Critique: « D’un monde à l’autre »

Titre: La Quête d’Ewilan – D’un monde à l’autre

Auteur: Pierre Bottero

Editeur: Rageot Editeur (version ebook)

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C’est parce que, en tant qu’auteur, on a plusieurs fois comparé mon roman à l’oeuvre de Pierre Bottero en général et à Ewilan en particulier que j’ai été tenté de découvrir ce cycle que je ne connaissais pas du tout.

Un premier constat s’impose: « D’un monde à l’autre » n’a pas volé son très grand succès. C’est un livre plein de charme et de personnalité, qui développe un monde et un imaginaire très personnels et qui, pourtant, semblent immédiatement familiers. L’auteur a un style fluide, agréable, concis mais jamais sec, occasionnellement ambitieux dans ses choix de vocabulaire pour un ouvrage qui se destine en particulier à un jeune public. La plupart des personnages sont attachants, vivants, distincts les uns des autres et de leurs interactions naissent la plupart des grandes joies de lecture que recèle ce livre. Ces qualités permettent à elles seules de faire de ce roman une réussite, et de passer sur les aspects moins séduisants du texte.

On peut repérer des familiarités avec d’autres textes: l’étrange voyage de la jeune fille rappelle des classiques comme « Trois coeurs, trois lions » de Poul Anderson. Quant à ses compagnons, ils sont très semblables à ceux des « Chroniques de Prydain » de Lloyd Alexander. Des comparaisons qui doivent être comprises comme des éloges, car le roman n’a rien à envier à ces glorieux prédécesseurs.

« Camille connaît tout et sait tout faire, est sage, aimée de tous et ne se trompe jamais »

Parmi les points faibles: le personnage central, celui de Camille, est le plus remarquable. Elle est un trou noir au coeur du livre, un protagoniste aussi difficile à aimer pour le lecteur qu’il est apprécié des autres personnages. Camille connaît tout et sait tout faire, est sage, aimée de tous, ne se trompe jamais, ne présente aucune faille et, n’ayant aucun défaut, ne change pas et n’apprend aucune leçon au cours du roman. Difficile de suivre les aventures d’un individu dont on comprend vite que rien ne va l’atteindre et qu’elle n’évoluera en aucune manière. le fait que son descriptif soit une accumulation de clichés n’aide pas: bien sûr elle est l’Elue, bien sûr elle est plus puissante que tous les autres, bien sûr elle a des parents adoptifs qui ne l’aiment pas parce qu’ils sont trop méchants, bien sûr elle a les yeux violets. Comme le protagoniste donne au roman une partie de sa forme, les défauts de Camille sont ceux de « D’un monde à l’autre »: dans ce narratif, cette jeune fille représente un point de repère, une sorte de bien absolu, et celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec elle sont nécessairement dans l’erreur. A force, cette perfection devient risible et même irritante.

Le roman souffre également de petits défauts de construction, sans doute dû au découpage en trilogie. En particulier, toute la dernière partie qui a lieu dans notre monde fait l’effet d’un pétard mouillé: il s’agit d’une digression, qui permet (vaguement) d’introduire un personnage qui n’a aucune conséquence immédiate sur l’intrigue. Toute cette partie pourrait être coupée sans rien changer à l’histoire, et le choix de l’y laisser condamne la fin du livre à l’enlisement (ou donne envie de découvrir la suite, c’est selon).

Malgré quelques points noirs, ce roman représente un agréable moment de lecture, captivant et attachant quoi qu’imparfait.

6 réflexions sur “Critique: « D’un monde à l’autre »

  1. J’ai l’impression que c’est souvent le problème dans les romans fantastiques (et surtout le Young adult) : le danger n’est pas assez travaillé, il n’y a aucune matière et souvent, assez peu de suspens lorsqu’on est habitué à en lire. Cette critique est très intéressante 🙂 Comment s’appelle ton roman ?

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