
« La Mer des Secrets », mon nouveau livre qui vient de sortir, est présenté par l’éditeur comme un « roman fantasy steampunk. » J’aimerais en profiter pour dire deux mots de la question des genres littéraires, qui, selon moi, est un peu différente pour les auteurs de ce qu’elle peut être pour les éditeurs, les libraires ou même les lecteurs.
Où ranger un roman ? C’est la question fondamentale de la classification par genres. Et l’interrogation est pertinente : elle permet à l’auteur et aux lecteurs de se retrouver autour de centres d’intérêt communs. C’est le point de départ du coup de foudre que l’on peut avoir pour un livre.
En ce qui concerne les deux tomes de ma série « Merveilles du Monde Hurlant », le mot « steampunk » figure donc en quatrième de couverture, des éléments d’imagerie steampunk sont inclus sur les illustrations, l’éditeur a fait une partie de sa promotion autour du steampunk et j’ai même été invité à parler de steampunk à la maison Jules Verne à Amiens.
Tout cela, d’ailleurs, ne vient pas de nulle part. C’est soutenu par le texte. Dans « La Ville des Mystères », on aperçoit des dirigeables, on évoque des usines, il y a une journaliste buveuse d’absinthe qui écoute du jazz, un oiseau mécanique, et un assassin qui brandit un mousquet. Dans « La Mer des Secrets », une partie de l’intrigue tourne autour d’un grand bateau à vapeur, il y a une embarcation amphibie montée sur des pattes articulées et tout se termine sur un gratte-ciel. En plus, la question de la contestation sociale, qui, pour moi, est centrale dans tous les genres littéraires « punk », est au cœur de l’histoire.
Cela dit, certains lecteurs m’ont fait le reproche d’avoir été, en quelque sorte, trompés sur la marchandise. Ils attendaient un roman de steampunk plus pur. Or, je n’aime pas la pureté – je suis même en train d’écrire un livre à ce sujet.
Après tout, il y a aussi le mot « fantasy » imprimé dans le résumé, et on trouve dans ce roman une magicienne qui manipule les plantes, un trois-mâts dont les voiles sont tissées par des araignées, une antique espèce dont les membres se présentent sous la forme de poissons volants, une île qui ne devient visible que lorsqu’on l’approche par un cap bien précis, et plein d’autres éléments qui n’ont rien à voir avec le steampunk. On trouvera aussi, çà et là, des emprunts à la science-fiction, comme cette jeune femme dont le cerveau contient les individualités de quarante-sept personnes différentes, et qui n’est rien d’autre qu’un motif courant dans la littérature transhumaniste.
Bref, « Merveilles du Monde Hurlant » est difficile à classer dans un genre en particulier, voire même dans deux. J’ai toujours aimé le mélange des genres, et pour moi, les littératures de l’imaginaire n’ont d’intérêt que lorsqu’elles laissent les idées de toutes sortes s’épanouir. Il n’y a plus grand-chose de fantastique dans une épopée héroïque avec des elfes et des dragons ; de même, à force de se reposer constamment sur les mêmes motifs, le steampunk tourne souvent à vide. En franchissant les frontières des genres, on peut retrouver quelques fulgurances d’imagination propres à séduire les lecteurs qui apprécient ce genre de choses.
Au final, ma duologie « Merveilles du Monde Hurlant » est un ornithorynque. On n’en voudra à personne d’être déçu qu’il ne soit ni castor, ni canard. J’aurais tendance à rapprocher ce texte du mouvement « new weird », mais l’étiquette est incompréhensible pour les lecteurs francophones et n’a donc pas grande utilité. Bref, oui, « fantasy steampunk », c’est assez juste.