Critique : Mâchoires d’écume

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Poursuivant leur quête destinée à retrouver et réunir les Synalions afin de combattre les forces d’Orga, deux d’entre eux, Lilas et Carson, partent en mission spéciale, bravant les terribles Eaux du Froid Mordant, afin de recruter le dernier élément manquant. Pendant ce temps, le jeune Jaz se réfugie au sein d’une troupe de saltimbanques.

Disculpeur : Sara est une amie

Titre : Les Enfants d’Aliel, tome 3 : Mâchoires d’écume

Autrice : Sara Schneider

Edition : Le Chien qui pense (ebook)

Une des joies des « Enfants d’Aliel », c’est que chaque volume est un peu meilleur que le précédent. Comme le premier était déjà très bon, cela ménage de très agréables moments de lecture. « Mâchoires d’écume », à ce titre, est un peu le tome de la maturité, celui où l’autrice domestique totalement son sujet et déploie son plein potentiel littéraire, qui est considérable.

« Mâchoires d’écume » poursuit l’intrigue entamée dans les tomes précédents, et constitue à ce titre le troisième chapitre de la saga complète des « Enfants d’Aliel ». C’est important de s’en rendre compte, afin d’aborder l’oeuvre correctement : le volume n’est pas lui-même construit comme un roman indépendant, avec un début, un milieu et une fin, mais s’insère comme le troisième acte d’une histoire complète.

Si c’est le meilleur épisode jusqu’ici, c’est aussi parce que c’est le plus inventif, le plus surprenant, le plus haut en couleurs. On découvre de nouveaux personnages savoureux, une nouvelle culture particulièrement originale, quelques créatures mémorables, ainsi qu’une description très vivante du fonctionnement d’une troupe itinérante de théâtre, qui mériterait sa saga à elle seule. Quant aux protagonistes, ils continuent à être attachants, distinctifs et convaincants en tant que personnes.

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J’ai déjà eu l’occasion ici de vanter la plume de Sara Schneider et son talent de conteuse. Je ne vais pas le refaire ici : sachez simplement qu’on retrouve ces qualités intactes, peut-être même renforcée par l’expérience, avec un sens aigü du dosage, qui consiste à décider avec beaucoup de justesse quand il convient de s’arrêter et de décrire les choses à fond, et quand il faut faire vite.

Ce qui est fondamentalement une qualité a parfois engendré chez moi quelques frustrations. Lorsque Jaz découvre de l’intérieur le fonctionnement de la troupe qu’il a intégré, ou qu’en compagnie des autres, on apprend comment fonctionne un navire, ou qu’on découvre une civilisation étrange, l’autrice prend le temps de nous faire comprendre, vivre, ressentir les choses. Le résultat, c’est un ralentissement du rythme, qui donne parfois l’impression que les personnages s’arrêtent, fascinés, pour contempler ce qui les entoure. Pendant ce temps, moi, lecteur, je me rappelle qu’ils sont en mission, que le sort de l’humanité est en jeu et que le temps presse. Par pitié, qu’ils arrêtent de faire du tourisme !

Mais en réalité, tout cela parait délibéré. Premièrement, le récit sait créer des points de rupture et des situations d’urgence qui rompent ce rythme contemplatif exactement quand il faut. Deuxièmement, le fait de prendre le temps d’absorber les détails qui constituent le monde sert les personnages, qui apparaissent dès lors comme plus humains, plus concernés que ceux qu’ils combattent. Cela m’apparaît comme une adéquation astucieuse et subtile entre la forme et le fond, et au final, cela constitue un des nombreux points forts du livre.

Si j’ai une critique, elle concerne les enjeux. Ici, on suit les aventures de deux personnages qui recrutent un nouveau membre dans le groupe, et d’un troisième qui tente d’échapper au danger. Mais pendant ce temps, hors-champ, les autres personnages principaux participent à une campagne militaire pour lutter contre les forces d’Orga, et on ne les retrouve que dans les dernières pages du volume. Fondamentalement, c’est plutôt une bonne idée de se concentrer sur un nombre limité de personnages, et pour l’essentiel, ça contribue au succès du roman. En revanche, en ce qui me concerne, j’ai perdu le fil des enjeux fondamentaux : où en sont les forces d’Orga ? Quelles sont leurs intentions ? Qu’est-ce qui est en jeu si elles gagnent ? Qu’est-ce que les Synalions projettent de faire de leur côté pour empêcher ça ? Selon moi, ça aurait valu la peine d’expliquer, d’illustrer ou de réaffirmer ces éléments. Bien qu’on assiste ici à quelques scènes sur des attaques commanditées par l’ennemi, j’attendais un point de bascule dramatique, et j’ai parfois eu l’impression, au troisième tome de la saga, de me situer toujours dans un (excellent) prologue.

Cette réserve ne gâche pas du tout le plaisir ressenti pendant la lecture de cet excellent roman, et j’ai hâte de découvrir la suite (alors que le cinquième et ultime tome vient de paraître).

Une réflexion sur “Critique : Mâchoires d’écume

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