Les choses avancent, les choses progressent…
Ici-même, sur ce blog, j’avais au début du mois de mars publié un appel afin de trouver des bêta-lectrices et des bêta-lecteurs pour mon nouveau roman, dont je venais d’achever une version quasi-finale. Mon ambition était de trouver trois personnes prêtes à lire mon manuscrit, avec si possible au moins un bêta-lecteur qui avait lu mes livres précédents, les deux tomes de « Merveilles du Monde Hurlant. » Il est temps de vous tenir au courant des résultats obtenus par cette démarche.
Notez que je considère que les retours des bêta-lecteurs sont de nature, peut-être pas confidentielle, mais en tout cas personnelle, et en tout cas pas destinés à être partagés avec le plus grand nombre. La liberté de ton indispensable à l’exercice s’accommode mal d’une publication tapageuse de « qui-a-dit-quoi-à-quel-sujet. » Vous trouverez donc ci-dessous quelques exemples des retours que j’ai reçus, mais ils ne seront pas attribués à leurs auteurs, et résumés dans les grandes lignes.
Pour commencer, je ne m’attendais pas au succès de ma requête. Largement relayée en ligne par des amis, elle a connu un succès foudroyant, et j’ai reçu plus d’une vingtaine de propositions spontanées. J’aimerais ici exprimer ma plus profonde reconnaissance à toutes les personnes désireuses de m’aider, et en particulier à celles et ceux qui ont pris le temps de lire mon texte et de m’envoyer leurs retours.
Au final, j’ai sélectionné huit personnes pour cette bêta-lecture, fixant un délai à la fin du mois de mai. L’une d’entre elles n’a rapidement plus donné signe de vie, et deux d’entre elles ne m’ont pas rendu leurs notes à la fin août, moment où j’ai décidé d’entamer malgré tout l’ultime relecture de mon roman, en intégrant les remarques reçues.
J’ai clairement eu la main lourde
Il faut dire que mon approche de la bêta-lecture avait quelque chose de décourageant. Déjà, mon roman est un gros pavé, avec de nombreux personnages et plusieurs intrigues parallèles. Mais en plus, j’ai opté pour l’approche de la bêta-lecture décrite par Stéphane Arnier. Je vous encourage à lire ce qu’il a écrit à ce sujet, mais en résumé, il s’agit de considérer cette phase, non pas comme une validation éditoriale, non pas comme une suite de « j’aime/j’aime pas » arbitraires, mais comme une manière de tester le roman, de s’assurer qu’il fonctionne et que les points principaux de l’intrigue sont compréhensibles.
Là où j’ai clairement eu la main lourde, c’est que j’ai distribué à mes pauvres bêta-lectrices et lecteurs un questionnaire-coup de massue comportant plus de 200 points. C’était, à l’usage, une mauvaise idée : cela a probablement contribué à décourager deux d’entre eux, et m’a forcé à manipuler une masse de données proprement hallucinante.
Cela dit, je n’ai pas de regrets, et si je devais le refaire, je ne sais pas trop comment je m’y prendrais. Parce que le fait de poser des questions de vérification sur des points majeurs comme sur des points mineurs du manuscrit m’a permis de déceler des incompréhensions là où je ne les attendais pas.
Pour citer quelques exemples, j’ai découvert qu’il n’y avait pas deux lecteurs qui visualisaient de la même manière les Lithiques, une espèce de petits êtres en pierre qui peuplent mon univers de fiction. En prendre conscience m’a permis d’ajuster les descriptions.
Au début du roman, une scène d’action située dans un appartement a également suscité une certaine confusion de la part de mes bêta-lecteurs. Il faut dire que j’y décrivais trois portes distinctes : celle de l’entrée, une deuxième entre deux appartements communicants, et la porte de la chambre de mon héroïne. Pour rendre tout cela moins confus, j’ai rayé du texte toute mention de la troisième porte, et j’ai repeint la deuxième, qui est devenue « la petite porte rouge. » Le chapitre est bien plus clair désormais.
Il faut avouer que ça détend
À l’inverse, pour terminer sur les résultats du questionnaire, des passages qui me semblaient confus, trop complexes, peu clairs, ont été compris par tous mes bêta-lecteurs sans aucune gêne. Il faut avouer que ça détend.
Et puis il y a eu quelques cas de conscience : dans un ou deux cas, des bêta-lecteurs n’ont pas compris certains détails de l’intrigue. Par exemple, la première moitié du livre raconte un voyage du Nord au Sud, et une lectrice pensait que c’était l’inverse. Passant en revue les passages en question, j’ai jugé que le cap avait été indiqué suffisamment souvent pour que les choses soient claires, et que finalement, un lecteur qui n’aurait pas saisi ça n’aurait rien manqué de vital. Peut-être que je me trompe, mais c’est aussi le genre de question que l’on doit trancher dans cette phase de bêta-lecture.
En tant qu’auteur, je ne crois pas que chaque détail d’une histoire doive être explicité, y compris les plus triviaux. Cela peut produire selon moi un résultat lourd et archaïque. Aussi, par exemple, lorsqu’une bêta-lectrice s’est demandée d’où un personnage tirait un drapeau qu’il brandissait soudain, alors qu’il venait de passer quelques jours en ville, j’ai jugé que celles et ceux qui se poseraient la question parviendraient sans difficultés à formuler une hypothèse convaincante. Certains préféreraient à coup sûr bénéficier de davantage de détails, mais c’est un choix que j’assume.
Et puis il y a eu un petit fossé culturel, assorti d’un mauvais jugement de ma part. Dans mon univers de fiction, il existe un empire des humains, le Reik, qui est une mosaïque d’États plus ou moins indépendants, avec à leur tête un Empereur élu par les souverains des nations qui constituent l’ensemble. « Un peu comme le Saint-Empire Romain Germanique », me suis-je toujours dit, moi qui suis Suisse. Je n’avais pas imaginé que ce type d’organisation paraîtrait exotique et déconcertant à des lecteurs français, naturellement plus accoutumés à l’histoire des Rois de France. La bêta-lecture m’a permis d’en prendre conscience et de rajouter quelques lignes d’explications par-ci, par-là.
Résultat amusant : ce livre est la suite de ma duologie « Merveilles du Monde Hurlant », mais il est conçu pour pouvoir être lu indépendamment. Les bêta-lecteurs qui avaient lu le premier ont douté que cela soit possible, alors que ceux qui ne l’avaient pas lu n’y ont pas vu de problème.
Dans la seconde partie de ce billet consacré à la bêta-lecture de mon roman, j’aborderai les autres types de retours obtenus lors de cette phase.
Article très intéressant ! Merci de partager l’expérience de ces retours avec nous ! J’hésitais justement à faire un questionnaire pour mes bêtas-lecteurs, avec la peur que cela les décourage… (cela dit je n’aurais peut-être pas fait 200 points 😀 tu es prêt pour travailler en institut de sondages !)
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Oui ^^; je pense que quatre ou cinq fois moins de questions, ça serait largement suffisant !
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Bêta lecteur n’ayant pas rendu ma copie,
je présente ici à l’auteur mes excuses les plus plates
et je le remercie du plaisir que j’ai eu à traverser le monde hurlant
et non, la liste de question était plutôt appétissante
et pas du genre à me décourager,
(plutôt l’occasion de m’offrir un second voyage,
car ma lecture erratique et paresseuse et ma mémoire fantaisiste
m’ont laissé plus d’une fois perplexe devant certaines questions précises.
jusqu’au jour ou twitter m’a appris que j’avais mangé la dead line 😦
bref, encore merci Julien, je suis prêt à recommencer l’aventure mais je comprendrais bien que tu me rayes de ta bêta-liste !!
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Toutes mes excuses, je te prie de me pardonner de t’avoir appris de cette manière que j’avais bouclé mon roman, j’aurais dû procéder d’une autre manière.
Comme j’ai entamé l’écriture de ce manuscrit il y a cinq ans et que j’ai bouclé l’avant-dernière version du texte il y a six mois, je crois qu’il y a en moi une certaine usure, celle du coureur de fond qui s’approche de l’arrivée, et ça s’est traduit par un empressement d’en finir. En plus, je vais me lancer dans l’autoédition, ce qui promet d’être une autre colline à gravir.
Un grand merci d’avoir accepté mon texte (par contre, je ne suis pas près de me lancer à nouveau dans l’écriture d’un roman, donc la prochaine bêta-lecture, s’il y en a une, aura lieu dans des années !)
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mais non, c’est moi qui suis en tort ; et puis que je l’apprenne par ton compte twitter t’a éviter la corvée pénible de me rerappeler la deadline….
l’usure dont tu parles, je la ressens aussi quand un texte approche de sa fin, ou plutôt de sa version finale (mais évidemment, chez moi ça dépasse rarement deux pages, donc c’est moins rude. 🙂 )
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Je serais curieuse d’en savoir plus sur le questionnaire que tu as utilisé ! Lors de ma dernière BL, j’ai essayé cette approche en envoyant un questionnaire à une partie de mes bêta-lecteurs et en demandant aux autres de procéder de façon classique. Mais soit je m’y suis mal prise, soit la méthode du questionnaire ne fonctionne pas pour moi car j’ai eu du mal avec les retours. Il n’y avait globalement pas de problèmes de compréhension dans mon texte, en revanche les autres bêta-lecteurs ont soulevé des problèmes de narration, de structure et de construction des personnages qui étaient bien plus importants à travailler.
En tout cas merci de nous partager ton expérience !
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Je pense qu’il y a une troisième explication, en ce qui concerne ton questionnaire : ton roman était clair, aucune scène ne posait de soucis de compréhension ou de ton à tes bêta-lectrices et lecteurs. En soi, il est précieux de le savoir.
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Oui c’est vrai que c’est rassurant !
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Super cet article. Étant l’une des bêta-lectrices, c’est sympa d’avoir ton ressenti. Juste pour le questionnaire : personnellement j’ai trouvé que c’était très « rassurant ». C’était ma première bêta-lecture de roman et c’est forcément différent des bêta-lecture de nouvelles que je peux faire sur co-cyclic. Et du coup, ça permettait de savoir sur quoi tu avais des attentes. C’est vrai que 200 questions ça faisait peut-être beaucoup, mais en y répondant après chaque chapitre, ça passait bien.
Sinon, je vois dans une de tes réponses (et je crois l’avoir vu aussi sur twitter) que tu te lançais dans l’auto-édition, si tu fais un article sur le pourquoi, ça m’interesse, surtout que les 2 premiers tomes ont été publié chez un éditeur si je ne m’abuse ?
Et pour finir, courage pour la dernière ligne droite, tu y es presque !!
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Merci beaucoup pour ton aide extrêmement précieuse et pour tes encouragements !
Je ferai peut-être un article sur les raisons qui me poussent à me lancer dans l’auto-édition, mais pour faire court: l’éditeur de la duologie initiale ne souhaite pas publier de sagas au long cours, ce que je comprends. Quant à moi, j’avais envie de m’engager moins souvent dans des salons littéraires qui m’éloignaient de ma famille. Chercher une autre maison d’édition n’avait pas beaucoup de sens, aussi la solution de l’autoédition s’imposait d’elle-même.
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