Plus d’une dizaine de billets déjà dans ce blog et je n’ai même pas encore commencé à parler de l’écriture proprement dite. Nous avons abordé plusieurs questions liées à l’inspiration et à la naissance des idées, mais nous n’avons pas encore pris la plume.
Rassurez-vous, on y vient… prochainement.
Pour le moment, il nous reste une question à aborder. Une question qui est, vous allez le voir, plutôt fondamentale pour qui souhaite écrire de la fiction, puisqu’il s’agit de « Qu’est-ce qu’une histoire ? »
Vous souhaitez écrire ? Vous pensez avoir une idée qui vous motive suffisamment pour prendre la plume ? Commencez par la rédiger. Une phrase ou deux, pas plus, couchez-là sur le papier et réfléchissez-y. C’est ce qu’on appelle « l’argument » ou « le pitch » : un résumé en une phrase des enjeux et du contenu du récit que vous avez en tête. Est-ce intéressant ? Est-ce que cette phrase donne envie d’en lire davantage ? Est-ce que c’est original ? Pouvez-vous y ajouter ou en retirer quelque chose pour l’améliorer ?
Vous pouvez utiliser votre pitch comme boussole pour retrouver le cap
Une fois que vous en êtes satisfaits, c’est très bien : vous avez votre pitch. Il va vous servir à ancrer tout votre travail d’écriture, et vous pourrez l’utiliser comme boussole pour retrouver le cap quand votre muse vous aura emmené au loin, hors de la vue de l’histoire que vous souhaitiez raconter (oui, ces choses-là arrivent plus souvent que ce que l’on pense).
« Un pantin menteur qui marche et qui parle échappe à son créateur et vit des aventures dans le but de devenir un vrai petit garçon » : c’est l’argument de « Pinocchio. » Pouvez-vous résumer l’histoire que vous avez en tête en si peu de mots ? Parvenir à le faire peut vous aider à clarifier vos idées et à comprendre plus précisément l’histoire que vous êtes réellement en train de raconter.
Pour compléter votre pitch, même si ce n’est pas une obligation, songez à formuler un thème. Un seul mot peut suffire, ou une courte phrase. C’est cela qui va guider vos choix en ce qui concerne la signification profonde de votre roman, le message que vous souhaitez faire passer. Dans le cas de Pinocchio, le thème, c’est tout simplement la nature de la vérité. Nous parlerons des thèmes un peu plus en profondeur dans un prochain billet.
L’étape suivante consiste à produire un résumé. En deux mots, racontez toute votre histoire, du début jusqu’à la fin, en mentionnant tous les personnages principaux et tous les points forts de l’intrigue. Idéalement, il ne faut pas que cela dépasse une page. Ce document est précieux : il va vous servir à bâtir votre plan (nous y reviendrons prochainement).
De nos jours, il est rare de trouver de la fiction dans laquelle le personnage principal ne change pas
Reste à répondre à la question cruciale que nous nous posons cette semaine : votre projet, est-ce une histoire ?
Une histoire, c’est un récit au cours duquel le personnage principal change.
Il peut s’agir d’un changement physique ou extérieur : une blessure, la mort, une métamorphose ; cela dit, en général, cela dit, il s’agit plutôt d’un changement intérieur : il apprend une leçon, il change d’opinion, il subit un traumatisme, il prend conscience d’une de ses failles, il fait un constat décisif sur le monde qui l’entoure, etc… et en général, tout cela est lié au thème central que l’auteur aura sélectionné.
De nos jours, il est bien rare de trouver de la fiction contemporaine, que ce soit dans les livres, au cinéma, à la télévision, dans laquelle le personnage principal ne change pas. C’était davantage le cas autrefois, en particulier dans les récits mettant en scène un personnage récurrent : dans les histoires de Sherlock Holmes ou de Conan le Cimmérien, le protagoniste ne progresse pas, et il est rare que les aventures qu’il vit laissent des traces durables sur sa personnalité. Dans ces récits, le changement est exclusivement extérieur, et presque anecdotique : une énigme est résolue, un péril est évité.
Il est à relever que de nos jours, lorsque l’on entreprend d’adapter des œuvres de ce genre, on s’arrange pour y ajouter une dose supplémentaire de développement du personnage. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement pour se plier aux modes du moment ou, comme on l’entend parfois, pour injecter du « soap opera » dans des genres qui n’en avaient pas besoin. En réalité, le changement est l’ingrédient essentiel à l’équilibre d’une histoire.
« Pourquoi diable est-ce qu’on m’a raconté cette histoire? »
Lorsque l’on est auteur, ce qui peut arriver de pire, c’est qu’un lecteur parvienne à la fin de votre livre en se disant « Pourquoi diable est-ce qu’on m’a raconté cette histoire ? » Il peut arriver en effet qu’en refermant un livre, on soit saisi d’un sentiment de flottement, ne comprenant pas très bien quels pouvaient être les enjeux du récit, comme si rien de tout ce qu’on a lu n’avait d’importance.
En règle générale, on ressent cette confusion quand le personnage principal n’apprend rien, ne se transforme pas, ne subit aucun changement. On est amené alors à se demander, explicitement ou non, pour quelle raison c’est cette partie de sa vie sur laquelle on s’est concentré, plutôt qu’une période de changement, par nature plus essentielle.
Les moments de transformation ne sont pas nombreux dans une vie, ce sont ceux qui sont les plus déterminants pour forger le caractère et pour trouver sa place au sein de la société, et ce sont de plus les périodes qui sont thématiquement les plus riches et émotionnellement les plus mouvementées : bref, une histoire, c’est le récit d’un changement, et un changement, c’est un bon point de départ pour une histoire.
A l’inverse, un récit où le personnage est parfait dès le départ, n’apprend aucune leçon, ne souffre pas de manière significative, ne rencontre personne de marquant, et vient au bout de ses embûches sans sacrifice et en restant le même qu’il était au début, ça n’est pas réellement une histoire. L’expression qui convient pour qualifier ce genre de récit, c’est « une perte de temps. »
Atelier : Dans les livres, les films, et autres histoires que vous découvrez, demandez-vous dans quelle mesure le personnage principal change (même question pour les personnages secondaires). Si vous avez un projet de livre, est-ce que vous avez prévu que le protagoniste connaisse une transformation ? De quel ordre ?
Pingback: Les personnages principaux | Le Fictiologue
Pingback: Tous les articles | Le Fictiologue
Pingback: Critique: Anno Dracula | Le Fictiologue