme l’a dit Julien, et rarement totalement originalement. Ensuite, je pense que pour beaucoup de gens, suivre la mode est aussi une question de facilité : forcément si on ne vend que des pulls jaune moutarde cette hiver, c’est quand même plus simple d’acheter un pull jaune moutarde que d’arriver à dénicher LA boutique qui en vend un bleu turquoise .
      Ensuite, j’ai envie de dire aussi que toute personne intelligente et originale ne va pas forcément « créer la mode », parce que en soi, c’est un domaine artistique à part, et que beaucoup de gens intelligents et originaux utiliseront leur intelligence et originalité dans d’autres domaines, et se ficheront simplement de leur apparence vestimentaire^^. Pour vouloir « créer la mode », il faut avoir envie de le faire tout simplement, et s’y intéresser, et je pense que ça n’a rien à voir avec le QI de qui que ce soit^^.

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      • Je pensais à « créer la mode » non dans le sens « fabriquer des vêtements  » mais plutôt « faiseur de mode » comme l’ont fait Beau Brummel qui invente le dandysme, une nouvelle façon de s’habiller de nouer sa cravate (avec une fausse désinvolture) et la Comtesse Greffulhe qui disait à Worth qui venait de lui montrer ses dernières créations « tout ça est très beau mais je veux quelque chose de différend » (citation de mémoire). »Elle ne suivait pas la mode mais la devançait » disait un de ses contemporains. C’est de ça dont je voulais parler.

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    • Je ne le sous-entends pas, je l’affirme ! Mais là, on parle de quelque chose qui réclame davantage que de l’imagination. Il faut aussi du recul, du cran, un très fort esprit d’indépendance, la volonté de se distinguer, de la culture, le goût de la mise en scène et des dizaines d’autres traits de caractères qu’on trouve rarement chez la même personne.

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  5. Merci pour cet article ! Je ne sais plus si je te l’avais réclamé, mais je suis ravie de le lire^^. Je trouve que la mode au sens large est un sujet vraiment passionnant, parce qu’elle révèle tellement de choses sur nos cultures, nos habitudes. C’est un domaine qui mélange à la fois un aspect artistique, un aspect pratique, toute une symbolique, une notion d’appartenance, et même pas mal de politique… Pendant mes études, j’avais eu à faire un exposé sur un thème libre, et je m’étais retrouvée à faire un exposé sur, en gros, « l’oppression et la libération de la femme par le sous-vêtement ». En particulier, j’avais appris plein de choses sur les corsets, qui étaient à la fois un « instrument de torture » qui empêchait les femmes de se mouvoir librement, mais qui avaient été aussi un objet de revendication et de rébellion, entre autres envers l’église. Notamment, certaines femmes utilisaient le corset pour avorter, et en dehors de ça, c’était une attention de la femme à son apparence qui déplaisait beaucoup au clergé à l’époque. Je raconte ça de mémoire, mais en tout cas c’était vraiment passionnant^^. Ça se sent que je suis enthousiaste ?^^ Par contre, étonnamment, je n’ai quasiment pas utilisé le sujet de la mode dans mon premier roman (mais c’est un contemporain, c’est moins marrant^^).
    En tout cas, merci beaucoup pour cet article^^

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    • Oui, c’est effectivement toi qui a eu l’idée de ce billet. Merci beaucoup de cette suggestion, ça a débouché sur un champ d’exploration étonnamment riche, qui a suscité d’intéressantes réactions. (Et oui, comme toujours, on pourrait décliner ça à l’infini: « Les femmes et la mode », par exemple, c’est presque un thème en soi, même si je ne suis pas le mieux placé pour traiter le sujet).

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  6. Pingback: Tous les articles | Le Fictiologue

  7. « J’ai plus envie de critiquer la mode en tant que business, dont le seul but est de te faire renouveler ta garde-robe tous les six mois, que les gens qui la suivent. […] je fais les magasins quand la mode s’aligne avec mes gouts^^. »
    Réflexion très intéressante.

    J’ai souvent vécu/subit la mode de cette façon. D’où ce pseudo-anticonformisme crasse qui a longtemps dirigé ma vêture et mes excentricités pileuses…
    Et quand on se trouve plus souvent en retard ou en avance sur les modes que dans l’air du temps, les notions de confort/durabilité/prix priment bien vite sur cette course insensée. Mais comme les marchands ont une case pour ça aussi: ça s’appelle « les basiques intemporels »; les désargentés sont bien forcés de suivre la mode vu que les basiques coûtent cher…

    Vraiment, j’aime beaucoup ce « prisme business » pour observer la mode Hiéra.
    Et merci d’avoir soufflé cette idée d’article à Julien, n’étant pas féru du sujet j’avais besoin d’ouverture
    et d’une sérieuse remise à niveau culturelle. C’est un bon début.

    Maintenant pour mettre mon grain de sel j’aimerai souligner que la mode ne se limite pas aux vêtements.
    En automobile, la mode est aux SUV par exemple. Qui sur un plan purement technique, budgétaire et écologique sont discutables, d’ailleurs…
    En ameublement ça change également.
    La liste est longue.

    Merci de nous ouvrir des pistes encore une fois.

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    • Oui, c’est à dessein que je me suis limité à la mode vestimentaire. Déjà parce que la mode en tant que phénomène sociologique est peut-être un concept un peu trop flou pour ce type d’article, mais surtout parce que ce billet était déjà bien assez long sans en rajouter !

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